... illustrée par « la dépêche du groupe EDF » n° 3062 du 17 novembre 2008, titrée « Avec 3 100 MW mis en service en 3 ans, EDF renforce son parc thermique à flamme ».
On y apprend que « Pierre Gadonneix a inauguré, le 14 novembre, deux nouvelles turbines à combustion au fioul d’une capacité totale de 370 MW à Vaires-sur-Marne », venant s’ajouter à celle de Vitry-sur-Seine (125 MW début 2008) et complétant la « remis en service, après d’importants travaux de modernisation, quatre unités de production au fioul de 2006 à 2008 »
à Porcheville (2 x 600 MW, Yvelines), Aramon (700 MW, Gard) et
Cordemais (700 MW, Loire-Atlantique). EDF y explique aussi que « la production thermique à flamme est sollicitée en période de « semi-base » (production modulée au fil de la journée) et de « pointe » (lors
de pics de consommation). Le thermique à flamme assure ainsi en temps
réel l’équilibre production/consommation d’électricité en permettant de
répondre au plus près aux fluctuations de la demande. »
De cette information, une autre lecture est possible (1)
n’ayant quasiment plus rien investi en moyens de production depuis
bientôt 10 ans (le réacteur nucléaire de Civaux 2 a été couplé au
réseau en 1999), EDF est bien forcée de faire face à l’accroissement,
modéré mais continu, de la demande d’électricité. Et ce n’est pas
l’inscription à la Programmation Pluriannuelle des Investissements
(PPI) du 7 juillet 2006 du seul réacteur de Flamanville 3 (EPR de 1600
MW, qui ne produira pas avant 2012) qui suffira : c’est pourquoi cette
même PPI a programmé aussi 6 100 MW de thermique à flamme, programme
auquel EDF vient d’apporter une pierre supplémentaire (tout comme POWEO
ou GDF) (2]).
De là à mettre en exergue, dans un encart de la même dépêche, « des performances environnementales optimisées », il y a un pas de trop : les 3 100 MW ainsi remis en service par EDF fonctionnent au fioul et continueront à émettre du CO2 qui s’ajoutera à celui émis par « les trois plus récentes unités charbon 600 MW de Cordemais et du Havre [fussent-elles] équipées des procédés les plus performants en matière de dépollution : désulfuration et dénitrification ». Et ça ne fera qu’accroître, de facto, les gaz à effet de serre du secteur de la production d’électricité.
Plus
grave : on aimerait que le premier groupe énergétique français
n’affirme pas si péremptoirement des choses discutables, ou
mensongères, comme celle-ci : « en 10 ans, les émissions atmosphériques des centrales thermiques à flamme d’EDF ont été réduites de 50 % »,
sauf à mélanger poussières, oxydes d’azote, dioxyde de soufre et gaz
carbonique dans un vague mix de fumées émises, et à expliquer ce que
sont, concrètement, « les dispositifs installés sur les nouvelles turbines à combustion de Vaires-sur-Marne permettent de réduire les émissions de CO2 » : une installation de captage-stockage de CO2, ça se saurait, et ça se saluerait !
Ce n’est donc pas d’ « optimisation » qu’il s’agit, mais d’une nouvelle atteinte au climat, de même type, si ce n’est ordre de grandeur, que les 20000 MW de
production électrique à base de lignite que les allemands vont mettre
en service d’ici 2020 pour faire face à la sortie du nucléaire ! Et « Sauvons le Climat »
ne peut que le regretter vivement. D’autant que ce constat s’inscrit
dans un contexte plus général, relevé par Enerpresse et le JDLE du
25-11-2008 : « Les 22 principaux électriciens européens ont émis 800 millions de tonnes de CO2
en 2007, en hausse de 23 Mt par rapport à 2006 et 43 Mt par rapport à
2001. Cette augmentation est due à un accroissement de la production
électrique de 1,5%, soit 32 TWh en 2007 et à une hausse du facteur carbone de 5,3 kg de CO2 par MWh par rapport à 2006 ».
Hausse saluée par le silence d’organisations pourtant soucieuses d’environnement, d’habitude …
(1) Pour ne pas nous en tenir à une troisième lecture, impertinente, voire polémique : « Ce développement de moyens de production d'électricité "modulable au fil de la journée" est
peut-être aussi (ou surtout ?) rendu nécessaire par l'installation
d'éoliennes, dont il faut remplacer la production quand le vent tombe
... Faisant d’une pierre deux coups, on pourra alors, avec la
complicité de l’ADEME, affirmer que le fonctionnement des éoliennes
permet de diminuer les émissions de CO2 ! ».
(2) Hervé Kempf avait écrit, l’avant-veille de la parution de ladite PPI, un article intitulé « Energie et climat : sortir de la frénésie », paru dans « Le Monde » du 5 juillet 2006 :« la
contradiction entre le discours proclamé et la réalité des actes est
devenue une telle constante de la vie politique que l’on finit par ne
plus s’en étonner ». Ainsi, l’objectif des 21% en 2010 « implique
une réduction de l’ordre de 3 % par an des émissions de gaz à effet de
serre dès aujourd’hui. Or qu’observe-t-on en matière de production
énergétique ? Que la France s’apprête à mettre en service plus de 10000
MW de capacité de production électrique à combustible fossile d’ici à
2012 [EDF : 3100 MW ; Poweo : 2800 MW ; SNET : 2000 MW ; GDF : 1430 MW ; Suez : 840 MW. …] Le bilan global [en termes d’émissions de gaz carbonique] n’en sera pas moins inévitablement défavorable ». Pour une fois, « Sauvons le Climat » est d’accord avec Hervé Kempf.
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