SLC par Hervé Nifenecker
Le rapport Charpin a mis le photo voltaïque sur la sellette, en montrant que la poursuite de la politique mise en place à la suite du Grenelle de l’environnement conduirait à des dépenses difficilement supportables.
Une innovation diabolique
Devant cette perspective peu enthousiasmante en période de vaches maigres, le gouvernement a décidé un moratoire de 3 mois sur l'obligation pour EDF et les distributeurs non nationalisés de conclure un contrat d'achat de l'électricité photovoltaïque aux conditions tarifaires actuellement applicables. Ce moratoire ne s'applique toutefois pas aux installations d'une puissance inférieure à 3 kW. A quoi va servir ce moratoire? Le plus probable est qu'on reverra à la baisse les tarifs de rachat. C'est sans doute trop espérer qu'on profite de ce temps de réflexion pour remettre en cause un dispositif invraisemblable, l'obligation d'achat. Dans quel autre secteur de l'économie que l'électricité les acheteurs ont-ils l'obligation d'acheter à un tarif exorbitant des produits dont ils n'ont pas besoin? Même les soviétiques n'avaient pas osé !
... pour des résultats médiocres
Que pouvaient espérer les promoteurs de cette politique ?
En particulier, les pompes à chaleur extraient, pour chaque kWh électrique consommé, 2 à 3 fois plus de chaleur dite géothermique (en réalité solaire). Pour les 50 G€ on pourrait subventionner à 50% 10 millions de PAC, consommant 50 TWh d'électricité (avec très peu d'émissions CO2) et 150 TWh de géothermie, soit plus de 5% de la consommation finale, au lieu de 0,2% ! .
2. Contribuer à la réduction de nos émissions de CO2 ? Certes le fonctionnement des cellules photovoltaïques ne produit pas de CO2. La plus grande part des cellules photovoltaïques nous viennent de Chine ou d'Allemagne. Un module de 100 watts crête au maximum produit, en France, entre 1500 (Marseille) et 1000 (Paris) heures par mois, soit entre 150 et 100 kWh annuels. On estime que l'électricité qui a été nécessaire pour la produire est de l'ordre de 300 kWh . Il y a lieu d'ajouter la contribution liée à fabrication des structures mécaniques, mais nous négligeons cet aspect car il est très dépendant des techniques utilisées, mais il peut facilement augmenter de 30% la quantité d'électricité nécessaire à la fabrication du système de production. En Chine la production d'électricité s'accompagne de l'émission de 900 grammes de CO2 par kWh, en Allemagne de 520 g/kWh et en France de 42 g/kWh. Pour les 300 kWh nécessaires à la fabrication de la cellule, on aura émis 270, 156 ou 12,6 kg de CO2 selon le pays d’origine. Si l'on rapporte ces quantités à la quantité totale d'électricité produite pendant la durée de vie de la cellule, soit environ 20 ans, on obtient un contenu en CO2 de l'électricité produite de 90, 52 et 4,2 g/kWh. Ces chiffres sont à comparer à ceux de 5, 440 ou 960 g/kWh pour une production d'électricité par des centrales nucléaires, à gaz ou à charbon respectivement. On constate donc que l'électricité photovoltaïque ne réduit pas les émissions de CO2 dans un pays comme la France dont 95% de la production électrique est le fait du nucléaire et de l'hydraulique. Il n'en n'est pas de même dans les pays comme l'Allemagne ou l'Espagne dont l'électricité est largement produite par de centrales à combustibles fossiles.
3. Développer l'industrie française du Photovoltaïque? Les cellules photovoltaïques sont essentiellement importées de Chine, et, à un moindre degré d'Allemagne. Il est vrai qu'une partie importante des coûts correspond à la pose des panneaux. Les métiers en cause pourraient parfaitement être reconvertis et, avec fruit, dans des travaux de restauration et d'isolation thermique du bâti.
4. Développer des énergies décentralisées permettant aux producteurs de devenir autonomes? Avec les procédures actuelles, le développement des énergies renouvelables intermittentes (éolien et photovoltaïque) est tributaire de la vente sur le réseau qui doit pouvoir s’adapter aux fluctuations. Dans ce souci, on essaie, par exemple, de compenser une faible production éolienne dans le Nord de l’Allemagne par la production solaire du Sud de l’Espagne, par exemple. Ceci signifie une amélioration considérable et onéreuse du transport d’électricité par lignes à haute tension. Il faudrait aussi ajuster la demande à l’offre, d’où la mise en œuvre de compteurs dits intelligents qui moduleront notre consommation au grès des variations du vent et de l’ensoleillement. Bien loin du rêve de la production autonome et indépendante de notre électricité voilà Big Brother qui vient dans nos compteurs!
Pour une politique efficace et raisonnable de développement de l’électricité solaire
Faut-il, pour autant, renoncer au développement de la production d’énergie solaire ?
Ce serait une grave erreur. Mais il faut changer radicalement de philosophie.
1. Utiliser l’énergie solaire là où le soleil brille le plus, en Espagne plutôt que dans l’Europe du Nord. Et ce d’autant plus que les pics de consommation électrique correspondent aux heures chaudes de l’été dans les pays du Sud, alors qu’ils sont plutôt en hiver dans les pays du Nord.
2. Dans les pays comme la France où le contenu en CO2 de l’électricité est faible, encourager le chauffage solaire (particulièrement les chauffe eau solaires) plutôt que la production d’électricité. Un exemple : un ensemble de capteurs solaires de 14m2 installés dans les Hautes Alpes permet d’économiser 1500 litres de fioul par an (1000 €), correspondant à une énergie de 17500 kWh. Le coût d’une telle installation est de l’ordre de 14000 euros. En l’absence de subventions le temps de retour est de l’ordre de 14 ans. Dans ce cas le prix du kWh effectivement économisé vaut 0,055 €/kWh. Une installation photovoltaïque de même surface produirait environ 2500 kWh d’électricité pour un coût analogue. Le coût de ce kWh photovoltaïque serait donc 7 fois plus élevé que celui économisé par le chauffe eau solaire. Dans la pratique, cette différence est compensée en grande partie par le système de l’obligation d’achat, puisque, avec un tarif de rachat de 580 €/MWh le revenu annuel procuré par l’installation serait de 1450 €, dont au minimum 1200 € seraient payés par la collectivité (les autres consommateurs d’électricité). Ajoutons que la chaleur solaire permet, elle, d'éviter l'émission de plus de 4 tonnes de CO2.
3. Dans les pays ensoleillés ne disposant pas de réseau électrique développé le couplage de cellules photovoltaïques à un stockage est la meilleure solution pour fournir un minimum de confort électrique à un milliard d’habitants. Par exemple, en admettant un coût de 3 €/Wc et un coût des batteries deux fois plus élevé (avec une durée de vie des batteries de 2 ans, pour une durée de vie des cellules de 20 ans), un coût du litre de gazole rendu sur place de 2 €/litre (on tient compte de l’éloignement des centres de raffinage) on trouve que le kWh photovoltaïque serait d’environ 0,2 €/kWh à comparer à 0,5 €/kWh pour l’électricité produite par un groupe électrogène. Comme cela avait été suggéré par le député Claude Birraux et notre ami Patrick Jourde, le développement du PV dans ces conditions ne nécessite que des prêts modestes et assurés d’être remboursés par les économies faites en passant du groupe électrogène au système photovoltaïque. Qu’attendent nos industries du photovoltaïque pour investir ce marché, susceptible de plus de bénéficier des Mécanismes de Développement Propre ?
4. En France, les producteurs ne devraient être aidés que pour l'autoconsommation. Le calcul de la rentabilité, dans le cas de l'autoconsommation, se fait alors par rapport au prix de vente de l'électricité au particulier, soit, en moyenne, environ 0,15 €/kWh. Nous retenons un coût d'installation de 4 €/Wc (on trouve des publicités pour des kits de 2000 Wc à 7500 Euros) pour une production d'environ 1,5 kWh/an/Wc. Avec un amortissement sur 10 ans (hors intérêts) on arrive à un coût d'environ 0,26 €/kWh. Une subvention de 0,12 €/kWh (prix au détail du kWh supposé égal à 0,15 €/kWh) serait suffisamment incitative. Sur 10 ans, le surcoût pour la collectivité serait de 1,8 €/Wc. Actuellement l'obligation d'achat (sur 20 ans) coûterait 13,5 €/Wc , en supposant un surcoût de 0,45 €/kWh pendant 20 ans soit une production de 30 kWh/Wc. Il faudrait alors, bien sûr, supprimer l'obligation d'achat qui serait remplacée par une subvention au kWh auto-consommé. L’utilisation du courant photovoltaïque en auto-consommation encouragerait, à coup sûr, l’utilisation des applications directes du courant continu comme la recherche des batteries d’ordinateur, de téléphone portable ou la production de froid. Là aussi on pourrait espérer que les entreprises françaises développent des solutions innovantes.
En préambule on est bien d'accord que cette affaire est de toutes façons de la très mauvaise politique.
On vote des tarifs de rachats élevés ; cela favorise l'effet d'aubaine mais aussi incite à investir ou tout simplement à s'investir dans le système. Et patatrac on fait machine arrière.
Pour autant :
- Doit on ranger cette obligation d'achat au rang de création du diable ?
Vous dîtes "Dans quel autre secteur de l'économie que l'électricité les acheteurs ont-ils l'obligation"
Mais vous (SLC) répétez sans arrêt , et avec raison , que l'électricité n'est pas un produit comme un autre!
C'est vrai qu'on revient d'un système où le particulier producteur , lorsqu'on lui octroyait le droit de débiter sur le réseau , devait s'acquitter d'une installation d'interface complexe et coûteuse pour un prix de vente à minima . Démarche normale pour l'industriel acheteur qui cherche à vendre au plus haut et acheter au plus bas. Sauf que là encore l'industriel n'était pas un industriel comme un autre puisqu'il avait le monopole de l'Electricité (Et loin de moi l'idée de contester ce monopole qd c'était un monopole d'état).
- Le résultat est il aussi médiocre ?
Les chiffres que vous citez (1 000 à 1 500 kwh/an pour un module d'1 kwc) sont tout à fait honnêtes. D'ailleurs on dispose maintenant d'un retour d'expérience significatif pour le prouver*.
Mais je ne trouve pas médiocre le résultat . Considérez une ferme moyenne bien exposée d'un petit village de France méridionale : les toitures SUD de ses différents bâtiments atteignent facilement 1000 m2 . Equipées, leur puissance totale atteint donc en JUILLET AOUT 100 kw. Rapportés à la puissance utilisée à la même époque dans ce petit village ce n'est pas du tout négligeable et je comprends que cela fasse paniquer EDF ! Il serait d'ailleurs intéressant , vous qui êtes bien introduits , que vous preniez à votre convenance un petit village de votre région , et vérifiez mes assertions.
- Cela développe t il l'Industrie Française ? Clairement non !
Mais est ce pour autant la faute au PhotoVoltaïque?
On se demande d'ailleurs pourquoi le Conseil Constitutionnel , prompte à retoquer , n'a pas à réagi et fait en sorte , astucieusement bien sûr , de limiter l'aide aux prestations nationales ou locales. Car les cellules photovoltaïques sont toutes** importées de très loin.
Or cellules + onduleurs représentent au bas mot 65 % du prix global.
Et dans la foulée des cellules les onduleurs sont souvent , aussi , importés … de très loin.
*. Faut il pour autant 3 000 kwh pour le produire ? C'est possible mais je ne peux pas le prouver et vous non plus.
** Là encore j'espère me tromper ; si vous connaissez nommément des fabricants allemands qui produisent tout en Allemagne nous le faire savoir.
Rédigé par : c10a | 13 janvier 2011 à 09h28