Constatant que « le froid fait rebondir le débat sur l'énergie éolienne »,[1] le Figaro du 14/12/2010 rapportait le point de vue d’André Antolini, président du Syndicat des Energies Renouvelables (SER), selon lequel« personne n'a jamais prétendu au sein de la filière que «l'éolien était synchrone avec le grand froid. Mais dire qu'il n'y a pas le moindre souffle de vent dès que les températures s'abaissent est un mensonge absolu ». [...]".
Deux jours après cette appréciation très mesurée, le SER publie un communiqué sans nuance : « Alors que le froid s’est installé dans notre pays, aujourd’hui [jeudi 16], au moment du pic de consommation électrique de la journée, le parc éolien français, avec une puissance de production instantanée de 3400 MW, couvre 4 % de nos besoins […] D’une manière générale, les données relevées année après année démontrent que c’est en période hivernale que l’énergie éolienne produit le plus, en phase avec nos besoins électriques accrus. […] ».
Qu’en penser ? Nous appuyant sur les relevés « éCO2mix » délivrés, quart d’heure par quart d’heure, en temps réel, sur le site du gestionnaire du réseau de transport RTE[2], nous en extrayons les puissances à la pointe, ces 5 derniers jours :
Ouf ! Le record de consommation a eu le bon goût de tomber le 15 plutôt que le 13 (mais sûrement pas le 16) ! Le SER appliquerait-il la philosophie d’Edgar Faure pour qui l’essentiel était que « la girouette suive le vent » ? Le SER, partageant sans doute l’humour du défunt politicien, a peut-être jugé profitable de commettre une petite erreur, juste avant les Fêtes, histoire de brouiller les cartes.
Quel crédit accorder aux propos du lobby vert ?
Déjà, dans un communiqué du 8/11/2006, le SER avait nié toute responsabilité de l’éolien dans le grand black-out européen, en dépit des accusations explicites de l’électricien allemand E.On, étayées dans de nombreux rapports[3].
Plus généralement, « Sauvons le Climat » se doit de dénoncer la propension du lobby éolien à faire état d’études menées par des consultants « indépendants », dont il est en fait le commanditaire. Trois exemples :
- la plaquette réalisée par The Boston Consulting Group pour le compte du SER : « Donner un nouveau souffle à l’éolien terrestre » fut, en juin 2004, le véritable cahier de revendications du syndicat professionnel ;
- c’est sur la base d’une étude confiée à Capgemini Consulting que le SER publia, début mai 2010, des placards publicitaires dans le Monde, le Figaro, etc. sur le thème « ne sacrifions pas une filière énergétique respectueuse de l’environnement et créatrice d’emplois » avec une assertion invérifiable : « 10 000 salariés travaillent déjà dans l’industrie éolienne en France […] Ils pourraient être 60 000 en 2020 si l’élan n’est pas brisé » ;
- enfin, un récent rapport (13/12/2010) promouvant l’éolien offshore, diffusé par PricewaterhouseCoopers, se veut « étude indépendante et approfondie [reposant sur] près de 60 entretiens réalisés auprès d’experts et de sociétés actives dans la filière éolienne [et des] recherches de données publiques approfondies pertinentes (GWEC, EWEA, SER FEE, ADEME, etc. »[4] . En fait réalisé pour la Compagnie du Vent (filiale de GDF-Suez), il vise à montrer que « le tarif d'achat de l'électricité éolienne offshore fixé à 13 cts/kWh n'est pas rentable actuellement en France » et à plaider pour un tarif de 20 cts€/kWh, soit plus de 5 fois le coût de production d'EDF, rien moins !
Ces documents, souvent luxueusement présentés et diffusés, ont évidemment pour but d’influencer les décideurs : est-il surprenant que les revendications de juin 2004 aient été quasiment toutes satisfaites ? Mais ils ne relèvent pas d’une approche rigoureuse.
C’est pourquoi, se souvenant que la « gouvernance à 5 » pratiquée lors du Grenelle de l’Environnement a surtout eu l’avantage, aux yeux des ONG « environnementalistes patentées[5] » admises à la table de M. Borloo, d’en exclure les scientifiques, à commencer par les Académiciens, « Sauvons le Climat » réitère sa demande pressante d’un vrai débat sur les énergies renouvelables sous la houlette d’une autorité responsable et compétente, indépendante des divers groupes d’intérêt en jeu, chargée d’établir clairement la place que doit occuper l’énergie éolienne (ou solaire) dans la production d’électricité, et les modalités d’une mise en œuvre qui évitent des surcoûts excessifs aux consommateurs.
[1] Article de Frédéric de Monicault :http://www.lefigaro.fr/societes/2010/12/14/04015-20101214ARTFIG00781-le-froid-fait-rebondir-le-debat-sur-l-energie-eolienne.php
[2] http://www.rte-france.com/fr/developpement-durable/maitriser-sa-consommation-electrique/eco2mix-consommation-production-et-contenu-co2-de-l-electricite-francaise . Félicitations à RTE pour cette large diffusion publique, enfin !
[3] Alors que le SER affirmait que, « loin d’avoir concouru à la panne, la production éolienne a contribué au rétablissement d’une situation normale de production d’électricité », il fut prouvé que :
- la panne allemande du 4 /11/2006 provoqua la perte de plus de 10 000 MW éoliens, de l’Allemagne au Portugal ;
- pire, le comportement erratique des éoliennes de la partie orientale de l’Allemagne, se reconnectant au réseau au fur et à mesure que la fréquence de celui-ci baissait, compliqua le retour à la normale, qui fut deux fois plus tardif que celui en Europe occidentale (dont la situation fut sauvée par les STEP d’EDF) ;
- enfin, la responsabilité ultime de la disjonction de la ligne Landesbergen-Wehrendorf, initialement imputée à l’éolien par le gestionnaire de réseau E.On, fut confirmée par une étude française indépendante montrant qu’une poussée de vent en Allemagne du Nord avait causé la « fatale » augmentation de puissance.
La révision de la loi EEG (Erneuerbare-Energien-Gesetz) qui dit le droit relatif aux énergies renouvelables dans le domaine de l’électricité, à effet du 01/01/2009, est une forme de réponse aux difficultés rencontrées avec les éoliennes : d’une part elle élargit la plage de fréquence où le fonctionnement des éoliennes est requis, d’autre part et surtout, elle institue la notion de « commandabilité », c’est-à-dire le droit pour les gestionnaires de réseau de déconnecter une éolienne pour sauvegarder la sécurité de leur réseau !
[4] « Rapport PwC 2011 Eolien offshore : vers la création d’une filière industrielle française ? ». GWEC : Global Wind Energy Council; EWEA : European Wind Energy Association; SER FEE : France Energie Eolienne, branche du SER.
[5] De facto toutes plus ou moins … anti-nucléaires, si ce n’est explicite ment, du moins par omission !
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