traduit de
Earth's Climate History: Implications for Tomorrow
de James E. Hansen et Makiko Sato – July 2011
Le passé est la clé pour le futur. Contrairement à ce qu'on croit communément, ce ne sont pas les modèles climatiques qui servent de base principale pour estimer les effets dus à l'homme sur le climat. Notre connaissance la plus précise vient du paléoclimat de la terre, son climat ancien, et comment il a répondu aux changements passés des forçages climatiques, y compris la composition atmosphérique. Notre seconde source d'information essentielle provient des observations globales actuelles, spécialement par satellite, qui révèlent comment le système climatique est en train de répondre aux changements rapides que l'homme fait subir à la composition de l'atmosphère, particulièrement sa teneur en dioxyde de carbone (CO2). Les modèles nous aident à interpréter les changements du climat passés et présents, et dans la mesure où ils réussissent à simuler les changements passés, ils fournissent un outil pour aider à évaluer les impacts des diverses politiques qui affectent le climat.
Les données des paléoclimats fournissent notre meilleure estimation de la sensibilité du climat, c'est-à-dire le changement qui affectera au bout du compte la température globale en réponse à un forçage climatique donné. Un forçage climatique est un changement imposé au bilan énergétique de la terre, comme peut par exemple le provoquer un changement de la brillance du soleil ou un changement anthropique du CO2 atmosphérique. Par commodité, les scientifiques utilisent souvent un forçage standard, le doublement du CO2 atmosphérique, parce que c'est un niveau de forçage que les hommes vont imposer au cours de ce siècle si l'utilisation de combustibles fossiles est poursuivie avec la même intensité.
A partir des données paléo-climatiques, nous montrons que le réchauffement qui résultera du doublement du CO2 sera d'environ 3°C (5,4°F) quand uniquement les rétroactions qu'on appelle rapides auront répondu au forçage. Les rétroactions rapides sont des changements comme la quantité de vapeur d'eau atmosphérique et les nuages, quantités qui changent avec le climat, et jouent un rôle amplificateur ou modérateur sur la variation du climat. Les rétroactions rapides provoquent des changements de température globale, et dont l'effet complet s'exerce sur plusieurs siècles par l'inertie thermique de l'océan, qui ralentit la réponse du climat. Néanmoins, on s'attend à ce qu'environ la moitié de la réponse du climat aux rétroactions rapides se produise en quelques décennies. Le temps de réponse du climat est l'un des "détails" importants que les modèles aident à élucider.
Les hommes vivaient dans un monde passablement différent durant l'époque glaciaire qui a eu son maximum il y a 20 000 ans. Une calotte de glace couvrait le Canada et une partie des Etats-Unis incluant Seattle, Minneapolis et la ville de New-York. La calotte de glace, plus d'un mile [1] d'épaisseur en moyenne, aurait dominé les plus hauts bâtiments actuels. Les oscillations climatiques glaciaire-interglaciairse étaient provoquées par des forçages climatiques bien inférieurs au forçage causé par l'homme par l'augmentation du CO2 atmosphérique - mais ces faibles forçages naturels avaient beaucoup de temps pour agir, ce qui permettait à des rétroactions climatiques lentes comme la fonte ou la croissance des calottes de glace de se manifester.
Fig.1 Température globale relative au maximum de l'holocène, basée sur des carottes océaniques
Nous montrons aussi que les rétroactions lentes amplifient la réponse globale du forçage climatique. La principale rétroaction lente est la taille de la surface de la terre recouverte par des calottes de glace. Il est facile de voir pourquoi ces rétroactions amplifient le changement climatique, parce que la réduction de la surface de la calotte de glace due au réchauffement libère une surface sombre qui absorbe mieux la lumière du soleil et donc accroît le réchauffement. Néanmoins, il nous est difficile de dire combien de temps les calottes de glace vont mettre pour répondre au forçage climatique d'origine humaine car on n'a aucune trace de changement passé du CO2 atmosphérique dont la vitesse s'approche du changement actuel dû à l'homme.
La réponse d'une calotte de glace au changement climatique est un problème que l'observation par satellite peut nous aider à résoudre. Les modèles de calottes de glace, qui deviennent plus réalistes et qu'on valide sur les modifications observées des calottes, peuvent également nous aider à améliorer notre compréhension. Mais laissons nous d'abord guider par le passé "récent", le pliocène et le pléistocène, les 5,3 derniers millions d'années.
La figure 1 montre la température globale de surface des 5,3 derniers millions d'années, déduite des carottes de sédiments océaniques récoltées sur l'ensemble des océans du globe. Un agrandissement des 800 000 dernières années est montré dans la moitié inférieure de la figure. Des hypothèses sont nécessaires pour estimer le changement global de la température de surface à partir des changements dans l'océan profond, mais nous discutons et présentons des indices qui indiquent que l'enregistrement dans les carottes marines fournit une meilleure mesure du changement global moyen que ne le font les carottes de glace polaire.
La civilisation s'est développée au cours de l'holocène, la période interglaciaire des 10 000 dernières années, durant laquelle la température et le niveau de la mer ont été exceptionnellement stables. La figure 2 montre deux périodes interglaciaires antérieures qui étaient plus chaudes que l'holocène : l'éémien (il y a environ 130 000 ans) et l'holsteinien (il y a environ 400 000 ans). Dans ces deux périodes, la mer a atteint des niveaux de 4 à 6 mètres (13 à 20 pieds) plus élevés qu'aujourd'hui. Au début du pliocène, la température globale n'était que de 1 à 2°C plus chaude qu'aujourd'hui, et néanmoins le niveau de la mer était de 12 à 25 mètres (50 à 80 pieds) plus haut.
L'enregistrement paléoclimatique montre clairement que cibler un réchauffement global anthropique inférieur à 2°C, comme il est proposé dans certaines discussions internationales, n'est pas suffisant -cela revient à prescrire un désastre. Estimer le niveau dangereux de CO2 et le niveau dangereux de température est rendu difficile par l'inertie du système climatique. L'inertie, spécialement celle de l'océan et des calottes de glace, fait que les forçages climatiques puissants que nous pouvons apporter -par exemple la concentration de CO2 atmosphérique -n'ont initialement qu'une réponse modérée. Mais l'inertie n'est pas notre amie -elle signifie que nous sommes en train de préparer des changements pour les générations futures, qu'il sera difficile voire impossible d'éviter.
Fig.2 Evolution des masses de glace du Groenland (a) et de l'Antarctique (b) déduites de mesures du champ de gravité par Velicogna (2009) ; meilleures approximations par des courbes, avec des temps de multiplication par 2 des pertes de glace de 5ans et de 10 ans.
Une grande incertitude est de savoir à quelle vitesse les calottes de glace peuvent répondre au réchauffement. Notre meilleure estimation viendra probablement de mesures précises des variations de la masse des calottes de glace du Groenland et de l'Antarctique, qui peuvent être suivies au moyen de mesures par satellite du champ gravitationnel de la terre.
La figure 2 montre que les deux calottes de glace du Groenland et de l'Antarctique sont en train de perdre de la masse à une vitesse significative, qui atteint quelques centaines de km3 par an. Nous suggérons que la perte de masse de calottes de glace peut probablement être mieux approximée par une loi exponentielle que par une loi linéaire. Si l'une ou l'autre de ces calottes devait perdre de la masse à une vitesse doublant tous les 10 ans ou encore plus rapidement, ce siècle pourrait voir le niveau de la mer monter de plusieurs mètres.
L'enregistrement disponible est trop court pour donner une indication de la future perte de masse de la glace, mais ces données vont devenir extrêmement utiles au fur et à mesure que l'enregistrement sera prolongé. La poursuite de ces mesures par satellite devrait avoir une haute priorité.
References
Hansen, J., M. Sato, 2011: Paleoclimate implications for human-made climate change, Accepté pour publication dans "Climate Change at the Eve of the Second Decade of the Century: Inferences from Paleoclimate and Regional Aspects: Proceedings of Milutin Milankovitch 130th Anniversary Symposium" (A. Berger, F. Mesinger, and D. Šijači, Eds.)
Velicogna, I., 2009: Increasing rates of ice mass loss from the Greenland and Antarctic ice sheets revealed by GRACE, Geophys. Res. Lett., 36, L19503, doi:10.1029/2009GL040222.
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[1] NDT 1mile = 1 609 m
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