Philippe Hansen
A la fin des années 90, les préoccupations sur les émissions de CO2 font sortir le nucléaire mondial d'une longue phase de sommeil qui a débuté en 1986, suite au contre-choc pétrolier et à l'accès libre au marché du gaz russe. On commence alors à calculer les premiers bilans carbone, et on s'aperçoit que toutes les activités dégagent du CO2. Même pour un lycéen ou un employé du secteur tertiaire, il faut construire des bâtiments, les chauffer et produire des ordinateurs...
Les antinucléaires tentent alors de disqualifier le nucléaire sur ce terrain, en effet le calcul des émissions nécessite des étapes intermédiaires dont l'évaluation se prête plus aisément à la manipulation. Ainsi, dans les pays comme les Etats-Unis, selon que l'on considère que l'enrichissement de l'uranium est effectué par l'électricité majoritairement produite par les centrales à charbon ou seulement par celle issue des centrales nucléaires, le décompte des émissions de CO2 du nucléaire peut varier de 4 à 40 gCO2 par kWh. Ce qui est encore faible par rapport à la valeur moyenne mondiale de 500 gCO2 par kWh, mais non négligeable. En sous-estimant la durée des centrales nucléaires, la teneur des minerais, l'efficacité de l'extraction, Storm van Leuween arrive dans les années 2005-2007 à des valeurs irréalistes de plus de 100 gCO2 par kWh. Son calcul farfelu n'est naturellement publié dans aucune revue, ce qui aurait été un signe de validation scientifique.
Les experts des antipodes
En 2006, Lenzen, un universitaire australien, donc dans un pays sans centrales nucléaires, reprend les mêmes méthodes toujours sans validation extérieure. Benjamin Sovacool, alors obscur maître assistant à l'Université de Singapour, va arriver à faire publier les deux auteurs précédents. Sous prétexte de répertorier exhaustivement toutes les études sur le sujet, il en dénombrera 103, il inclut celles de Storm et Lenzen. Puis lorsque Sovacool veut obtenir une valeur, il en choisit 19 : il prend alors trois études successives du premier, deux études du second, et plusieurs textes antinucléaires qui y font référence ; mais il ne considère qu'une seule fois la valeur de l'Agence internationale de l'énergie. Par ce calcul foireux, il arrive à sortir en 2008 une valeur de 66 gCO2 par kWh, moyenne de valeurs obtenues, elles mêmes, sans aucune validation et qui n'a aucun lien avec la valeur moyenne des émissions du nucléaire.
Dans les années qui suivent, la cohérence des valeurs citées par Sovacool est remise en question : on ne peut pas émettre plus de carbone à l'extraction que ne permet d'en acheter la livre d'uranium, ou bien à l'aide de bilans énergétiques globaux, on remarque facilement qu'il faut réduire des coefficients qui ont été gonflés d'un facteur 10. Sovacool disparaît des forums de discussion sur l'énergie, mais les trois auteurs Sovacool, Storm et Lenzen restent des références dans le milieu antinucléaire, qui n'a pas de scrupules à fournir des références fausses aux militants et aux journalistes :
Lorsque Gilles Halais prétend corriger Madame Batho sur France Info , Cahuzac est dépassé.
Probablement peu habitué à l'analyse de documents scientifiques, mais gobant ce qu'on lui donne, Gilles Halais, dans une émission de vérification des faits sur France-Info, s'est mis en tête de corriger Madame Batho. Celle-ci affirmait que le nucléaire était une énergie décarbonée. Ce qui en France est objectivement vrai puisque l'énergie nécessaire à l'enrichissement est elle même fournie par les réacteurs nucléaires de Tricastin. L'extraction du minerai et la construction ne représentant que quelques grammes au kWh. Gilles Halais reprend intégralement les chiffres critiquables de Sovacool, mais il les attribue à Daniel Weisser ancien cadre à l'Agence internationale de l'énergie, ça fait plus sérieux, il met même un lien vers l'Agence internationale de l'énergie sur sa page de son blog professionnel, tout en y reproduisant un tableau de l'article de Sovacool ! Il s'agit donc d'une triple manipulation : le chiffre affiché de 66 gCO2 par kWh est une valeur calculée à partir des valeurs fausses de Storm et Lenzen, Halais la présentera comme une valeur moyenne pour le nucléaire et surtout elle n'a pas été publiée par Daniel Weisser. Dans l'article de celui-ci les valeurs s'étalent de 3 à 30 gCO2 par kWh. Dans une publication les plus récentes sur le sujet, Bob van der Zwaan montrera que les valeurs d'émission publiées dans douze revues à comité de lecture étaient toutes entre 5 et 15 gCO2 par kWh. Comme nous l'avons signalé plus haut, la publication est le mode de validation scientifique.Aujourd'hui, on ne reconnaît donc scientifiquement aucune empreinte carbone supérieure, pourtant :
Le lourd travail de quatre journalistes de Desintox sur Arte et la consécration du mensonge
Le 3 avril les journalistes d'Arte vont reprendre presque mot pour mot le texte de Gilles Halais, ce n'est plus un ancien cadre ; mais, l'Agence internationale de l'énergie, elle même, qui, selon eux, avait compilé 103 études en 2008...Les valeurs irréalistes de Storm van Leuween, impubliables et réfutées, ont donc franchit les étapes une à une, pour atteindre aux yeux des téléspectateurs, le statut de valeur officielle de l'Agence internationale de l'énergie.
Pays réel
Les journalistes ont donc construit un monde fantasmagorique, alors que dans le même temps, le nucléaire réduisait son bilan carbone : le passage de l'enrichissement par diffusion à la centrifugation comme nous l'avons fait en France, consomme 20 fois moins d'énergie et y fait passer le bilan carbone de 6 à 3 gCO2 par kWh. La réutilisation de l'uranium appauvri, du radier, de l'enceinte ou le passage aux surgénérateurs ferait tendre le bilan carbone pratiquement vers zéro.
Ce côtoient en France, deux mondes, le pays réel, celui de scientifiques informés et des travailleurs EDF, il est au contact du terrain ou dans les commissions internationales telles que le GIEC ; et le pays fantasmé des militants, des journalistes et des hommes politiques crédules, qui ne font preuve d'aucun esprit critique.
Qu'a-t-on mis sous le réverbère ?
La manipulation ne s'est pas arrêtée à la falsification, le choix même du sujet n'est pas innocent : le bilan carbone, mais pourquoi celui du nucléaire ? Et pas celui d'une autre énergie ? Pour genre de programme sur le bilan carbone, il y avait un sujet naturel : celui du photovoltaïque. Un panneau photovoltaïque émet du fait de sa fabrication entre 30 et 150g CO2 par kWh. Sachant qu'en France, EDF produit de l'électricité entre 26 et 60 gCO2 par kWh et que ce taux peut même baisser à 30 gCO2 par kWh en été, ; comme l'a fait remarquer JM Jancovici, dans une commission d'enquête parlementaire : en se substituant à l'électricité EDF, l'été, le photovoltaïque pourrait bien, lui, accroître les émissions de CO2 . Et nous, ajouterons : pour un surcoût de 2 milliards d'euros par an. Il y avait un beau sujet d'investigation n'est-ce pas ?
Une pratique courante
Depuis 40 ans, le mouvement antinucléaire par des contre-rapports bidons, déforme la réalité, il tente de contredire non seulement des ingénieurs du nucléaire, mais aussi des universitaires, jusqu'à l'Académie des Sciences et l'Académie de Médecine. Sans aucune validation scientifique, ses idées progressent par la manipulation. Celles auxquelles se sont livré France-Info et Arte, scandales de l'information qu'on essaie maintenant d'étouffer, ne sont-elles pas plus poussées que celles que l'on reproche à un certain homme politique, en ce moment ?
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