Les recommandations du "Grenelle" sont d'implanter 5,4 GW de toits solaires à horizon 2020. Les aides publiques actuelles à la filière sont déraisonnables et représentent un formidable gâchis payé par les citoyens français. Et pourtant le photovoltaïque est une technique d'un très grand avenir. Etat des lieux et propositions.
Si les recommandations du Grenelle sont suivies, 5,4 GW de toits solaires seront installés en France en 2020.
Aides au solaire : un état des lieux
La principale incitation utilisée est l’obligation faite à EDF
Distribution d’acheter le courant produit au tarif extrêmement
rémunérateur de 0,55 €/kWh (1), alors qu’EDF peut, normalement,
s’approvisionner à environ 0,03 €/kWh grâce à ses barrages et à ses
centrales nucléaires, et à moins de 0,07 €/kWh en moyenne sur le marché
spot. Le surcoût pour EDF Distribution est donc de l’ordre de 0,50
€/kWh payés finalement par l’abonné ou l’actionnaire (c’est à dire,
essentiellement le contribuable).
De plus un crédit d’impôt de 50% du coût du matériel a été instauré.
De confortables subventions sont aussi allouées par les collectivités, pouvant atteindre 50% du coût résiduel.
A titre d’exemple actuel, considérons une installation de 1 kWc (kilo
Watt crête) vendue 12.000 € dont 8.000 de matériel. Un crédit d’impôt de
4.000 € est alors obtenu. En moyenne les collectivités accordent des
subventions de l’ordre de 1.000 €. Le débours est donc de 7.000 €. La
production de l’installation est, typiquement, de 1200 kWh/an, soit un
revenu de 660 €/an. L’investissement est donc remboursé (hors intérêts)
en un peu plus de 10 ans. Le rendement de l’investissement initial est
de l’ordre de 9,5%. Au bout de 20 ans l’investissement initial aura
produit 13.200 Euros soit près de deux fois la mise de fonds initiale.
On comprend l’engouement dont bénéficient les équipements
photovoltaïques…
.
La politique actuelle représente un formidable gâchis
Il est probable et à espérer que le coût d’investissement diminuera significativement dans l’avenir, ainsi donc que les subventions et crédit d’impôt. Pour cette raison nous limitons notre analyse aux conséquences de l’obligation d’achat gérée par des contrats de 20 ans.
Combien en coûtera-t-il aux consommateurs d’électricité lorsque les 5,4 GWc seront opérationnels ? A partir de la production de 1200 kWh/an/kWc on voit que les 5,4 GWc produiront environ 6,5 milliards de kWh(TWh). Chaque année les consommateurs devront donc débourser 3,3 milliards d’Euros, soit approximativement le prix d’un EPR. Comme les contrats durent 20 ans la somme totale payée par les consommateurs atteindra 65 milliards d’Euros(2). Avec une telle somme on pourrait installer 20 EPR produisant 240 TWh chaque année (37 fois plus que les 5,4 GW de Photovoltaïque). La vente du courant produit par ces EPR rembourserait d’ailleurs les sommes investies pour leur construction. On pourrait ainsi procéder à la conversion à l’électrique des chauffages utilisant le fioul et le gaz et développer l’usage des voitures électriques.
La politique actuelle représente un formidable gâchis au profit d’importateurs, opportunistes et riches investisseurs. Il est encore temps de réfléchir et de construire un vrai plan bâtissant nos filières nationales. Espérons que nos élus le feront avant le vote de la loi Grenelle.
La pratique actuelle de l’obligation d’achat cumulée, spécificité française, avec des subventions et crédit d’impôt conduit à un développement accéléré des importations, mais aussi d’installateurs qui seront en perdition quand on modérera (comme l’Allemagne) ou arrêtera (comme le Japon ou les Pays Bas) ces aides et obligation d’achat.
Photovoltaïque : une technique d’un très grand avenir...
Reste que le photovoltaïque est une technique d’un très grand avenir, connaissant un boom extraordinaire et qu’il est tout à fait possible de faire en sorte que notre pays redevienne le pionnier qu’il fut un temps. Il faut, tout d’abord, investir massivement dans la Recherche et Développement, dans la technologie des cellules certes, mais aussi dans le stockage et dans les applications basse tension et courant continu. Cet investissement dans la R et D pourrait être financé, au moins en partie, par la CSPE, à meilleur escient que l'obligation d'achat. Ensuite, développer les applications autonomes en aidant, en particulier, éventuellement par l’intermédiaire des mécanismes de développement propre, les pays qui ne disposent pas de réseaux de distribution d’électricité généralisés, à équiper des millions de villages de petites centrales photovoltaïques.
Dans notre pays il devrait être possible de coupler la production
d’électricité solaire à la climatisation puisque le soleil brille
surtout en été et aux heures les plus chaudes. Une autre application
prometteuse concerne la recharge des batteries de voitures électriques
dont on voit bien qu’elles se développeront rapidement.
Dans les bâtiments neufs ou dans les rénovations majeures on peut
envisager d’encourager les toits intégrant les fonctions de production
d’eau chaude et d’électricité solaire. On faudra normaliser pour
simplifier et faire baisser les coûts.
... si on ne fait pas n'importe quoi en matière d'aides publiques
La vente au réseau ne devrait se faire que selon les règles du marché.
Il est aussi capital de définir une politique conduisant à une baisse des prix, ce que ne réussissent pas à faire les techniques de subventions, celles ci conduisant généralement à une hausse correspondante des prix. Il faudrait sans doute revenir à des mécanismes d’appel d’offre lancée, par exemple, par les bailleurs sociaux, pour aboutir à des produits normalisés de qualité et bon marché.
(1) Nous donnons ici un calcul d’ordre de grandeur.
Il est prévu que le tarif d’achat augmente chaque année. Ainsi il vaut
actuellement, en septembre 2008, fixé à 57,187 €/MWh. Ce tarif est
valable pour les installations intégrées au bâti (c’est évidemment
toujours le cas pour les constructions neuves). Pour les installations
posées il est de 31,193 €/MWh. Toutefois il est probable que, compte
tenu de l’importante différence de rentabilité la proportion des
installations posées diminuera rapidement. Il est également question de
créer un tarif unifié aligné sur le tarif intégré. Dans notre calcul le
fait que nous ayons retenu le prix d’achat pour les installations
intégrées est largement compensé par le fait que nous ne tenons compte
ni des crédits d’impôt ni des subventions. Dans un calcul plus complet
Patrick Jourde (voir sur notre site:
http://sauvonsleclimat.org/new/spip/spip.php?article208) arrive à un
surcoût de 62,80 G€, à comparer à notre estimation de 65,00 G€.
(2)
On peut, évidemment, utiliser la somme de 65 G€
de diverses manières. Ainsi l’un de nous, Patrick Jourde, un des
pionniers du Photovoltaïque propose de maintenir l’équipement de 5,4
GWc de Photovoltaïque, mais avec seulement 12 G€ produisant 6 ,5 TWh,
de 25 GW d’éolien produisant 23,5 TWh pour 20 G€, ce qui permettrait à
la fois de respecter les objectifs proposés par le Grenelle de
l’Environnement et de construire 10 EPR (120 TWh) pour 33 G€.
En Allemagne il n'y a pas de subventions ni de crédit d'impôt pour le solaire. Résultat: le kWc installé vaut environ 4600 € au lieu de 10000 €/kWc en France.
Donc les subventions ne servent qu'à enrichir les fabricants.
Rédigé par : sceptique | 01 octobre 2008 à 22h38