Un amendement proposé par la commission des affaires économiques, dit
« amendement Ollier », et adopté par l’Assemblée
Nationale le 10 octobre, a fait l’objet de vives contestations de
la part des ONG environnementalistes ayant participé au Grenelle de
l’Environnement.
Décryptage
Apparemment,
l’instauration du seuil de 50 kWh/m2/an pour la consommation d’énergie
primaire viserait à définir une qualité minimale pour l’isolation des
logements neufs. En réalité l’adjonction du qualificatif
« primaire » est tout sauf anodin. Pour bien le comprendre il faut
revenir sur quelques notions de base :
- La réglementation thermique impose des qualités
d’isolation telles que les pertes thermiques du logement moyennées sur
l’année et pour des températures extérieures représentatives de la
situation française soient inférieures à un certain nombre de kWh/m2/an.
- La consommation d’énergie finale est celle qui
correspond aux achats d’énergie de l’usager. Remarquons que le projet de
loi Grenelle n’est pas clair sur le point de savoir si la consommation
d’énergie qu’il entend limiter ne concerne que le chauffage. Nous en
ferons l’hypothèse qui correspond au bon sens. La consommation finale
devient alors celle qui est nécessaire pour assurer chauffage et
climatisation (si nécessaire).
- La consommation d’énergie primaire correspond à l’énergie
nécessaire pour produire celle nécessaire à la consommation finale.
La différence entre consommations primaire et finale provient du
rendement des centrales thermiques (fossiles et nucléaires), des pertes au
transport des carburants et de l’électricité etc. Dans la pratique seule le
rendement des centrales thermiques et les pertes de transport de
l’électricité sont prises en compte(3). Pour l’électricité le rapport
entre énergie primaire et énergie finale, le rapport de l’ordre de
3.
On voit
donc que par ce choix de l’énergie primaire, alors qu’une consommation finale
directe de gaz ou de fioul de 1 kWh pour le chauffage correspond à une
consommation primaire égale, elle aussi, à 1 kWh, la même consommation finale
de 1 kWh en électricité correspond à une consommation primaire de 3 kWh.
Pratiquement
la limite de 50 kWh/m2/an pour la consommation d’énergie primaire
correspond à l’élimination de l’électricité pour le chauffage. Cette
élimination est en contradiction avec l’ambition de diminuer le plus
possible les émissions de CO2 dans le secteur du bâtiment.
En effet,
l’usage de l’électricité ne conduit pas directement à l’émission de CO2
contrairement à celle du gaz ou du fioul. Il est vrai que la production de
l’électricité peut, elle-même, contribuer aux émissions de gaz à effet de
serre. Mais c’est à ce niveau qu’il convient d’agir, non au niveau de
l’utilisateur qui n’est pas responsable de la plus ou moins
grande contribution de centrales thermiques à combustible fossile à la
production d’électricité.
L’amendement
Ollier vient corriger une rédaction pour le moins maladroite, sinon
intentionnelle
En
effet le projet de loi initial ne raisonnait ni directement en termes
d’isolation thermique ni en termes d’énergie finale (celle que le consommateur
utilise et paie) ; il raisonnait en énergie primaire et ne se
posait néanmoins même pas la question, devenant pourtant encore plus
centrale, des émissions de CO2 engendrées par cette consommation
d'énergie primaire. Ainsi, on en arrivait à un résultat pouvant aboutir à
l’effet inverse recherché : une installation de chauffage central au fioul
ou au gaz, émettrice de gaz à effet de serre, pouvait se retrouver favorisée
par rapport à une installation électrique n’émettant pourtant pas de CO2.
C’est en
ce sens que l’amendement Ollier fait en sorte que l’instauration du seuil ne
conduise pas, par un vice de raisonnement, à privilégier une énergie au profit
d’une autre, et en particulier une énergie "sale" par rapport à une
énergie "propre".
Comment a-t-on pu en arriver là ?
A
l’exception de la fondation Hulot les ONG ayant participé au Grenelle de
l’environnement étaient clairement antinucléaires et le mode de calcul retenu
leur permettait de réconcilier la mise en avant de préoccupations écologiques
tout en écartant le recours à l’électricité, coupable d’être d’origine
nucléaire. C'est pour cela que l'amendement adopté a suscité leur protestation.
Le
collectif « Sauvons le Climat » considère que cet amendement est un
progrès dans la lutte contre les émissions de CO2 et dans la
rationalité, bien qu’une rédaction plus simple (revenant à l'isolation
thermique, voire à la consommation finale) aurait été préférable.
Le collectif
« Sauvons le Climat » rappelle enfin sa proposition, à la fois
simple et efficace, de mettre les systèmes de chauffage utilisant le charbon,
le fioul et le gaz tout simplement hors normes dans toutes les installations
neuves .
Pour plus d’information voir sur notre site de sauvons le climat la
version intégrale du texte : http://sauvonsleclimat.org/new/spip/spip.php?article207
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