Cher Michel de Pracontal,
Première découverte : le nucléaire n'économise pas de pétrole. Grande découverte, en effet, puisque le nucléaire permet de produire de l'électricité, alors que bien peu de voitures roulent à l'électricité (ce qui, espérons le, changera dans un avenir pas trop lointain).
Sans doute, pour vous et vos amis, il aurait fallu que la France choisisse le charbon (qu'elle aurait dû importer en presque totalité). C'est ce qu'a fait l'Allemagne dans un deuxième temps, dès la fin des années 1970 (la dernière commande de réacteur en Allemagne date de 1980). Il est donc fort intéressant de comparer les performances environnementales de la France et de l'Allemagne, ce que nous ferons plus loin.
Deuxième découverte: le Nucléaire ne représente que 16% de la consommation d'énergie et, donc, ne présente d'intérêt ni sur l'approvisionnement énergétique ni sur les rejets de gaz à effet de serre.
Cet argument repose sur une stupidité: celle qu'il y a de se référer à la consommation finale pour estimer le poids du nucléaire (et du charbon aussi, d'ailleurs) dans le système énergétique. La consommation finale d'énergie correspond, en effet, à l'énergie qu'achètent les consommateurs. Bien entendu, si tous achètent de l'électricité, aucun d'entre eux n'achète d'énergie nucléaire, et très peu du charbon, uniquement pour le chauffage. La consommation finale ne prend pas en compte la consommation d'énergie du secteur énergétique (production d'électricité, raffinage du pétrole, transport de l'énergie jusqu'au destinataire finale). Or le secteur de l'énergie est, de loin, le plus gros consommateur d'énergie, en particulie! r pour la production d'électricité. Ainsi, pour la France, la consommation d'énergie du secteur de production d'électricité atteint près de 85 millions de tep, à comparer à 52 millions de tep pour le poste transport, le deuxième dans l'ordre d'importance.
Ceux qui utilisent à tort le concept de consommation finale pour évaluer l'importance du nucléaire (ou du charbon) ont une excuse de taille : la première présentation fautive a été le fait de la Mission Facteur 4 présidée par Christian De Boissieux (1). C'était un artifice utilisé pour minimiser le rôle du nucléaire et le mettre ainsi hors discussion de manière à ce que Greenpeace et ses alliés acceptent de participer aux débats. Notons que la mise hors sujet du nucléaire a été faite également lors du Grenelle de l'Environnement (cachez ce nucléaire que l'on ne saurait voir !).
A l'échelon mondial les deux tiers de l'électricité sont produits par des centrales thermiques à flamme, au premier rang desquelles les centrales à charbon pour 40%. Or, le charbon est responsable de 42% des émissions de CO2 du secteur énergétique (plus que les 38% du pétrole). Pratiquement le charbon n'est plus utilisé que pour la production d'électricité.
Alors, cher Michel (avec l'aide de votre mentor Mycle Scheider si vous voulez), expliquez nous comment, alors que la part de l'électricité dans la consommation finale d'énergie dans le monde n'est que de 16,6%, le charbon peut être responsable de 42% des émissions de CO2. Nous attendons votre démonstration avec beaucoup d'intérêt.
On nous cite bien souvent les performances environnementales de l'Allemagne dont les choix ne semblent pas avoir fait l'objet de la critique du maître à penser Mycle Schneider. Selon votre maître la France serait une grande gaspilleuse d'énergie, et, très spécifiquement, d'électricité. Le Tableau 1 permet de se faire une opinion sérieuse sur ce point : il donne quelques données représentatives des systèmes énergétiques français et allemands.
Tableau 1
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Consommation
finale tep/tête |
Consommation
primaire tep/tête |
Electricité tep/tête
|
Consommation primaire
charbon+gaz tep/tête |
Consommation primaire
nucléaire tep/tête |
CO2 tonnes/tête
|
France
|
2,81
|
4,4
|
0,58
|
0,88
|
1,88
|
6,2
|
Allemagne
|
3,17
|
4,17
|
0,54
|
1,97
|
0,52
|
10,2
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Nucléaire et indépendance énergétique.
Nous ne nous attarderons pas sur le ridicule des calculs
d'indépendance énergétique appliqués aux ressources d'uranium.
Simplement nous croyons plus confortable de dépendre de l'achat, chaque
année, de quelques 10000 tonnes d'uranium dans des pays comme
l'Australie et le Canada que de devoir compter sur une importation de
quelques 40 milliards de mètres cube de gaz de Russie (c'est le cas de
l'Allemagne). Ajoutons que la France a, sur son sol, des gisements
d'uranium qui pourraient être, éventuellement, remis en exploitation.
Dans l'état actuel des choses une telle démarche ne se justifierait
absolument pas sur le plan économique. Enfin le prix de l'uranium
naturel est une faible fraction de celui du kWh nucléaire (de l'ordre
de 5%).
Voici pour les chiffres. Pour les mythes constatons que ceux véhiculés par les Verts Allemands ont conduit leur pays dans une impasse écologique,
lui laissant le choix d'accepter une taxation du carbone qui ruinera
ses producteurs d'électricité ou de renoncer aux objectifs de
diminution des émissions fixés par l'UE.
Quel débat?
Vous regrettez que n'ait pas eu lieu un grand débat démocratique sur
les choix énergétiques du pays. Nous avons participé à plusieurs débats
de ce type, que ce soit celui sur l'énergie organisé par Nicole
Fontaine, ceux sur l'EPR et les déchets nucléaires. Les opposants au
nucléaire, bien qu'invités, n'ont jamais accepté de participer à ces
débats. Le parlement s'est souvent , quant à lui, prononcé sur les
programmes d'investissement énergétiques. Mais nous supposons que ces
débats parlementaires ne comptent pas à vos yeux. On serait curieux de
savoir ce que vous appellez un grand débat démocratique. Mais c'est
vrai que tout n'est pas parfait : l'arrêt de Superphénix s'est fait
sans débat et contre l'avis de la majorité des parlementaires. Le
développement de l'&ea! cute;olien n'a pas donné lieu, malgré de
nombreuses demandes, à l'organisation d'un débat par la Commission
Nationale du Débat Public. Si l'EPR a fait l'objet d'un débat
spécifique, rien de tel n'a été organisé sur la programmation des
centrales à combustibles fossiles qui auront pourtant une puissance
égale à celle de 4 EPR.
Mais pour terminer sur un ton constructif, nous
vous proposons ainsi qu'au Nouvel Observateur d'organiser, sous le
contrôle d'un arbitre impartial (par exemple un des présidents des
débats nationaux cités ci-dessus), un débat sur l'énergie sous tous ses
aspects, y compris le nucléaire. Nous sommes prêts à y participer.
(1) citation du rapport "facteur 4" : "le nucléaire : l’énergie nucléaire en Europe représente 6% de l’énergie finale, 2% dans le monde, 17% de l’énergie finale en France. Au vu des ces pourcentages, il n’apparaît pas justifié, pour bâtir une stratégie climat, de centrer le débat sur l’énergie nucléaire."
(2) Au premier trimestre 2007 (dernières valeurs dont nous ayons connaissance) les particuliers allemands payaient leur kWh environ 0,14 euros, les français 0,10 euros. Avec une telle différence de prix on aurait pu s'attendre ce que les français consomment beaucoup plus d'électricité que les allemands. En dernière analyse on voit que les français se sont montré fort raisonnables...
@On pourrait croire que le groupe Facteur 4 est à l'origine de ce détournement de sens. Mais cela fait partie depuis longtemps de la panoplie des arguments que l'on trouve sur les sites des organisations antinucléaires. En fait le groupe Facteur 4 s'est trouvé dans l'obligation de cautionner ces bêtises pour pouvoir fonctionner! On retrouve cette aberration même sur le site de Global Chance, alors que cette organisation, où il y a quand même un certain nombre de scientifiques, mais qui n'ont semble-t-il pas le sens du ridicule, aurait pu éviter de propager cette absurdité!
La remarque de Tilleul sur la cogénération est intéressante, et peut être, puisque les producteurs d'électricité en France ont programmé l'installation de 10 GW de centrales à combustibles fossiles, un développement de la cogénération permettrait de compenser en partie la production de CO2 de ces centrales par une diminution de la consommation de combustibles fossiles destinée à la production de chaleur. C'est ce qu'a fait largement le Danemark, dont on peut se demander à quel niveau se situeraient ses émissions de CO2 par tête, malgré son éolien, s'il ne l'avait pas fait.
Rédigé par : B.DURAND | 25 décembre 2008 à 15h08
A propos de la Lettre ouverte à Michel de Pracontal
Je reprendrais volontiers la première phrase du commentaire de tilleul :
"A force de tordre les chiffres dans un sens ou dans l'autre, on ne sait plus trop de quoi on parle."
Et si l'on en vient à s'aventurer dans les notions de "consommation finale" et de "consommation primaire " c'est le pompon !
Notions particulièrement trompeuses puisqu'elles associent dans leurs verbiages des mots tout à fait basiques. En cours d'anglais on dirait que ce sont de faux amis, que chacun croit comprendre et que l'on ne comprend pas du tout.
La seule définition courte, honnête et compréhensible serait pour l'une
-"notion utilisée par les anti-nucléaires pour minimiser le rôle de cette énergie"
- vice versa pour l'autre. C'est dire….!
Au contraire chacun ressent profondément l'importance de l'électricité (surtout en cet hiver glacial) et l'impact que sa production peut avoir sur le CO2 (il reste encore qqs centrales fumantes).
Chacun aussi a compris aussi que le Transport était grand pourvoyeur de CO2. Plus l'électricité participe au transport mieux c'est !
Bien sûr tel ou tel représentant de SLC dans un débat peut se voir amener ces notions pernicieuses de "consommation finale" et de "consommation primaire " par l'adversaire.
Une parade très simple : qu'il demande A L'ANIMATEUR d'en rappeler la définition . Imparable !
Rédigé par : J.ABIVEN | 04 janvier 2009 à 11h18
En ce qui concerne les subtilités des définitions de l'énergie vous trouvez une analyse sur le site SLC:
http://www.sauvonsleclimat.org/documents-pdf/definitions-energie.pdf
Pour ce qui concerne les émissions de CO2 il me semble qu'il y a une contradiction dans le document EU cité par Tilleul:
dans le texte il est effectivement dit que
"CO2 emissions from public electricity and
heat production represent a quarter of all EU‐15 GHG emissions, while CO2 emissions from
road transportation represent a fifth (Fig. 2)." mais sur la figure il en est bien différemment:
Transports : 21%
Energy without transport : 59 %
Rédigé par : Libéral | 14 février 2009 à 16h52
Tilleul,les deux comptabilités qui ont de l'intérêt sont celle de l'énergie primaire , qui est celle des prélèvements énergétiques sur la nature, et celle de l'énergie utile, c'est-à-dire celle qui sert réellement au but recherché.
Dans le cas du transport par exemple,le passage de la comptabilité en énergie finale à la comptabilité en énergie utile donne des résultats très différents selon que l'on utilise du carburant, avec un rendement qui est d'environ 10%, ou de l'électricité avec un rendement de 50 %.
Rédigé par : B.Durand | 18 août 2009 à 15h38