Propositions pour la conférence de Copenhague
Un des domaines les plus importants de la politique de l'Union Européenne est celui de l'énergie et du climat. Ainsi l'Europe a-t-elle négocié le protocole de Kyoto au nom de ses membres. Elle a réparti les efforts à faire entre eux. Elle a récemment adopté le fameux plan « Energie-Climat » prévoyant, pour 2020, une réduction des émissions de CO2 de 20% par rapport à 2005, une part de 20% des énergies renouvelables dans sa consommation finale d'énergie et une amélioration (non contraignante)de son efficacité énergétique de 20% également.
L'UE s'est aussi engagée à porter la réduction des émissions de CO2 à 30% si d'autres acteurs majeurs comme les USA et la Chine s'engageaient, eux aussi, dans la lutte contre le réchauffement climatique. Or la nouvelle administration Obama vient de s'engager précisément dans cette voie en prévoyant une réduction des émissions des USA de 80% en 2050 et de 17% en 2020. De même il semble bien que la Chine envisage une politique active dans ce domaine. L'Europe va donc devoir faire des propositions plus ambitieuses que celles prévues par le paquet « Climat-Energie » lors de la conférence de Copenhague qui doit définir le protocole de lutte contre le réchauffement climatique qui prendra la relève de celui de Kyoto.
On aurait pu s'attendre à ce que la campagne pour les élections au parlement européen abordât sérieusement cette question. Or nous n'avons guère entendu de propositions pour la conférence de Copenhague. Et pourtant des questions sérieuses mériteraient d'être posées.
Quelles questions pour Copenhague?
Citons en quelques unes :
● De combien devrait-on réduire les émissions de GES? Et à quelle échéance
● Comment devrait se répartir l'effort entre les différents pays?
● Qui ou quel organisme devra effectuer cette répartition? Selon quels critères?
● Quels moyens devraient être utilisés pour atteindre l'objectif fixé?
● Faut-il prévoir des mécanismes de sanctions pour les pays ne respectant pas leurs objectifs?
Je souhaite donner ici quelques réponses à ces questions.
Quels efforts?
Il semble exister un consensus parmi les climatologues pour considérer que la simple stabilisation de la concentration en gaz carbonique dans l'atmosphère suppose que nos émissions soient ramenées à moins de 3 milliards de tonnes équivalent carbone (3 GtCeq). Nous en émettons actuellement 7,5. Par ailleurs, de leur côté, les démographes prévoient que la population de la planète devrait se stabiliser aux alentours de 9 milliards d'habitants aux environs de 2050 (6,8 milliards aujourd'hui).
Il serait équitable qu'à une échéance donnée, tous les pays convergent vers la même valeur des émissions par tête. D'après ce qui précède cette valeur serait de l'ordre de 0,33 tCeq/hab.
La colonne 3 du Tableau 1 montre l'effort que devraient faire certains pays pour ramener leurs émissions de 2005 (2ème colonne du tableau) à la valeur de 0,33 tCeq/hab.
Pays |
émissions |
Facteur |
Décroissance |
Facteur |
Facteur |
Facteur |
|
/cap |
de réduction |
annuelle % |
de réduction % |
de réduction % |
de réduction % |
|
2005 |
objectif (2070) |
0,33 tC/cap en
2070 |
2020 |
2050 |
2070 |
Monde |
1,16 |
3,5 |
2,11 |
19 |
57 |
72 |
UE |
2,4 |
7,3 |
3,40 |
29 |
75 |
87 |
USA |
5,18 |
15,7 |
4,70 |
38 |
84 |
94 |
Japon |
2,6 |
7,9 |
3,50 |
30 |
75 |
87 |
Allemagne |
2,72 |
8,2 |
3,58 |
31 |
75 |
88 |
France |
1,63 |
4,9 |
2,69 |
24 |
65 |
80 |
Suède |
1,45 |
4,4 |
2,50 |
22 |
63 |
77 |
Danemark |
2,77 |
8,4 |
3,61 |
31 |
76 |
88 |
Russie |
3,27 |
9,9 |
3,90 |
33 |
78 |
90 |
Chine |
1,16 |
3,5 |
2,11 |
19 |
57 |
72 |
Arabie |
3,91 |
11,9 |
4,21 |
35 |
81 |
92 |
Brésil |
0,48 |
1,5 |
0,62 |
6 |
22 |
31 |
Inde |
0,31 |
|
|
|
|
|
Tableau 1
colonne 2: émissions actuelles de CO2 par habitant en tCeq,
colonne3:Facteurs de réduction à atteindre pour ramener les émissions à 0,33tCeq/hab,
colonne 4:Taux moyen de décroissance nécessaire pour atteindre 0,33tCeq/hab en 2070,
colonne 5,6,7 : réduction en % de la valeur de 2005 en 2020, 2050 et 2070
On constate l'énorme effort que devraient faire les USA avec une réduction de près d'un facteur 16. En Europe l'effort, moins important mais quand même considérable, devrait aller de 8,4 pour le Danemark à près de deux fois moins pour la Suède#1. Seule l'Inde ne devrait pas réduire ses émissions Remarquons que prétendre que les simples économies d'énergie pourraient suffire à régler le problème du réchauffement climatique signifie que tous les pays devraient prendre l'Inde comme modèle. Il est peu probable que les populations l'accepteraient facilement.
A quelle échéance?
Il paraît peu réaliste de proposer une division par 16 et 7,3 des émissions des USA et de l'UE respectivement dès 2050. Rappelons que Barak Obama a fixé un objectif de réduction d'un facteur 5 des émissions de USA en 2050 et que l'UE a fixé un objectif d'une réduction d'un facteur 4 pour la même date. Le Tableau 1 donne en colonne 4 le taux moyen de décroissance permettant d'atteindre l'objectif de 0,33 tCeq/ha en 2070. En appliquant ce taux moyen de décroissance on obtient, en 2050, une réduction de 84% pour les USA et de 75% pour l'UE, soit des réductions d'un facteur légèrement supérieur à 6 et d'un facteur 4 pour les USA et l'UE respectivement. L'objectif de la convergence vers 0,33tC/hab aux environs de 2070 semble donc cohérente avec les annonces des USA et de l'UE
Toutefois on constate que les objectifs annoncés pour 2020 sont notablement moins satisfaisants. Les USA devraient réduire leurs émissions de 38% alors qu'ils se sont fixé un objectif de réduction de 17% à cette échéance. De même l'UE devrait réduire ses rejets de 29% alors qu'elle ne propose que 20%. Toutefois si, comme elle l'a annoncé, l'UE monte ses exigences à 30% on voit qu'elle se trouvera sur une bonne trajectoire.
Bien entendu, les développements quantitatifs qui précèdent ne sont donnés qu'à titre d'illustration. Il faut espérer que, dans la pratique, l'ONU, après consultation de groupes d'experts internationaux comme le GIEC, pourra proposer des trajectoires à tous les états signataires. Comment celles-ci pourront elles être suivies?
Par quels moyens?
L'Europe, qui a décidé d'être à la pointe de la lutte contre le réchauffement climatique a établi un système d'échange de quotas (Emission Trading System, ETS). Chaque état reçoit gratuitement un volume de quotas évoluant avec le temps, à charge pour lui de les répartir sur les industries grâce à un Plan National d'Allocations des Quotas (PNAQ) discuté auparavant avec la Commission. Les entreprises incapables de respecter leur montant de quotas peuvent en acheter sur le marché du carbone. Dans la réalité des allocations complémentaires ont été allouer à certains pays (44 millions de tonnes de CO2 à L'Allemagne en 2006). Le prix du CO2 s'est écroulé, ce qui signifie que les objectifs n'avaient pas été fixés avec suffisamment de rigueur. Il est clair que ce système se prête aux marchandages de toutes sortes.
A partir de 2013 l'UE a décidé de mettre les quotas aux enchères. Leur quantité diminuera chaque année de manière à atteindre la réduction de 20% des émissions de GES en 2020 par rapport à 2005. La mise aux enchères ne sera que partielle en 2020. C'est ainsi que, alors que la Commission avait proposé que 100% des permis soient achetés par les entreprises du secteur de l'énergie, le parlement européen n'a retenu que 30% de mise aux enchères en 2013 pour atteindre 100% en 2020. Les électriciens allemands ne sont sûrement pas étrangers à ce recul. Les revenus de la mise aux enchères sont collectés par les états qui sont libres de les affecter sous réserve que la moitié en soit réservée à des économies d'énergie et au développement des énergies renouvelables. Le système ETS ne couvre que la moitié des émissions; pour le reste les états en sont comptables, chaque état ayant reçu une allocation.
On le voit, dans un contexte mondial, le système ETS ne sera pas facile à mettre au point puisque, même dans le cadre restreint de l'UE, il a été bien difficile d'arriver à un compromis somme toute assez décevant.
James Hansen1, dans une lettre à Obama a proposé un système simple, efficace et socialement juste d'instaurer une taxe carbone2 : La taxe serait prélevée à la production pour les combustibles fossiles consommés dans le pays ou à l'importation pour ceux qui sont importés. Les revenus de la taxe seraient répartis sous la forme de chèques d'un montant uniforme versés à tous les citoyens américains. Un système similaire a été proposé par J.M.Jancovici et A.Grandjean ; dans leur proposition, toutefois la taxe est perçue à la consommation plutôt qu'à la production ou à l'importation..
La généralisation à l'international du système proposé par J.Hansen ne présente pas de difficulté de principe. Une réflexion sur ce point a été menée par « Sauvons le Climat » qui a donné lieu à un questionnaire envoyé aux candidats à l'élection européenne3. Ce questionnaire semble avoir été bien reçu par ses destinataires. Les propositions suivantes s'inspirent de ce questionnaire.
Propositions pour un protocole de Copenhague
● Définition d'une trajectoire d'émission pour tous les états (ou groupe d'états comme l'UE) parties au protocole. Cette trajectoire pourrait être définie par l'ONU après consultation de groupes d'experts dont le GIEC.
● Taxation du carbone contenu dans les combustibles fossiles à la production et à l'importation
● Les exportations de combustibles fossiles se font hors taxe carbone (à l'image de la TVA) pour éviter une double imposition.
● Chaque état fixe le montant de la taxe de manière à ce que son niveau permette de suivre la trajectoire de réduction des émissions. Les rectifications peuvent se faire d'une année sur l'autre
● Chaque état est maître de l'affectation des revenus de la taxe.
● Toutefois une faible fraction de ces revenus pourraient être affectée à une institution internationale (la banque mondiale, par exemple) afin de prévenir et de remédier les dégâts liés au réchauffement climatique.
● Les états dépassant leurs objectifs devront payer à cette institution une amende proportionnelle à la quantité de CO2 en excès et au montant mondial moyen de la taxe.
Le protocole débouchera-t-il sur une véritable stratégie mondiale de réduction des émissions de gaz à effet de serre?
#1 La grande différence entre les performances du Danemark et de la Suède provient de la manière dont ces pays, proches par ailleurs, produisent leur électricité avec : 80% de combustibles fossiles pour le Danemark et 0% pour la Suède.
1 Directeur du « Goddard Institute » de la NASA, qui fut un des premiers climatologues à attirer l'attention sur le réchauffement climatique
2 http://sauvonsleclimat.org/new/spip/IMG/pdf/Hansen-25-02-09.pdf
3 http://sauvonsleclimat.org/new/spip/IMG/pdf/Questionnaire_elections_europeennes_Communique.pdf
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.