Nous
reproduisons ici la contribution de Jacques Masurel au débat organisé dans les colonnes
du journal l’Humanité du 26 septembre sur le thème « L’écologie est-elle
une affaire de fiscalité ? ». Nous
reproduirons demain celle de Michel Petit, Président du Conseil
Scientifique de Sauvons le Climat.
Ont également participé à ce débat Alain Obadia, Martine Billard, Yves Cochet et Serge Lepeltier.
L’écologie exige la mobilisation de puissants moyens financiers. L’Etat est incapable d’y pourvoir seul étant donné l’excès de son endettement. L’implication de la Société Civile est donc incontournable pour faciliter la conversion des activités économiques vers le gisement d’innovations technologiques que constitue le développement durable.
Le
mécanisme que nous proposons s’inspire
de celui de la loi TEPA du 21 août 2007, mais dans des dimensions beaucoup
plus ambitieuses que justifient les urgences écologiques.
Il
consiste à alourdir significativement les plus hautes tranches de l’impôt
sur la fortune (ISF) mais à proposer à leurs ressortissants s’acquitter de l’impôt
en investissant à moyen terme, selon des critères précis, dans des entreprises
dûment sélectionnées par l’administration et des représentants de la Société Civile.
A
la fin d’une période minimale les ressortissants ayant optés pour cette « épargne
dirigée » seraient autorisés à sortir leur investissement sans prélèvement
fiscal sur les plus values éventuellement obtenues.
Pratiquement :
Les services de Bercy procéderont à des simulations permettant de déterminer les seuils de taux d’imposition à prévoir pour mobiliser des « grandes fortunes ». Si le montant « acceptable » politiquement se révélait inférieur à l’objectif retenu comme minimum pour obtenir un effet de levier suffisant la contribution des particuliers pourrait être complétée par un emprunt de l’Etat.
- Le contribuable-investisseur
devra choisir le ou les bénéficiaires de ses investissements sur la base
de recommandations de l’Etat et de représentants de la Société Civile qui établiront
à cet effet une liste (éventuellement actualisée suivant les années) des
secteurs retenus et des types d’entreprises bénéficiaires. Cette liste
sera constituée d’entreprises françaises, PME ou grandes entreprises,
servant les nouvelles technologies dans des secteurs liés à l’écologie ou
en mutation/reconversion prioritaire et urgente.
- Les supports accueillant les
investissements seront limités aux fonds propres des entreprises.
- A l’issue de la période minimale
d’investissement qui aura été déterminée (5 ans ?), une fenêtre de
sortie serait ouverte, par exemple sur 3 ans, permettant au
contribuable-investisseur de choisir le meilleur moment pour récupérer sa
mise avec profit et sans perturber le fonctionnement de l’entreprise
bénéficiaire.
- L’Etat mettra en place un
comité exécutif de suivi de
haut niveau. Par ailleurs chaque société bénéficiant des financements
précités se verra contrainte de nommer dans son Conseil, selon des
modalités à définir, un ou plusieurs administrateurs représentant les « contribuables
investisseurs ».
- Selon des critères à définir, l’Etat pourra donner sa garantie partielle (50% ?) aux montants investis non récupérables pour cause d’échec de la société bénéficiaire. Ce point est très important pour conjurer le risque d’assimilation de cette épargne productive forcée à un impôt.
La France s’efforcera d’étendre le dispositif au niveau de l’Europe des 27. En effet, un tel système étendu à l’Europe, outre qu’il permettrait de dégager un flux récurrent très significatif, contribuerait à la solidarité européenne qui fait tant défaut aujourd’hui.
On le voit, il s’agit la d’un
dispositif original situé à la croisée de l’impôt, de l’emprunt et de
l’investissement financier, qui permettrait d’amorcer un cercle vertueux
d’investissements sur un grand objectif d’intérêt général. Il permettrait de
mobiliser des sommes importantes sans que l’Etat n’ait à s’endetter. Il permettrait
au contribuable-investisseur d’envisager un attractif retour sur les capitaux
qu’il aura soustrait à l’impôt. Il permettrait de marier de manière inédite solidarité
nationale et transparence tout en exploitant les qualités managériales qui sont
l’un des attributs de bon nombre de détenteurs de grandes fortunes.
Cette proposition semble nettement plus concrête et constructive que le "Cap & Trade" ou sa version européenne, un système de bourse d'échange de quotas distribués de manière arbitraire, qui n'a aucun impact mesurable sur les émissions de GES et pourrait même donner lieu à des produits dérivés: une aubaine pour les financiers et les organismes gestionnaires de ces bourses d'échange!
Rédigé par : Ste | 08 octobre 2009 à 21h50