« Sortir du Nucléaire(SDN) » a communiqué samedi 6 mars 2010 un ensemble de notes d’études émanant d’EDF, assorti d’une synthèse de son cru selon laquelle, notamment, « certains modes de pilotage du réacteur EPR peuvent provoquer l'explosion du réacteur à cause d'un accident d'éjection de grappes (qui permettent de modérer, d'étouffer la réaction nucléaire). Ces modes de pilotage sont essentiellement liés à un objectif de rentabilité économique, qui implique que la puissance du réacteur puisse être adaptée à la demande électrique. Ainsi, dans le but de trouver une hypothétique justification économique à l'EPR, ses concepteurs ont fait le choix de prendre le risque très réel d'un accident nucléaire. De plus, l'essentiel des arguments en faveur de l'EPR (puissance, rendement, diminution des déchets, sûreté accrue) s'avèrent faux ».
Comme d’habitude il s’agit là d’une présentation fallacieuse et de mauvaise foi visant à démolirl’industrie nucléaire française (c’est en effet la seule qui « bénéficie » des diatribes de SDN) en agitant des épouvantails auxquels certains de nos compatriotes sont d’autant plus sensibles qu’ils semblent reposer sur des arguments techniques difficilement compréhensibles pour ceux qui ne connaissent pas le sujet. Grâce a ses « espions », SDN s’est procuré un certain nombre de documents de travail d’EDF portant sur un aspect des études de sûreté pour l’EPR. Avant de rentrer davantage dans le détail, il y a lieu de rappeler en quoi consiste une étude de sûreté d’un réacteur.
On voit donc que, dans ce processus d’amélioration de la sûreté, il faut bien prendre en considération des évolutions graves et peu probables pour en limiter encore la probabilité et, en ultime recours, démontrer que l’accident ne pourra pas avoir de conséquences sanitaires à l’extérieur de l’enceinte du réacteur.
- Les grappes de commande qui peuvent être introduites ou extraites du cœur du réacteur. Il y en a quatre vingt neuf dans l’EPR ; elle sont constituées d’un matériau absorbant les neutrons. Les barres dites « noires » sont fortement absorbantes et les « grises » le sont moins.
- Le bore soluble, également absorbant, dont on peut faire varier la concentration (et donc l’absorption) ; on peut aussi faire une injection rapide de bore pour étouffer la réaction en situation accidentelle.
Pour opérer des variations rapides de puissance, on utilise les grappes dont les mouvements sont rapides. Par exemple si, fonctionnant à pleine puissance, on veut passer à un régime à 50% de puissance, on insère tout ou partie des grappes. Et on les sort si on veut remonter en puissance.
Dans toutes les études de sûreté de réacteurs, (EPR ou non) on envisage l’éventualité qu’une grappe de commande (qui, par construction, n’est pas fixée mais est mobile) soit éjectée du fait de la forte pression qui règne dans le cœur du réacteur. Cette éjection entraîne un percement de la cuve du réacteur et, donc, conduit à un accident considéré comme grave, bien que beaucoup moins grave que celui de perte totale du réfrigérant. Une éjection de grappe serait d’autant plus violente que les barres de contrôle seraient plus enfoncées. C’est ici qu’on rencontre la spécificité des réacteurs français. Du fait que le parc nucléaire représente près de 80% de la production d’électricité, on conçoit que si la demande varie il faut aussi que la production du parc nucléaire s’ajuste, au moins partiellement, à cette variation. A cette fin, en dehors des périodes de forte demande, on fait marcher les réacteurs à une puissance inférieure à leur puissance nominale. Pour ce faire, on insert des barres absorbantes dans le réacteur. Lorsque la demande croît on les relève pour augmenter la puissance. C’est ce qu’on appelle une fonctionnement en suivi de charge. Sur les réacteurs actuels ceci est obtenu grâce à des barres peu absorbantes, les barres dites grises, qui permettent de piloter le réacteur « en douceur ».
Le réacteur EPR n’était pas prévu, lors de sa conception, pour fonctionner en suivi de charge, car, économiquement, il y a intérêt à faire travailler le réacteur à pleine puissance (a cet égard l’affirmation de SDN selon laquelle le fonctionnement en suivi de charge serait exigée par la rentabilité économique est, tout simplement, stupide). Les barres de contrôle étaient donc des barres « noires » fortement absorbantes et supposée rester en position haute (peu insérées) en fonctionnement normal. EDF souhaitait, toutefois, garder la possibilité de suivi de charge, l’EPR de Flamanville étant une tête de série préfigurant les réacteurs devant remplacer les réacteurs actuels d’une part, le développement de la production éolienne impliquant des besoins croissants de modulation rapide de la puissance du parc nucléaire, d’autre part.
En réalité, l’examen de ces documents montre bien avec quel souci du détail et d’exhaustivité sont menées les études de sûreté aussi bien par EDF que par AREVA, l’ensemble étant, en dernier ressort, examiné et évalué par les spécialistes de l’IRSN pour le compte de l’ASN.
Pour montrer le sérieux de SDN on peut reprendre l’évaluation économique qu’il fait de l’EPR, considéré comme fournissant « une énergie ruineuse ». SDN retient la valeur officielle de 55 €/MWh qu’il compare aux 33 €/MWh obtenus avec les réacteurs actuellement en fonction. C’est vrai mais c’est oublier que les réacteurs actuels sont pratiquement amortis. Il est réconfortant de voir que SDN reconnaît la rentabilité du nucléaire puisqu’il cite lui-même une valeur de 100 €/MWh dans les périodes de pointe. Or ce prix est déterminé par celui du courant fourni par les centrales à charbon ou à gaz. Par ailleurs SDN « oublie » que le courant produit par les éoliennes est racheté 82 €/MWh et celui produite par les centrales photovoltaïques à 500 €/MWh. Sans le vouloir, sans doute, SDN fait une démonstration éclatante de la rentabilité du nucléaire. En quoi serait-ce une « énergie ruineuse » ?
L'article soulève qqs questions ; auxquelles vous pouvez sans doute répondre :
Le réacteur EPR n’était pas prévu, lors de sa conception, pour fonctionner en suivi de charge,
D'une façon générale le meilleur fonctionnement de ce type d'engin est à pleine charge (encore faudrait il sans doute l'expliciter car ce ne doit pas être évident pour tout le monde) .
C'est comme celà qu'il fournit la plus grande quantité d'électricité pour un coût global donné ( amortissement , exploitation , combustible).
Maintenant si on valorise en € cette quantité d'électricité le calcul est moins simple car la valeur du kwh varie en fonction de l'heure et du jour.
EDF souhaitait, toutefois, garder la possibilité de suivi de charge, l’EPR de Flamanville étant une tête de série préfigurant les réacteurs devant remplacer les réacteurs actuels d’une part,
Est-ce à dire qu'à un certain moment on envisageait l’EPR de Flamanville comme unique ?
le développement de la production éolienne impliquant des besoins croissants de modulation rapide de la puissance du parc nucléaire, d’autre part.
On voit qd même mal ce qui a changé depuis la conception de l'EPR car celà fait maintenant des années que la France s'est engagée dans l'éolien.
Et on a peu vu EDF protester ; mais on a bien vu EDF créer des filiales AD HOC !
Rédigé par : CA | 12 mars 2010 à 19h02
A ma connaissance l'EPR de Flamanville a toujours été considéré comme
une tête de série destiné à remplacer les réacteurs actuels dont le
prolongement au delà de 30 ans ne paraissait pas acquis. Comme le suivi
de charge est nécessaire pour un parc nucléaire représentant presque
80% de la production il était normal qu'EPR sen soit capable en France.
EPR n'a pas été conçu seulement pour EDF. Il a été conçu par AREVA et
Siemens comme un réacteur devant être proposé bien au delà d'EDF. Le
suivi de cgarge était donc une demande spécifique d'EDF exprimée lors
de la commande de l'EPR de Flamanville (en 2005 si je ne m'abuse). Dès
cette époque EDF savait que la part de l'éolien allait croître
puisqu'il était question de produire 21% d'électricité renouvelable.
Rédigé par : nifenecker | 12 mars 2010 à 19h41
Sortir du Nucléaire crie encore « au loup » de manière injustifiée
SDN a diffusé un document puis une lettre au premier ministre, où cette association prétend démontrer l’extrême dangerosité de l’EPR.
L’objectif est clair : si la construction du réacteur EPR de Flamanville était arrêtée, on bloquerait également le programme de remplacement des tranches actuelles lorsqu’elles arriveront à obsolescence. Pour obtenir ce résultat tous les moyens sont bons, en particulier celui de faire peur aux populations en leur faisant croire qu’un nouveau Tchernobyl est en préparation chez nous. Il faut donc restituer au public la vérité sur la sûreté des réacteurs nucléaires et sur la méthode d’analyse utilisée pour l’établir.
Cette méthode bénéficie d’une expérience mondiale de 40 ans de construction et d’exploitation de réacteurs à eau sous pression (REP). Elle est mise en œuvre par une autorité indépendante des constructeurs et des exploitants ; sans l’autorisation de cette autorité aucune construction ni mise en service ne peut être faite et elle a le pouvoir de faire arrêter une installation nucléaire qui serait devenue dangereuse pour le public. Pour obtenir l’autorisation de construction d’une installation, l’exploitant, qui est le responsable, doit fournir et faire agréer, un « rapport préliminaire de sûreté », celui de Flamanville 3, de type EPR, est disponible au public sur internet à l’adresse : http://www.edf.fr/html/epr/rps
Ce rapport donne une description complète du réacteur, des systèmes d’alarme, des systèmes de refroidissement de secours. Il traite enfin les conditions du démantèlement de l’installation en fin de vie.En outre, il analyse le déroulement et les conséquences d’un certain nombre d’incidents ou d’accidents typiques dont la liste est établie depuis longtemps. Dans la liste des accidents les plus graves, la plupart sont hypothétiques et ne se sont jamais produits, c’est notamment le cas de l’éjection d’une grappe de contrôle, qui fait l’objet des protestations de SDN. Cet accident hypothétique est décrit au chapitre 15-2 du rapport préliminaire de sûreté précité. On suppose la rupture de l’enveloppe du mécanisme de la grappe de contrôle la plus efficace pendant une phase d’arrêt à chaud. Toutes les grappes de contrôles sont insérées mais les grappes d’arrêt de sûreté sont toujours hors du cœur. La rupture de l’enveloppe du mécanisme provoque une brèche dans l’enceinte primaire du réacteur et on suppose que le jet de liquide primaire provoque l’éjection de la grappe de contrôle correspondante, toutes les autres restant bien entendu en place.
Cette situation a deux conséquences :
1-la disparition brutale de la grappe (en 0.1sec) provoque une montée ultrarapide de la puissance du réacteur, mais cette puissance est surtout concentrée au voisinage de la grappe manquante. La température des crayons combustibles de cette zone monte en flèche car l’oxyde d’uranium étant peu conductrice de la chaleur, celle-ci n’a pas le temps de s’évacuer, d’autant que la montée en température de la gaine du crayon provoque, autour des crayons très chauds, la formation d’un film de vapeur qui diminue encore l’efficacité du refroidissement par l’eau du circuit primaire. Mais il existe un phénomène physique appelé effet Doppler qui augmente très fortement la capture des neutrons par l’uranium 238 quand sa température augmente ; il en résulte que la puissance du réacteur après une montée cette montée rapide, chute très rapidement, en particulier dans la zone défectueuse. De plus l’augmentation brutale du flux neutronique, détectée par le système de surveillance du cœur, provoque la chute des grappes d’arrêt d’urgence, ce qui stoppe en 3.5 s la production de puissance dans le cœur. Selon les modélisations en cours au moment de l’écriture du rapport, le nombre de crayons endommagés est inférieur aux 10% imposés par les critères de sûreté admis par les autorités.
2- la rupture de l’enveloppe du mécanisme provoque une petite brèche dans le circuit primaire, ce qui déclenche, par diminution de la pression primaire, le système d’injection dans le circuit primaire d’eau fortement boriquée ce qui bloque toute possibilité de retour à la criticité. Tant que la pression primaire reste importante on peut évacuer par les générateurs de vapeur la puissance résiduelle due aux radioactivités des produits de fission restant dans les crayons combustibles, ensuite c’est le système de refroidissement à l’arrêt (RRA) qui prend la relève. L’eau primaire qui s’échappe par la brèche est faiblement radioactive mais elle reste dans l’enceinte de confinement du bâtiment réacteur, ce qui évite de répandre de la radioactivité dans l’environnement.
Cette description rapide de l’accident dans l’EPR montre à quel point l’assimilation qui en est fait par SDN à celui de Tchernobyl, ou a fortiori à une bombe nucléaire, est injustifiée. En effet, contrairement aux REP, le réacteur de Tchernobyl, est intrinsèquement instable par rapport à un accident de perte de réfrigérant ou à une excursion de puissance. Ce réacteur est constitué par une matrice de graphite qui supporte un réseau de tubes contenant les éléments combustibles et l’eau de refroidissement de ceux-ci. En cas de perte de tout ou partie de l’eau, la puissance du réacteur augmente car l’eau en faible quantité se comporte comme un absorbeur de neutrons. Le défaut a ainsi tendance à s’aggraver au lieu de s’étouffer, et les dispositifs d’arrêt de la réaction neutronique ont été incapables de maîtriser à temps le phénomène. Le graphite porté ainsi à haute température a commencé à brûler, et réduisant l’eau il a formé un bulle d’hydrogène qui, réagissant avec l’air atmosphérique, a provoqué une énorme explosion. Comme ce réacteur ne comportait pas d’enceinte de confinement les débris radioactifs du cœur ont été dispersés librement dans l’environnement.
Il est certain que la construction d’un réacteur du type de Tchernobyl n’aurait jamais été autorisée en France, et que l’expérience qui a initié la catastrophe (arrêt d’une des pompes du système de refroidissement du cœur) aurait été interdite.
Il est certain que le risque zéro n’existe pas, mais si on veut protéger notre santé celle de nos enfants, ce n’est pas à l’EPR qu’il faut s’attaquer en priorité mais à une multitude de causes comme le tabac, l’alcool, les accidents de la route, les accidents domestiques et les accidents du travail qui sont immensément plus dangereuses.
On a le droit de ne pas aimer les centrales nucléaires et de préférer des éoliennes ou des capteurs photovoltaïques, tous dépendant fortement de la variabilité météorologique. Mais on n’a pas le droit d’abuser le public avec des informations grossièrement fausses pour le manipuler par la peur. Ce n’est pas digne de notre démocratie.
Jean Leroy
Rédigé par : Leroy Jean | 13 mars 2010 à 11h45