Hervé Nifenecker
Le gouvernement a annoncé qu’il renonçait à la mise en oeuvre de la « taxe carbone » en attendant que les autres Etats européens décident de la mettre en application et que soit instituée une taxe carbone à la frontière. En fait, ces conditions n’ont pratiquement aucune chance d’être remplies. Il s’agit donc bien d’une décision de renoncement pur et simple, sans analyse sérieuse et dans la précipitation.
Dans cette affaire, le gouvernement n’est pas le seul à s’être décrédibilisé :
• Le Parti Socialiste s’est opposé dès le départ à la taxe carbone en lui reprochant d’être socialement injuste, mais en « oubliant » que la redistribution intégrale du produit de la taxe prélevée sur les particuliers sous forme de chèques « verts » la transformait, en réalité, en un système de bonus-malus à somme nulle et lui donnait un rôle plutôt re-distributeur dans la mesure où, en moyenne, les forts revenus consomment plus de combustibles fossiles que les faibles. Rien n’empêchait le PS de chercher à améliorer les décrets d’application. La politique politicienne a pris le dessus et nous ne pouvons que le regretter.
• Les Verts et Europe Ecologie ont fait la fine bouche en exigeant une taxe plus lourde et en dénonçant la non taxation de l’électricité et les diverses dérogations. Comme on pouvait s’y attendre, cette surenchère joua le rôle du pavé de l’ours. Pourquoi ne pas avoir soutenu la taxe en la considérant comme une première étape ? « Plus pur que nous tu meurs…. »
• Le MEDEF fit preuve, en cette occasion, d’un aveuglement coupable. En effet, si le montant de la taxe prélevée sur les entreprises hors quota avait été remboursé sous forme d’allègement de charges sociales leur compétitivité, au lieu d’être menacée, aurait été améliorée !
• Plutôt que de se mettre vent debout contre la taxe, les agriculteurs et les pêcheurs auraient pu demander que les agro-carburants leur soient réservés, ce qui les auraient mis à l’abri des fluctuations du prix du gazole.
Il est clair que, après les déclarations péremptoires du Président de la République comparant l’institution de la taxe carbone à l’abolition de la peine de mort, l’abandon de la taxe ôtera beaucoup de leur poids aux interventions de la France dans les discussions climatiques. Ceci est d’autant plus regrettable que, de par son mix électrique peu émetteur de CO2 (90% de notre électricité est produite sans émission de CO2), l’efficacité d’une taxe carbone aurait été particulièrement grande dans notre pays puisqu’elle permettait d’agir sur les émissions diffuses dont le poids relatif est plus important que chez nos voisins. A titre d’exemple, le développement d’un parc de voitures électriques aurait un impact immédiat sur nos émissions de CO2, au contraire de ce qui pourrait se passer dans des pays comme l’Allemagne dont l’électricité est essentiellement produite par des centrales à charbon ou à gaz. La même chose peut être dite d’un passage du chauffage au fioul et au gaz au chauffage électrique (autant que possible avec pompe à chaleur).
En fin de compte, comme l’a dit Michel Rocard, une augmentation du prix des combustibles fossiles est inéluctable. Renoncer à la taxe carbone c’est, à terme, accepter de payer la taxe aux pays producteurs de gaz ou de pétrole, c’est en quelque sorte reculer pour mieux sauter, et sauter de plus haut, ce qui est plus dangereux!
Globalement d'accord
Il parait que M ROCARD aurait parlé de "crime contre l'humanité"
Dans cette optique les torts des parties sont très différents
Le gouvernement a essayé ; il n'a pas réussi ; c'est tout !
Les Verts et Europe Ecologie sont restés neutres sans supporter la mesure alors qu'ils avaient pleine connaissance de son intérêt.
Le PS n'a pas cherché à améliorer les décrets d’application .
Au contraire les socialistes ont agit contre en portant les choses devant le conseil!
Rédigé par : CA | 03 avril 2010 à 08h04
Comme dit dans l'article,
Il est clair que, après les déclarations péremptoires du Président de la République comparant l’institution de la taxe carbone à l’abolition de la peine de mort, l’abandon de la taxe ôtera beaucoup de leur poids ... à la France ...et à tous ceux qui sont soucieux de l'environnemment.
Beaucoup de députés UMP ou Socialistes qui considèrent déjà ces gens là comme des emm. vont en conclure qu'il suffit décidément de faire le gros dos qqs semaines pour mieux repartir vers ses occupations habituelles , qui un circuit de Formule 1 , qui un nouvel aéroport.
Rédigé par : Jacques- | 03 avril 2010 à 17h11
Une fois de plus, il se confirme que la démocratie représentative fait partie du problème, par son incapacité à tenir compte des enjeux à long terme.
Il ne lui reste qu'à évoluer très vite, ou à périr.
Notons qu'il y a déjà ce qu'il faut dans la Constitution : l'article 16 peut être invoqué en cas de menace sur l'intégrité territoriale de la France.
Or, la montée des océans ne constitue-t-elle pas une telle menace ?
Rédigé par : D. Cavard | 04 avril 2010 à 12h52
Toute nouvelle taxe est en général très mal acceptée, en particulier en France. Le poids des prélèvements est jugé chez nous très lourd en comparaison avec d’autres pays et il est communément admis qu’il constitue un obstacle considérable au développement économique et à la résorption du chômage.
Si pour la taxe carbone, un système de restitution en faveur des personnes les plus défavorisées avait été prévu, il rajoutait un degré de complexité supplémentaire aux prélèvements fiscaux, qui sont déjà parmi des plus complexes au monde : il fallait aussi prendre des mesures spéciales pour les entreprises de transport, les taxis, discerner les professionnels ayant un besoin incontournable de circuler en voiture. On a pu dire que le processus ressemblerait à une usine à gaz. Est-ce vraiment vers cela que nous devrions aller ?
Les difficultés que nous avons à affronter la concurrence des autres pays sont connues de tout le monde : au coût de la main d’œuvre, des salaires et en général de la protection sociale serait ajouté un surcoût lié à la quantité de carbone utilisée. Cela ferait que nos produits seraient encore plus chers, c'est-à-dire notre capacité d’industrie encore plus pénalisée vis-à-vis de la concurrence : est ce que nous voulons supprimer l’activité industrielle chez nous ?
Les autorités européennes auraient manifesté leur opposition aux taxes carbone aux frontières de l’Europe. Peut être, mais est-ce là le résultat d’une étude suffisamment mûrie, ou une réaction épidermique à la difficulté du problème ? On a bien vu que l’Europe a été peu réactive lors de la crise financière et il a fallu la pugnacité du couple franco allemand pour avoir des mesures de sauvegarde efficaces. Presque tout le monde en Europe est très préoccupé par les gaz à effet de serre, l’incidence des mesures à prendre sur l’économie et les échanges, la nécessité de négocier avec nos grands partenaires internationaux.
Il serait quand même plus raisonnable de préconiser une politique commune en Europe et une politique aux frontières que de laisser s’installer dans chaque pays des mesures plus ou moins contradictoires qui rendraient encore plus difficile la cohésion nécessaire pour que l’Europe existe sur le plan international.
Il nous aurait certainement plu de voir instaurée une taxe carbone à l’image de ce qui a été accompli en Suède : nous manquons peut être d’audace, mais pour qu’une réforme soit efficace, il faut qu’elle soit comprise et acceptée par un nombre suffisant de citoyens, et ce n’était pas le cas. Ils y ont vu un prélèvement nouveau, un recul de nos capacités dans la concurrence internationale et un refus des autorités européennes à assumer leur vocation.
Oui, nos concitoyens vont évoluer rapidement vers une diminution drastique des émissions de CO2 quand la voiture électrique sera disponible, quand une politique pragmatique d’isolation de tous nos bâtiments sera mise en œuvre, quand les pompes à chaleur seront encore plus populaires et quand on aura favorisé plus qu’aujourd’hui le remplacement du pétrole par le gaz naturel quand il est difficile de se passer d’énergie fossile. Tout cela est à notre portée, grâce en particulier à Sauvons le Climat. Madame Jouanno peut s’en réjouir et susciter en Europe les synergies nécessaires à une action européenne.
Rédigé par : Riche | 07 avril 2010 à 11h25
.
Je rebondis sur les deux opinions assez réalistes de Cavard et Riche :
"Une fois de plus, il se confirme que la démocratie représentative fait partie du problème, par son incapacité à tenir compte des enjeux à long terme."
"pour qu’une réforme soit efficace, il faut qu’elle soit comprise et acceptée par un nombre suffisant de citoyens"
et je les relie à ces propos de JM JANCOVICI dans une tribune libre d'un gratuit parisien :
Que la population, mal informée par des médias trop paresseux sur cette question, ne l'ait pas compris est à la rigueur excusable. Mais que ceux qui nous ont réclamé, par nos votes ou ceux des entreprises, la charge de conduire les affaires du pays ne l'aient toujours pas compris, c'est une faute professionnelle majeure dont l'histoire se souviendra. Chantal Jouanno a raison d'être "désespérée" par cette reculade. Nous en serons tous les victimes.
J'ai moi-même entendu des ténors du PS se gausser d'un impôt "que l'on paierait pour en être ensuite remboursé ! ! " .
On comprend , ceci dit en passant , l'échec d'autres politiques par la méconnaissance de ce principe pourtant simple , niveau ancien Certificat d'Etudes :
Pour diminuer la consommation d'une ressource il faut augmenter son prix à l'unité ; comme cette augmentation peut avoir des effets néfastes (sociaux , de compétitivité industrielle etc etc) il peut être nécessaire de compenser par des primes fixes. La prime étant fixe elle ne diminue en rien la sensibilité de l'acteur économique au prix de la ressource.
Rédigé par : CA | 07 avril 2010 à 22h05