Le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Etudes du Climat), après avoir été encensé et avoir reçu un prix Nobel est brutalement devenu « l’homme à abattre ». Principaux arguments mis en avant par la meute déchaînée contre le GIEC, repris en France par deux scientifiques de renom dans leur propre discipline (MM. Claude Allègre et Vincent Courtillot) et auxquels les médias ont fait largement écho :
- Les rapports du GIEC font l’objet d’un consensus scientifique, or la vérité scientifique ne se décide pas par un vote. En fait, il n’y a jamais aucun vote au sein du GIEC. Les rapports du GIEC ont pour unique objet de faire l’état des connaissances scientifiques, en exposant les points de vue contradictoires, à chaque fois qu’ils existent. Le consensus dont ils font l’objet ne porte donc pas sur une sorte de vérité scientifique moyenne qui effectivement n’a aucun sens, mais sur une présentation de la totalité des résultats obtenus et de leurs divergences éventuelles.
- Certains des scientifiques qui ont travaillé au sein du GIEC sont sortis de leurs domaines de compétence et ont adopté des positions politiques. Le GIEC n’est engagé en rien par les prises de position de ceux qui ont collaboré à ses travaux, même s’ils mentionnent légitimement cette collaboration comme un gage de compétence scientifique.
- La procédure adoptée par le GIEC, qui impose que les « résumés pour décideurs » de ses rapports (dont un rapport d’évaluation globale tous les 5 à 7 ans) soient approuvés à l’unanimité des Etats membres, a pour conséquence que ces résumés seraient plus politiques que scientifiques. Effectivement, l’assemblée générale du GIEC est composée de représentants des états membres, elle approuve mot à mot le sommaire à l’intention des décideurs qui résume en une quinzaine de pages le contenu de chaque rapport. Néanmoins, les scientifiques conservent un rôle essentiel : lorsqu’une proposition d’amendement rencontre l’opposition des auteurs concernés qui estiment qu’elle n’est pas conforme aux résultats scientifiques, elle est considérée comme non recevable. Le processus d’approbation ne conduit donc pas à altérer le message des auteurs.
- Les « résumés pour décideurs », qui résument en quelques dizaines de pages des rapports qui en font des milliers, peuvent facilement occulter tel ou tel point qui pourrait s’avérer important. Cette difficulté est bien réelle. On peut cependant constater que les deux derniers rapports ont été approuvés à l’unanimité et ont donc reçu l’aval de pays notoirement opposés à la réduction de l’utilisation des combustibles fossiles, sans qu’ils signalent le moindre désaccord par une note en bas de page, comme ils en ont la possibilité (utilisée ponctuellement dans le deuxième rapport)..
Même si le GIEC a reconnu qu’il avait pu se glisser quelques erreurs ici ou là, qui ont échappé aux comités de lecture, aucune de ces erreurs localisées ne remet en question le message concernant le réchauffement climatique et le rôle de l’homme dans ce réchauffement. Ses contradicteurs n’ont à aucun moment apporté d’arguments décisifs permettant de remettre en cause les conclusions majeures du GIEC.
La réalité, c’est que le message du GIEC gêne. Il gêne tous ceux qui produisent ou utilisent les énergies fossiles, aussi bien les lobbies énergétiques et industriels que la majorité des citoyens (qu’ils soient propriétaires de voitures ou amateurs de vacances lointaines entre autres). Il gène ceux qui, comme Claude Allègre, affirment que les progrès technologiques permettront toujours à l’homme de s’en sortir. Il gêne ceux, parmi les écologistes, qui rêvent de décroissance et qui, au nom d’un principe de précaution dévoyé, ont déclaré la guerre au progrès technologique comme moyen de lutte contre le changement climatique. Il gêne enfin les politiques en les forçant &agr ave; agir en fonction du long terme. L'offensive menée contre le GIEC s'apparente à la coutume antique qui consistait à exécuter le messager de mauvaises nouvelles. Tous ceux qui, pour des raisons diverses, refusent de croire à l'existence d'un changement climatique substantiel d'origine humaine, se précipitentsur ce bouc émissaire accusé de travestir la réalité scientifique, alors que la quasi totalité des scientifiques, spécialistes du sujet pense au contraire que les rapports du GIEC sont le reflet fidèle de leurs travaux. Le GIEC pâtit également de propos excessifs de certains militants, allant bien au delà de ses propres conclusions et confinant parfois au ridicule, comme la menace de voir s'éteidre l'espèce humaine.
Et si le GIEC n’existait pas ? Plaçons-nous dans cette perspective.
Il y aurait toujours des climatologues dans le monde qui poursuivraient leurs travaux, entrepris bien avant la création du GIEC, dont ils soumettraient les résultats à des revues à comité de lecture, ils se feraient entendre de temps en temps dans un colloque ou un congrès. Occasionnellement, les média s’en feraient l’écho.
Il y aurait toujours des lobbies bien décidés à défendre les industries produisant et consommant du charbon, du pétrole et du gaz. Maîtres des marchés, largement internationaux, ces groupes de pression sauraient se faire entendre dans les instances nationales et internationales. Au demeurant, ils financeraient eux-mêmes des études qui iraient dans le sens souhaité.
De l’autre côté, il y aurait toujours des ONG, bien décidées à exploiter les caprices de la nature (canicules, tempêtes etc.) et les folies des hommes (marées noires, explosions de gaz etc.), pour faire entendre leurs points de vue contre la société de consommation et la technologie. Elles aussi largement internationales, capables, comme GREENPEACE, d’adopter des positions mondiales et de les faire entendre dans les médias
Et au milieu de tout cela, il y aurait les politiques, obligés - s’ils veulent être réélus - de tenir compte de leurs opinions publiques et – presque toujours – enclins à limiter leur vision à la durée de leur mandat. Mais également dans l’obligation de défendre les intérêts économiques de leur pays (producteur ou consommateur de charbon, de pétrole et de gaz).
Ces politiques, dans les différents pays, seraient parfois alertés par tel ou tel conseiller scientifique, ils entendraient les arguments sonnants et trébuchants des lobbies du charbon, du pétrole et du gaz, ils seraient parfois énervés par les cris des ONG, mais ils n’auraient pas les éléments scientifiques reconnus par tous leur permettant de se faire vraiment une opinion, les scientifiques s’exprimeraient en ordre dispersé. Pire, ils s’exprimeraient le plus souvent dans un jargon qui leur est propre et largement inaudible pour le commun des mortels, les médias et les responsables politiques.
Ceci n’est pas de la politique fiction. C’est la situation qui a prévalu dans le monde jusqu’en 1988, date de la création du GIEC dont le premier rapport (1990) a servi aux négociations ayant abouti à l’adoption de la convention climat lors du sommet des chefs d’Etat à Rio en 1992. L’ONU (Programme des Nations Unies sur l’Environnement et Organisation Météorologique Mondiale) a confié au GIEC la redoutable tâche de distinguer entre le probable, le possible et l’improbable en matière de changement climatique, de déterminer le rôle joué par les activités humaines dans les changements observés et à venir, de traduire tout cela en langage accessible à tous, et de tenter de dégager des positions communes susceptibles de sous-tendre des décisions internationales. B ref, donner aux responsables politiques les moyens de ne pas être démunis face aux groupes de pression et aux ONG. Ce sont là les missions confiées au GIEC il y a de cela 22 ans, missions remarquablement remplies. C’est pourquoi tant d’intérêts se liguent pour avoir sa peau.
Bref, si le GIEC n’existait pas… il faudrait l’inventer !
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