Cet objectif est d’importance capitale aujourd’hui et de grands programmes ont été lancés dans ce but, en particulier le développement de voitures à propulsion électrique par batteries rechargeables à partir du secteur. Pour apprécier la portée de ce programme et voir s’il y a lieu de le compléter par d’autres approches, il est utile d’analyser la structure des transports de voyageurs et de marchandises, ainsi que celle de la consommation de pétrole qui en résulte. Le Comité des constructeurs français d’automobiles donne sur son site internet beaucoup de données intéressantes dans un document intitulé « Analyses et faits » dont je reprends ci-dessous ce qui me paraît le plus important.
Au terme de cette analyse il apparaît qu’il existe une motivation pour développer un système permettant d’utiliser l’électricité pour le transport sur route des marchandises à longue distance. La solution pourrait être une électrification des autoroutes s’inspirant, pour l’équipement des autoroutes de l’expérience du tramway sur pneumatiques qui circule dans les rues de Clermont-Ferrand, et pour les véhicules, de l’expérience ferroviaire.
1- Analyse des transports routiers et de la consommation de pétrole associée
Transport intérieur de voyageurs
A la page 40 du document cité en référence, on trouve des statistiques montrant que, en comptant en nombre de voyageurs-kilomètres par an, la route est prépondérante, avec 82% pour la voiture particulières et 6% pour les bus et autocars. Ce moyen de transport est particulièrement adapté aux zones d’habitation peu denses. Les transports en commun ferroviaires assurent environ 10% du trafic.
Je n’ai pas trouvé de statistique donnant, pour les voitures des particuliers, la répartition entre usage sur des parcours brefs, pouvant être faits par des véhicules électriques sur batteries et l’utilisation pour des parcours longue distance inaccessibles à ces véhicules (au moins dans un proche avenir).
Transport intérieur des marchandises
Selon l’enquête « Transport routier de marchandises » faite par le ministère des transports, reprise (p 41)dans le document cité en référence, la répartition des opérations de transport évaluées en tonnes-kilomètres en fonction de la distance est la suivante :
- 10% à moins de 50km
- 17% de 50 à moins de 150km
- 20% de 150 à moins de 300km
- 20% de 300 à moins de 500km
- 33% à plus de 500km
La part du transport ferroviaire est de 7%.
Si on fixe à 150km le rayon d’action des véhicules électriques, on voit que 73% des tonnes kilomètres ne peuvent être faits par des véhicules sur batteries et qu’il faut rechercher un autre moyen pour remplacer le pétrole dans cet usage.
Consommations de pétrole dans ces transports
Le tableau présente une synthèse des données fournies par la page 42 du rapport déjà cité.
On peut constater sur ce tableau que le transport des marchandises par des véhicules légers ou des poids lourds consomme 40% du total des carburants. Comme 73% de ces tonnes kilomètres sont inaccessibles aux véhicules sur batteries, le potentiel d’économies pour d’autres solutions électriques serait de 73% de 40 %, soit 29% de la consommation totale, c'est-à-dire 10.9 millions de tonnes de pétrole par an. A 70 € par baril de pétrole, soit 440 € par tonne, le montant annuel de la facture correspondant à ces transports est de 4.8 milliards d’euros.
On voit ainsi que l’enjeu de trouver une solution de remplacement au pétrole est d’importance majeure.
La première idée qui vient alors est de confier cette tâche au ferroutage. Cependant l’analyse de la situation faite ci-dessus montre qu’il lui faudrait passer de 7% du trafic des marchandises à 73% des 93% ( soit 68%) de ce trafic, qui sont actuellement assumés par la route, c'est-à-dire une multiplication par 10. Ceci ne serait pas possible sans une modification radicale du réseau ferré actuel. En outre, une utilisation rationnelle du ferroutage suppose la constitution de trains entiers partant selon un horaire prédéterminé de gares vers lesquelles devraient converger une foule de camions, ce qui laisse présager des délais d’embarquement et de débarquement importants. Cependant le ferroutage conserve un intérêt dans le cas particuliers de très gros clients pouvant utiliser un train complet qui aurait un long trajet à parcourir.
Il faut donc trouver autre chose.
2- Une proposition de solution.
Comme il s’agit de trajets de plus de 150 km, voir de plus de 300 km ou plus de 500 km, on peut penser qu’il se feront en grande partie sur des autoroutes, L’idée serait alors d’équiper les autoroutes existantes avec une distribution électrique en s’inspirant de ce qui existe dans le domaine ferroviaire. La voie de droite de l’autoroute serait surmontée d’une caténaire assurant la fourniture du courant à des véhicules équipés d’un pantographe analogue à ceux des véhicules du réseau ferré. Le retour du courant se ferait par un rail conducteur placé dans le revêtement de l’autoroute, à l’aplomb de la caténaire et affleurant juste au revêtement de façon à ne pas gêner les véhicules qui auraient à traverser la file électrifiée. En outre, ce rail constituerait un repère pour un système électronique qui commanderait la direction du véhicule de manière qu’il reste toujours sous la caténaire. Il n’est pas possible de détailler dans cette note les divers dispositifs et règles de conduite nécessaires au bon fonctionnement de ce système, mais une première analyse en a déjà été faite.
En outre, pour conserver toute la souplesse, qui est un des atouts importants du système, il faut que le camion qui prend l’autoroute ait pu faire son chargement chez un client qui n’est pas forcément au voisinage immédiat d’une autoroute. Il faut donc que le camion soit équipé, non seulement d’un moteur électrique et de l’électronique qui l’accompagne, mais aussi d’un moteur thermique qui serait utilisé entre les points de chargement ou de déchargement, et l’entrée ou la sortie de l’autoroute.
C’est donc un véhicule hybride qui doit être conçu pour cet usage. Il y a déjà eu chez les constructeurs des travaux sur différents types d’hybrides, avec différents types d’usage, mais il faut maintenant définir le type approprié au service défini ci-dessus ce qui n’a sans doute pas été encore fait.
3-Conclusion
Il est clair que le projet esquissé ci dessus est de très grande ampleur et nécessite l’intervention de plusieurs acteurs, dont les pouvoirs publics, mais l’enjeu est d’importance : plusieurs milliards d‘euros annuels d’économies sur les importations de pétrole : potentiellement jusqu’à 4 milliards € /an au prix actuel du pétrole, lequel va sans doute augmenter dans l’avenir.
Espérons que ce discours sera entendu.
Très intéressant article
" La voie de droite de l’autoroute serait surmontée d’une caténaire assurant la fourniture du courant à des véhicules* équipés d’un pantographe
Où l'on voit où nous mène cette société de consommation, que dis-je, de gaspillage organisé !
NOTA pour l'auteur : petite coquille sur le lien qu'il faut lire ainsi « Analyses et faits » ou aller directement ici bas de page (voir les documents pdf vers les pages 40).
*En outre,… il faut donc que le camion soit équipé, non seulement d’un moteur électrique mais aussi d’un moteur thermique .
Celà me choque nullement et c'est beaucoup plus simple que la motorisation hybride façon PRIUS ; ce qui choque plutôt c'est que les TGV n'en soient pas équipés ; cela éviterait tous ces retards ubuesques.
Rédigé par : Jacques | 12 octobre 2010 à 09h21
C'est une très bonne idée.
Mais pourquoi suggérer au camion de rouler sur la voie de droite ?
Le retour du courant sur le rail serait coupé à chaque entrée d'autoroute. Ne vaut-il mieux pas rouler sur la voie de gauche ? le rail retour du courant serait protégé et il est fort à parier que lors de la crise pétrolière on revienne à 120 km/h , voir 110 km/h comme vitesse maximale, les camions auraient presque cette vitesse avec un moteur électrique sur la voie de gauche.
On regrette de ne pas avoir d'ordre de coût d'investissement en infrastructure et motorisation pour un tel projet.
Rédigé par : PH | 16 octobre 2010 à 23h10
Réponse au commentaire de Jacques. Le rail de retour du courant est au potentiel du sol, il n'y a pas de nécessité de l'interrompre aux entrées/sorties de l'autoroute. Par ailleurs, si les camions roulaient sur la file de gauche, il leur faudrait traverser les autres files sur lesquelles roulent des véhicules plus rapides, ce qui causerait des perturbations au trafic beaucoup plus grandes que dans le cas actuel où les camions roulent sur la file de droite.
Par ailleurs je travaille à réunir des données d'ordre de grandeur sur les coûts d'infrastucture d'un tel projet. Je les mettrai sur ce blog dès que possible
Rédigé par : Jean Leroy | 15 novembre 2010 à 16h24
Poids lourds hybrides
L’autoroute électrifiée proposée par M. Jean Leroy pour le transport des marchandises est très séduisante.
Elle est à mi-chemin entre l’autoroute proprement dite et l’autoroute ferroviaire (à ne pas confondre avec le ferroutage) sans nécessiter la réalisation de travaux d’infrastructure importants. Seuls seraient nécessaires effectivement la mise en place sur la voie de droite de l’autoroute d’une caténaire et d’un rail de retour de courant noyé dans la chaussée. Pas d’emprise foncière supplémentaire mais peut-être un tirant d’air plus élevé sous les ponts. Cette autoroute électrifiée pourrait être aménagée sur les grands axes d’échanges économiques.
Le moteur thermique à adjoindre au moteur électrique pour les trajets hors de l’autoroute électrifiée n’est pas un handicap et peut suppléer à toute interruption inopportune d’énergie électrique, il lui confère au contraire une grande souplesse d’exploitation.
Je souhaite aussi que ce discours soit entendu et qu’une voie expérimentale et un camion hybride soient réalisés pour tester la solution proposée par M. Jean Leroy.
René Schwartz
Le 9 décembre 2010.
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Rédigé par : René Schwartz | 09 décembre 2010 à 12h17
Bonjour,
J'ai écris un article pour défendre cette idée à laquelle je crois également. L'article est paru dans la revu transport en juillet/aout 2010. Vous l'avez probablement vu, il est sinon téléchargeable ici :
http://www.enerdata.net/enerdatafr/info-energie/electrification-autoroute-pour-voitures-electriques.pdf
B. Bougnoux
Rédigé par : bougnoux | 15 février 2011 à 16h35