Ceux des écologistes qui font partie de l’écologie officielle et institutionnelle ont réagi avec vigueur contre le rattachement du secteur de l’énergie au ministère de l’industrie. Ils estiment que la politique énergétique va, désormais, s’inspirer plus de critères productivistes qu’écologiques. Avant de se joindre au chœur des pleureuses il me semble qu’il convient d’examiner si le défunt MEEDEM a un bilan écologique indiscutable. Or ce bilan est contrasté si on veut bien l’examiner sans a priori.
Des éléments positifs
Un premier succès à porter au crédit du ministère Borloo (aidé en cela Nathalie Kosciuzko-Morizet) est celui de la tenue du Grenelle de l’Environnement, même si la composition des collèges était discutable avec l’absence des Académies des Sciences, de Médecine, des Technologies, des sociétés savantes et des associations de défense de l’environnement extérieures à l’Alliance pour la Planète. Ce succès n’est pas lié au fait que l’énergie avait été rattachée au MEEDDM.
Un deuxième succès a été l’instauration d’un bonus-malus sur les automobiles. Mais le secteur du transport reste rattaché au Ministère de l’Ecologie.
Des éléments discutables
La mise en œuvre d’une politique dynamique d’amélioration de performances énergétiques dans le bâtiment est, théoriquement, un progrès significatif. Dans les détails, qui sont souvent diaboliques, on a quelques surprises. Le calcul des normes (50 kWh/m2) en énergie primaire favorise l’utilisation directe des combustibles fossiles (fioul et gaz), émetteurs de CO2, au détriment de l’électricité. Il s’agit là d’un épisode de plus de la guerre traditionnelle menée contre le chauffage électrique par les anti-nucléaire et l’industrie gazière. L’influence de ce courant de pensée à l’ADEME n’est un secret pour personne et il a manifestement inspiré l’approche du MEEDDM. Ceci est particulièrement clair dans le cas de la RT2012, qui ne tient pas compte clairement des émissions de CO2, contrairement au souhait du législateur. Les palinodies concernant le contenu en CO2 du chauffage électrique relèvent de la même philosophie marquée par un anti-nucléarisme primaire. Au bout du compte, il s’agit bien d’éviter à tout prix que la limitation des émissions de CO2 se traduise par la construction de centrales nucléaires supplémentaires.
Des erreurs graves
La politique de l’ex MEEDDM a été particulièrement calamiteuse par son soutien indéfectible au développement de l’éolien et du photovoltaïque. Cette politique était officiellement justifiée par l’engagement pris par la France d’aboutir à une pourcentage de 23% d’énergie renouvelables dans la consommation d’énergie finale. On a voulu faire croire qu’il s’agissait d’un pourcentage dans l’électricité, d’où la nécessité du développement de l’éolien. D’autres possibilités, plus efficaces, étaient envisageables comme une utilisation plus volontariste de la biomasse ou celle de la chaleur géothermique, en particulier grâce au développement des pompes à chaleur. En fait, là encore, on retrouve l’influence de l’anti-nucléarisme primaire pour lequel la priorité des priorités est la diminution de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Suivant cette analyse, on utilisa tous les moyens pour développer les productions éoliennes et photovoltaïques : crédits d’impôts confortables ajoutés à l’extraordinaire système d’obligation d’achat (imaginez que vous soyez obligés d’acheter toute la production de votre boulanger, que vous ayez faim ou pas !) . L’assurance de revenus confortables encouragèrent un affairisme éhonté dans le domaine de l’éolien. Depuis qu’on dispose, enfin, des séries détaillées de la production éolienne on voit que celle-ci ne réduit la production d’électricité par des centrales à combustibles fossiles que d’une façon marginale et, donc, que l’éolien ne réduit pas significativement les émissions de CO2. Compte tenu de l’intermittence de l’énergie éolienne, il est nécessaire qu’à tout moment une puissance équivalente reste mobilisable immédiatement ; on ne gagne donc rien en ce qui concerne les investissements. Le dispositif d’obligation d’achat n’a pas encouragé les opérateurs à investir dans la recherche. Il n’a pas non plus conduit au développement d’une industrie française de construction d’éoliennes. La fragilisation du réseau liée à l’intermittence se traduit par l’imposition prévue, au frais du client, de compteurs dits « intelligents » qui seront essentiellement pilotés par le fournisseur d’électricité. Du rêve de l’électricité décentralisée on passera à une « électricité big brother » ultra centralisée !
Les mêmes reproches peuvent être faits au développement du photovoltaïque avec deux circonstances aggravantes :
1. le photovoltaïque produit essentiellement à midi en été, à un moment où la demande d’électricité est minimale
2. le coût du photovoltaïque pour la collectivité est considérable. Selon le rapport Charpin, la poursuite de la croissance actuelle des installations photovoltaïques conduirait à une puissance installée de 17000 MW en 2020 ; pour 5000 MW le coût annuel de l’obligation d’achat atteindrait 4,4 Md d’Euros par an, et un surcoût total de 90 Md d’Euros. Tout cela pour produire une vingtaine de TWh, soit l’équivalent de la production de moins de 2 EPR (investissement de 10 Md d’Euros, avec une production disponible à tout moment de l’année).
Que peut-on craindre, que peut on espérer ?
Le rattachement du secteur de l’énergie au ministère de l’industrie pourrait se traduire par une moindre attention à la nécessité de diminuer les émissions de CO2, et ce d’autant plus que le prix du gaz a fortement diminué du fait de l’exploitation du gaz de schiste aux USA et, peut être ailleurs dans le futur. L’instauration de la mise aux enchères des quotas d’émission devrait rappeler à l’ordre les opérateurs, si nécessaire.
Dans le cadre du ministère regroupant environnement et énergie on pouvait espérer une certaine cohérence dans les discussions internationales entre les contraintes écologiques et la défense des intérêts de l’industrie française. Comme la tradition est que le ministère de l’écologie représente le gouvernement français dans les discussions internationales portant sur l’environnement cette cohérence risque de ne plus être assurée. On a déjà vu que certain(e)s ministres de l’environnement sacrifiaient consciemment les intérêts de l’industrie française (exclusion du nucléaire du mécanisme MDP) tout en acceptant des politiques clairement favorables à celles d’autres pays européens (pour l’éolien, en particulier).
On peut espérer que des notions économiques comme le coût de la tonne de gaz carbonique évitée prendront enfin de l’importance dans le cadre d’un ministère de l’industrie lui même rattaché au ministère des finances. Au sein de l’ex MEEDDM de telles préoccupations semblaient pratiquement absentes ; et, à force de les négliger, on ne pouvait qu’aboutir à un rejet par les consommateurs citoyens, comme en témoigne la grogne contre l’augmentation du prix de l’électricité.
On peut espérer retrouver le professionnalisme de l’ancienne DGEMP, alors qu’on sentait une sorte de désorientation chez certains agents de la DGCE, contraints de trouver un compromis entre des impératifs idéologiques et leur goût pour la rigueur du raisonnement.
On peut espérer, dans ce nouveau cadre, qu’une évaluation sérieuse des politiques de soutien au photovoltaïque et à l’éolien sera faite. En particulier, on peut espérer que l’absurdité dangereuse du système d’obligation d’achat sera remise en cause au profit, par exemple, d’un système d’appel d’offre et de subvention au kWh produit et acheté ou, préférentiellement, auto-consommé.
Oui, on peut toujours espérer que les errements passés soient corrigés mais peut-on y croire ?
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