Etonnante déontologie du lobby des
énergies renouvelables
A l’issue de son Assemblée Générale du 16 novembre, le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) a élu son Président, Jean-Louis Bal1. L'actuel directeur des Energies Renouvelables à l'ADEMME succèdera le 1er mars 2011 à André Antolini qui, depuis 13 ans, a dirigé et développé le SER, lequel compte aujourd'hui 550 entreprises. Ingénieur de formation, Jean-Louis Bal a travaillé dans le domaine de l’énergie solaire, dans le secteur privé, durant 17 ans avant de rejoindre l’ADEME en 1992. Il est l'un des grands promoteurs des énergies renouvelables en France, et a été l’un des principaux rapporteurs du Grenelle de l’environnement.
André Antolini restera dans l'équipe dirigeante du syndicat, puisqu'il est nommé Président d’honneur et aura une mission de « conseiller spécial » du nouveau Président. Au cours de ses 13 ans de règne, André Antolini s'est montré un lobbyiste hors pair, passé de l’immobilier (plusieurs fois élu à la tête de la Fédération Nationale des Promoteurs et Constructeurs) au renouvelable, pour diriger la « Société Internationale d’Investissements Financiers », alors basée à … Luxembourg (ancêtre d’EDF-Energies Nouvelles).
Le départ d'un haut responsable d'un organisme public vers ce qu'il faut bien appeler un groupe de pression (un lobby en anglais) privé, et ce, précisément, dans le secteur dont il avait la charge, ne pose-t-il pas un sérieux problème d'éthique et de déontologie ? Personne ne semble véritablement s'en soucier.
On peut tout de même s’interroger, en l’occurrence, sur l’applicabilité de l’article 432-13 du Code Pénal qui « punit de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire public ou agent ou préposé d'une administration publique, à raison même de sa fonction, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée, soit d'exprimer son avis sur les opérations effectuées par une entreprise privée, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de cinq ans suivant la cessation de cette fonction ». Forçant le trait, trouverait-on normal qu’un(e) Ministre de l'Economie et des Finances quitte son poste pour prendre la tête du MEDEF ?
Cet échange de bons procédés et de responsables entre l’ADEME et le SER nous paraît révélatrice du fonctionnement d'un lobby qui, sous prétexte de sa mission (l’environnement, y compris sous l’angle climatique, et la maîtrise de l’énergie) n’a, depuis sa création, eu de cesse que de combattre le nucléaire civil tout en favorisant l’affairisme le plus échevelé, en poussant à la construction d’installations éoliennes et solaires, aussi dispendieuses qu’inefficaces sur tous les plans.
Nous voulons croire, peut être naïvement, que les nouveaux ministres, Nathalie Kosciusko-Morizet et Eric Besson, prendront la pleine mesure d’une consanguinité préjudiciable à la politique énergétique de la France et feront le nécessaire pour que ce ne soit pas « le SER qui mène le bal ».
1 Le Moniteur du 17/11/2010
Bonjour
L'Ademe ne finance que très marginalement le SER au travers d'études co-financées, l’article 432-13 du Code Pénal ne s'applique donc pas.
Enfin, contrairement à vos écrits, le SER n'a jamais combattu le nucléaire civil car il a AREVA et EDF parmi ses membres !!! Soutiendrez vous que ce sont deux "anti-nuc" de notoriété publique ? ;-)
Ces deux points exposés, c'est tout le sujet du billet qui tombe dans le mensonge et l'insinuation pour salir les énergies renouvelables...
Il faudrait que les défendeurs du nucléaire civil admettent qu'ils n'ont pas le monopole de l'électricité en France, d'autant qu'une directive fixe à 23% d'Energies renouvelables dans le mix français pour 2020, soit un pourcentage bien plus élevé pour l'électricité qui sera faite avec des éolienne et du photovoltaïque...
Cordialement
Héloïm Sinclair
Rédigé par : héloïm sinclair | 22 novembre 2010 à 10h30
@Heloim
Les 23% d'ENR de l'objectif fixé pour la France concernent la consommation finale. L'électricité ne compte que pour 20% dans cette consommation.
Le programme "Grenelle" de Photovoltaïque prévoit un peu plus de 5 GWc installés, soit une production annuelle d'environ 5 TWh, soit encore 1% de la production d'électricité française, soit enfin 0.2 % de la consommation finale. Peanuts! Et tout cela pour un surcoût (dû au tarif de l'obligation d'achat) qui atteindrait 2,5 G€/an (5 millions de MWh multiplié par 500€/MWh), et 50 G€ pour 20 ans (durée des contrats d'achat).
Pour l'éolien, la situation est moins délirante. Pour 25 GW installés, un facteur de charge de 2000 h/an et un surcoût réel de 40 €/MWh (sur terre) ou 90 €/MWh (en offshore) on trouve une production de 50 TWh (un peu plus du dixième de la production totale d'électricité, ou encore un peu plus de 2 % de la consommation finale pour un surcoût de 2 G€/an et, sur 15 ou (offshore) 20 ans, un total de voisin de 40 G€.
Finalement, avec les objectifs du Grenelle, il faudrait payer 90 G€ pour porter le pourcentage actuel des ENR dans la consommation de 10,5% à 12,5% (à consommation constante...). A noter que les 10,5% actuels se répartissent essentiellement en 3% pour l'hydraulique et 7% pour la biomasse (essentiellement combustion de bois).
Si on veut respecter les 23% il serait beaucoup plus efficace de recourir à la biomasse, à la géothermie et au solaire pour la production de chaleur finale (eau chaude, chauffage).
En particulier, les pompes à chaleur extraient, pour chaque kWh électrique consommé, 2 à 3 fois plus de chaleur dite géothermique (en réalité solaire). Pour les 90 G€ on pourrait subventionner à 50% 20 millions de PAC, consommant 100 TWh d'électricité (avec très peu d'émissions CO2) et 300 TWh de géothermie, soit plus de 10% de la consommation finale. Une autre manière de raisonner est de partir (voir Négatep sur le site de SLC) des 160 Mtep de consommation finale où l'on compte environ 30 Mtep de fossiles (fioul+gaz) pour le chauffage des logements et des bureaux. Remplacer ces 30 Mtep par des pompes à chaleur (PAC) conduirait à 22,5 Mtep d'ENR (14% du total) et 7,5 Mtep (87 TWh) d'électricité.
Non seulement, on attendrait l'objectif des 23%, mais on diminuerait les émissions de CO2 de près de 20%!
Qu'attendons nous pour réaliser un programme crash d'équipement en PAC à la place du programme de production d'électricité photovoltaïque et éolienne? Il faudrait sans doute construire quelques réacteurs nucléaires supplémentaires. Le jeu n'en vaut-il pas la chandelle?
Rédigé par : SLC | 23 novembre 2010 à 17h15
Bonjour Heloïm !
1) EDF est membre du SER ? Ceci tient essentiellement à sa participation (à parts égales avec l'ex-SIIF de P. Mouratoglou) dans EDF-EN. Mais EDF est, surtout, obligée par la loi d'acheter toute la production EnR fournie par les membres du SER, ce qui n'est pas rien (à des tarifs fixés par qui ?) et peut justifier sa participation dans cette instance, non ?
AREVA a investi dans l'éolien (d'abord Jeumont, REpower, puis Multibrid), itou. Et alors ?
Vous avez raison, officiellement, le SER ne combat pas le nucléaire civil mais ses membres ne s'en privent pas (même quand ils parlent en son nom), surtout quand ils sont à court d'argument.
Le SER ne combat pas trop non plus l'usage des ressources fossiles : cela tient-il à la présence en son sein de BP, SHELL, TOTAL, entre autres ?
Tout ceci prouve qu'il y a de tout au sein de ce syndicat, et que les tensions y sont sans doute fortes.
2) Quant au coeur du sujet de notre billet qui "tombe[rait] dans le mensonge et l'insinuation", ignorez vous que l'ADEME a un rôle moteur (et en tire orgueil : cf. "La nouvelle tarification de l'énergie éolienne : genèse, description et première analyse", par B. Chabot, in Revue de l'Energie n° 528, juillet 2001, suite à l'arrêté du 8/06/2001) dans la définition des tarifs d'achat ? Ceci va bien au-delà du fait, visé par le Code pénal, consistant à "exprimer son avis". D'autant que l'ADEME a vanté les mérites de ce mécanisme d'achat, dûment indexé sur l'inflation, au sein d'un "Bureau de Coordination" franco-allemand pour l'éolien (et le plus grand bien des exportateurs que sont Enercon, Nordex, Siemens etc.; le lobby allemand a d'ailleurs su renvoyer l'ascenseur, in DEWI Magazin, notamment).
Le Directeur des EnR à l'ADEME, "en tant que fonctionnaire public, à raison même de sa fonction", ne peut être étranger à ces actions de lobbying intensif, qui ont fait de la France le pays le plus généreux en matière de tarifs d'achat des EnR (Eole et PV, notamment), tarifs bénéficiant à chaque "entreprise privée" membre du SER, syndicat qu'animera bientôt ce monsieur. Cette "passerelle" va bien au-delà de quelques sous pour participation à telle ou telle "étude cofinancée" par le SER et l'ADEME, ouvrant large la voie à un affairisme vert de première envergure.
Il est vrai que le compagnonnage de l'ADEME et du SER n'est pas nouveau, comme en témoigne la page de garde de la plaquette "Donner un nouveau souffle à l'éolien terrestre" (juin 2004, réalisation du Boston Consulting Group pour le compte du SER), qui associait tout le gratin éolien (dont ... l'ex-SIIF et Shell WindEnergy !) à ... l'ADEME. Cette plaquette est un véritable cahier de revendications, lesquelles _ vous pouvez le vérifier vous-même, sur notre site _ ont quasiment toutes été satisfaites depuis lors (notamment avec l'arrêté du 10/07/2006) ... Une telle réussite de Mr Antolini ne tient sans doute pas qu'à ses talents de lobbyiste, nous avons la faiblesse de le croire.
Cordialement !
Rédigé par : F.Poizat | 23 novembre 2010 à 17h25
D'accord avec l'article , les derniers commentaires.. sauf que ...
D'accord dans l'absolu mais pas dans le relatif ... et l'absence de jugement relatif c'est l'arbitraire.
Dans un pays où un ministre du budget s'étonne qu'on puisse lui reprocher d'être en même temps trésorier d'un grand parti , la "faute " de L BAL est toute relative!
Et ce genre de compagnonnage , ces passerelles , n'ont pas été inventées par l'ADEME ou le SER !
VRAI ou FAUX ?
Cordialement
Rédigé par : c10a | 28 novembre 2010 à 12h52
@c10a
Une faute n'excuse pas l'autre. Il semble quand même que notre ancien ministre du budget n'est pas au bout de ses soucis judiciaires...
Certes les passerelles d'un goût douteux n'ont pas été inventées par l'ADEME ou le SER; ce qui est nouveau c'est qu'il semble que cela devienne officiel sans que personne ne s'étonne.
Le site de SLC a pour ambition de traiter de problèmes liés à l'énergie et au climat et ce n'est pas ici qu'il y a lieu de discuter de tous les problèmes quels qu'ils soient. La tâche est suffisante.
Rédigé par : hervé | 28 novembre 2010 à 14h34
@ hervé
Je comprends ce dernier commentaire sauf que
1° si le mien mord un peu la ligne c'est dans la suite de la note de base (Forçant le trait, trouverait-on normal qu’un(e) Ministre de l'Economie et des Finances quitte son poste pour prendre la tête du MEDEF ? )
2° "ce n'est pas ici qu'il y a lieu de discuter"
Vu le très faible nombre de commentaires sur ce blog il ne faut pas crier avant d'avoir mal .
3° enfin les positions de SLC me semblent suffisamment fortes pour ne pas prêter inutilement le flan à la critique
Rédigé par : c10a | 29 novembre 2010 à 14h58
SLC,
Puisque vous semblez bien informés sur le nucléaire, pourriez vous répondre à quelques unes de mes interrogations ?
- Combien coute l'achat de l'uranium
- Durée stock mondial uranium
- Cout de transport de l'uranium
- Empreinte carbone extraction et transport uranium
- Empreinte carbone construction centrale nucléaire
- Empreinte carbone démantèlement centrale nucléaire
- Cout démantèlement centrale nucléaire
- Combien d'argent provisionné pour démantèlement centrale nucléaire
- Cout traitement déchets nucléaires
- Cout transport déchets nucléaires
- Cout construction pour enfouissement déchets nucléaires
- Empreinte carbone traitement, transport, enfouissement déchets nucléaires
- Cout assurance sur risques accidents des centrales nucléaires
- Cout achat des gouvernements pour envois des déchets nucléaires (en Oural par exemple) ou pour le pillage de l'uranium au Niger
- Calcul du cout de l'électricité nucléaire avec toutes les dépenses citées plus haut prises en compte
- Calcul de l'empreinte carbone totale avec toutes les étapes citées plus haut
- Calcul comparatif avec les couts des énergies renouvelables, aujourd'hui, sur 5 ans et sur 10 ans, en tenant compte de la baisse constante du cout de production du PV
Je vous remercie par avance de votre réponse, j'aimerais me faire un avis sur la question des énergies et de l'amélioration de notre climat, en ayant les informations complètes des couts de chaque filière.
Cordialement,
Rédigé par : Energies Libres | 07 février 2011 à 13h09
Bonjour énergies libres
La plupart de ces réponses dont disponibles sur notre site.
Je résume: SLC à bien étudié ces aspects.
Même du certaines réponses sont complexes, rien ne justifie la sortie du nucleaire en France.
J'ai attendu deux ans pour pouvoir vous répondre: regardez les résultats de la sortie du nucleaire en Allemagne !!!!
Stephan
Rédigé par : Stephan | 22 octobre 2013 à 17h26