Sous la pression des « Verts » il est devenu populaire, de s’engager à réduire la part du nucléaire, quand ce n’est pas d’en sortir à terme. François Hollande propose, par exemple, de ramener cette part à 50% d’ici 2025. Une telle proposition est-elle réaliste, alors que l’engagement de diviser par 4 les émissions de CO2 d’ici 2050 nécessite de les réduire d’au moins 30 % d’ici 2025 ?
« Sauvons le Climat » a étudié différents scénarios qui pourraient permettre d’atteindre cet objectif en faisant varier les émissions de CO2 et le niveau de la consommation d’électricité. Le détail de ces scénarios est accessible sur le site de Sauvons le Climat : http://www.sauvonsleclimat.org/production-denergie/energies-renouvelables-sporadiques/analyse-critique-de-la-proposition-de-reduire-la-part-du-nucleaire-a-50-du-mix-electrique-en-2025.html.
Nous en résumons les principaux résultats :
- Dans l’option dite « fossile » on suppose, sans réduction de la consommation que les réacteurs sont remplacés par des centrales à gaz. Les besoins en gaz augmentent de 50% et les émissions de CO2 augmentent de 45 Mt, soit 13% des émissions totales actuelles.
- Dans l’option « renouvelables » on suppose, toujours sans réduire la consommation, que la production par l’éolien et le solaire est poussée au maximum compatible avec la stabilité du réseau. La production éolienne atteint 65 TWh pour une puissance de 30 GW (supérieure à l’objectif du Grenelle) et la production photovoltaïque 5 TWh pour une puissance de 6,3 GW. Dans ces conditions, la part du nucléaire passe à 67%. Il apparait clairement que la production renouvelable ne peut, à elle seule, ramener la part du nucléaire à 50%
- Dans l’option « d’austérité électrique » on allie un maximum de contribution des énergies renouvelables intermittentes à une réduction de la consommation. Pour atteindre une part de 50% du nucléaire la consommation d’électricité doit être divisée par 2 d’ici 2025 !
- Dans l’option « gaz » la contribution des ENR est maximisée, la part du nucléaire est divisée par deux et le complément est apporté par des centrales à gaz. Les besoins en gaz augmentent de 14 Mtep, et les émissions totales de CO2 de 8%
Il est clair qu’au regard des impératifs économiques ou climatiques aucune de ces solutions n’est acceptable.
Une option impliquant le maintien du nucléaire à son niveau actuel et une augmentation de l’ordre de 33 % de la production électrique par des centrales à gaz, combinée à un accroissement parallèle de la part de la production de chaleur par l’électricité a finalement retenu l’attention de « Sauvons le Climat ». Cette option n’entraine en effet pas d’augmentation des rejets de CO2, ce qui peut paraître paradoxal !
Cette proposition trouve toute sa pertinence si l’on sait que les performances des centrales à cycle combiné (CCG) sont devenues telles que les consommations en énergie primaire des appareils de chauffage électriques reliés à de telles centrales sont équivalentes à celles des appareils de chauffage brulant directement du gaz ou du fuel.
Les avantages de cette proposition (détaillée sur le site) sont nombreux :
- Le développement de la part de l’électricité produite par des centrales à gaz, dont la production peut varier très rapidement, permettra de mieux répondre à la fois aux demandes de pointes de production et aux aléas qu’impliquent les ENR, sans avoir à investir des sommes considérables dans les réseaux.
- La centralisation de la consommation du gaz permettra, dès lors que les technologies de captage stockage seront au point, d’éliminer une bonne par des rejets de CO2, ce qui est impossible avec des chaudières individuelles.
- La relative modestie des investissements nécessités par l’installation de centrales à gaz autorisera leur remplacement dès lors que d’autres technologies plus performantes apparaîtront ou si l’augmentation des prix du gaz se concrétise.
Bien entendu, l'augmentation de la part du chauffage électrique proposée ici ne dispense pas de rechercher l'efficacité énergétique par une politique d'isolation des bâtiments et le développement des pompes à chaleur.
Cependant cette proposition ne permet pas de réduire les émissions actuelles de CO2 pour atteindre l’objectif de leur réduction par un facteur 4 en 2050, objectif que seul, aujourd'hui, le scénario Negatep1, mis au point par Sauvons le Climat, permet d’atteindre de façon économiquement viable, sans dommage social et sans altération de notre mode de vie.
Cette proposition ne peut donc être considérée que comme transitoire avant que d’autres techniques de production d’électricité, décarbonées et économiquement acceptables, aient pu être mises en oeuvre pour remplacer les centrales à gaz.
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1Pour diviser par quatre les rejets de CO2 dus à l’énergie, le scénario Negatep est basé sur trois orientations majeures :
- quasi stabilisation de la consommation d’énergie finale alors que, selon la tendance des dix dernières années, elle augmenterait de près de 1 % par an
- forte réduction de l’usage des combustibles fossiles, dans le résidentiel et le tertiaire, les transports et l’industrie ;
- augmentation de la part de l’électricité dans le mix énergétique, avec maintien de la part de l’énergie nucléaire et contribution des énergies renouvelables, sans appel aux centrales à gaz
La question de la "compatibilité" nucléaire / renouvelable est un point malheureusement peu étudié/compris.
D'un coté, les partisans du renouvelable ont très majoritairement fait leur choix, le complément sera le gaz, quitte à ce que l'effet total sur la réduction des émissions de CO2 soit très limité. En effet en l'absence de solution de stockage, on ne peut pas dépasser dans le meilleur des scénarios, 15/20% de la production totale en renouvelables fatals (l'hydraulique et la biomasse peuvent aller jusqu'à 100% eux, mais il n'y a pas assez de ressource).
De l'autre, les partisans éclairés du nucléaire savent qu'il n'y a pas vraiment d’incompatibilité technique, mais plutôt une incompatibilité économique. Bien qu'on puisse parfaitement faire nucléaire+renouvelable le gain sera uniquement de pouvoir de temps en temps réduire la production de la centrale, ce qui économiquement n'apporte pratiquement rien puisque le coût d'une centrale nucléaire est presque entièrement indépendant du niveau de puissance réglé.
Ceci dit, ça mérite d'être creusé. Le fait que dans un pays comme l'Allemagne la pointe de consommation se produit essentiellement à midi, signifie qu'elle est relativement bien corrélée avec la production solaire, et donc que le solaire peut permettre de réduire en partie le besoin de moyen de pointe, utilisé uniquement à ces moments spécifique. Sachant que le nucléaire est assez mal adapté économiquement à la production de pointe ; de nouveau techniquement on sait le faire, EDF le fait avec la production par pallier, mais il faut installer plus de centrales que le besoin réel et ne pas les utiliser à fond, ça augmente significativement le coût.
En fait le cocktail idéal, c'est environ 70% nucléaire+30%(hydraulique+biomasse), et celui français ressemble beaucoup à cela. Sachant que quand on a pas assez de ressources disponibles pour faire ces 30% d'hydraulique+biomasse, la solution économiquement raisonnable reste la surcapacité nucléaire qui coûte certes de l'argent, mais pas tant que cela quand on voit que les alternatives manquent cruellement.
Rédigé par : jmdesp | 26 mars 2012 à 13h51
À noter que le bilan prévisionnel 2012 de RTE arrive à une conclusion qui ressemble à la vôtre, même si ce n'est pas dans les mêmes proportions. Le scénario "nouveau mix" qui reprend grosso modo les orientations du candidat Hollande est celui qui a les émissions les plus élevées, alors même que la production est basse. Le bilan prévoit 30Mt/an de CO2 dans ce mix alors que le scénario haute consommation prévoit 24Mt/an. Et c'est encore pire si les 50% de nucléaire sont réalisés en 2025 avec 40Mt/an.
Et RTE dit aussi qu'il faut payer pour renforcer le réseau dans le cas du nouveau mix. Bref, on consommerait autant d'électricité, on émettrait + de CO2 et on paierait plus cher. Pas sûr que ce soit une proposition attirante.
Rédigé par : Proteos | 06 septembre 2012 à 23h51