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Résumé français de l’article de Nature
Nature - Vol 454 - 14 août 2008
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La production annuelle d’électricité à l’échelle mondiale est de 18.000 TWh [1], 40% de l’énergie utilisée par l’homme, et génère 10 gigatonnes de dioxyde de carbone.
Peut-on produire suffisamment d’électricité sans émission de gaz carbonique ? Un article paru dans la revue Nature le 13 août 2008 fait le point sur les sources d’électricité non émettrices de CO2, utilisables dans l’état actuel de la technologie ou dans un avenir proche. SLC vous en présente le résumé et donne sa propre évaluation en italique sous chaque section.
[1] Les puissances sont exprimées en watts (W)
et leurs multiples : kilowatt (kW), 1kW =1000 W » un sèche-cheveux ;
mégawatt (MW), 1MW = 1000 kW = 1million de W » entre un petit train et
une voiture F1 ; gigawatt (GW), 1 GW = 1000 MW = 1 milliard de watts »
un très gros barrage hydraulique ; térawatt (TW), 1TW = 1000 GW =
1million de MW = 1012 W » titanesque ; 40-50 TW » chaleur planétaire
dissipée par l'écorce terrestre (origine: accrétion planétaire +
désintégrations radioactives), 100 000 TW » puissance du soleil
irradiant la Terre...Une puissance de 1 GW fonctionnant 100% du temps
produit 8,76 TWh
Les énergies s’expriment en wattheures (Wh) et ses multiples kilowattheure (kWh), mégawattheure (MWh)…
Observations SLC
L’importance de la contribution de la production d’électricité aux
émissions de CO2 soulignée par « Nature » conforte nos analyses et
contredisent les allégations des organisations antinucléaires, basées
sur l’argumentation erronée de feu le groupe « facteur 4 » qui était
présidé par Christian De Boissieux
Seront traités dans cette note les sujets suivants:
- Hydroélectricité
- Fission nucléaire
- Biomasse
- Eolien
- Géothermie
- Solaire
- Océans
- Récapitulation
Merci aux commentateurs éventuels de bien vouloir préciser en début de contribution à quelle partie de l'article s'adresse leurs objections, leurs contributions, ou leurs demandes de complément d'information.
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Hydroélectricité
Mise en oeuvre dans 160 pays avec 45.000 grands barrages, l’hydroélectricité totalise une puissance installée de 800 GW et un taux de production de 40% environ [2]. Le Giga-Watt installé revient de 1 à 5 millions de dollars. N’utilisant aucun combustible, les frais de fonctionnement sont très réduits. La réponse à la demande d’électricité est immédiate. L’énergie produite en excès par ailleurs peut être stockée en pompant l’eau pour remplir les barrages.
Utilisable seulement dans certaines régions, la mise en œuvre de l’hydroélectricité implique des délais de construction importants et apporte des nuisances non négligeables : surfaces ennoyées avec déplacement des populations ; piégeage des matériaux transportés par le cours d’eau qui comblent peu à peu le lac de barrage, et dont la fermentation peut émette du méthane (puissant gaz à effet de serre) ; entrave aux migrations des poissons. Si l’ensemble des écoulements à la surface du globe représente 10 TW, seuls 30 à 50% pourraient être exploitables. On peut raisonnablement voir la puissance installée d’hydroélectricité croître de 1 TW dans les décennies à venir (le barrage chinois des 3 gorges représente 12 GW, et 120 GW sont actuellement en développement).
[2] Valeur extraite de la plaquette « Key world energy statistics » de l’AIE. Puissance installée : 836 GW, Energie fournie : 2994 TWh
Observations SLC
Il est regrettable que Nature ne donne pas de tableau récapitulatif des données économiques et techniques des moyens de production. Nous essayons de pallier cette carence.
Cliquez sur ces tableaux, pour obtenir si besoin est des vues agrandies dans des fenêtres séparées
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Fission nucléaire
Forte de 439 réacteurs en service avec une puissance installée de 370 GW produisant à 90%, la fission nucléaire produit 15% de l’électricité mondiale. 35 réacteurs étaient en construction en 2007, essentiellement en Asie. Bénéficiant d’une recherche amont très importante, la fission a un coût de production très bas de 0.025 à 0.07 $/kWh, grâce à un coût du combustible faible et une grande longévité des installations. L’essentiel du coût venant de l’installation, ceci en fait un investissement peu attractif car peu rentable à court terme. Le nucléaire a bénéficié, dans sa mise au point, de forts investissements de recherche publique. Le nucléaire est parfaitement adapté à une production électrique en base.
L’uranium est très réparti à la surface du globe ce qui est un gage de sécurité d’approvisionnement. Les réserves connues d’uranium à un prix inférieur à 130$ par kg peuvent alimenter 80 ans de fonctionnement de centrales au rythme actuel d’utilisation ; on peut envisager de mobiliser 35 millions de tonnes pour un prix encore raisonnable. Les surgénérateurs permettent de tirer 60 fois plus d’énergie par tonne d’uranium. En outre le thorium peut aussi être utilisé pour l’électronucléaire. Dans ces conditions le nucléaire pourrait suffire à fournir toute l’énergie dont le monde a besoin. La rentabilité économique de ces options reste à démontrer.
Le nucléaire souffre d’une image de marque dégradée par les accidents de Three Mile Island [3] et de Tchernobyl et par la polémique sur la gestion des déchets, un problème plus politique que technique, et par les risques potentiels de prolifération de l’arme nucléaire et d’attentats terroristes. Si le nucléaire est accepté par les populations, la puissance installée pourrait atteindre le TW en 2050, et même, selon la Commission Européenne, 1,7 TW, mais un frein à son développement est le manque de personnel suffisamment qualifié.
Observations SLC
L’analyse du coût du nucléaire est superficielle Le coût de l’investissement n’est même pas mentionné. En se référant aux données de l’EPR finlandais on peut estimer un coût de l’ordre de 3M$/MW. Un tel coût ramené à la production annuelle donne un coût d’investissement du nucléaire inférieur à celui des énergies renouvelables à l’exception de la biomasse.
S’il est vrai que le nucléaire a été développé grâce à la volonté et l’argent public il faut rappeler que cet investissement a été extraordinairement rentable. Ainsi le budget du CEA réservé à la recherche en 2005 sur le nucléaire était de l’ordre de 350 M€ dont 200 M€ de subvention publique. Ce chiffre est à rapproché de celui de la production des centrales nucléaires, soit environ 15000 M€/an. On peut aussi rapprocher ces 200 M€ de la politique d’obligation d’achat de l’éolien. Pour une production éolienne de 8 TWh (équivalente à celle d’un réacteur de 1 GW) le surplus payé aux producteurs vaut environ 400 M€.
Nature insiste sur l’intérêt potentiel de la surgénération qui permettrait de résoudre entièrement le problème énergétique, à condition que la rentabilité économique en soit prouvée. « Sauvons le Climat » considère que la faisabilité technique des réacteurs surgénérateurs refroidis au Sodium est démontrée. A cet égard on doit souligner la stupidité de la décision d’avoir arrêté Super Phenix alors qu’il fonctionnait correctement. Le réacteur Phénix fonctionne très bien depuis 1973 alors même que les dépenses d’entretien ont été réduites à la portion congrue. La Russie et le Japon poursuivent et développent leurs programmes sur ces réacteurs tandis que l’Inde et la Chine s’y lancent avec détermination. Le réacteur rapide européen qui aurait dû prendre la succession de Super Phénix laissait prévoir un supplément de prix de 50% par rapport aux réacteurs REP, soit environ 0,05 $/kWh.
Il est intéressant de voir que Nature considère que la question de la gestion de déchets nucléaires est plus politique que technique, ce qui correspond à notre propre analyse.
Comme Nature, SLC considère que le problème capital du nucléaire est celui de son acceptation sociale. Ajoutons que nous pensons que les difficultés que rencontrent celle-ci sont liés, d’une part, à une propagande ne reculant devant aucun mensonge des organisations antinucléaires, propagande exaltant des peurs fantasmatiques dans le public, d’autre part à un étrange silence des autorités qui continuent à croire que le silence est la meilleure réponse aux outrances.
L’autre point soulevé par Nature est celui de la disponibilité d’une main d’œuvre qualifiée. C’est un problème sérieux, en particulier en France. Il est intimement lié à la faible attraction des études scientifiques et techniques. Le Chine, l’Inde, la Russie et les USA ne semblent pas souffrir de ce syndrome. Il faut tout fois rappeler que la France a réalisé la presque totalité de son parc de 60 réacteurs en un peu plus de 25 ans( de 1973 à 2000) et les USA également (109 réacteurs de 1965 à 1990). Pourquoi un effort comparable, atteignant un taux de mise sur réseau de 1 réacteur pour 10 millions d’habitant et par an en France serait il devenu impossible ? Avec un tel taux les seuls pays de l’OCDE pourraient réaliser 5 TW en 50 ans. Certains scénarios (par exemple ceux de P.R.Bauquis et ceux du LPSC de Grenoble) envisagent effectivement un parc nucléaire de 5 à 7 TW en 2050 et montrent qu’un tel objectif est physiquement et économiquement réalisable si la volonté politique est présente.
[3] Rappelons que l’accident de Three Mile Island n’a fait aucune victime (0 mort, 0 blessé).
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Biomasse
Source d’énergie historique de l'humanité, la biomasse (bois, résidus de culture) demande une utilisation des sols qui complète ou rentre en concurrence avec leur usage agricole alimentaire. Elle reste juste derrière les combustibles fossiles dans la consommation mondiale d’énergie (essentiellement bois de chauffe), et aiguise désormais l'appétit les producteurs d'électricité… et d' agro-carburants liquides. Sa composition chimique en fait un produit de choix pour la production de carburants transportables, ce qui n'est pas l'utilisation énergétique optimale mais génère un produit à forte valeur ajoutée. On peut aussi utiliser la biomasse pour produire de l’électricité, avec des centrales en principe peu différentes de celles brûlant des combustibles fossiles. La production d'énergie par la biomasse est nécessairement peu intense et demande des surfaces importantes, car elle repose sur la photosynthèse des végétaux qui est un mécanisme peu efficace de conversion de l'énergie solaire. Minimiser les frais de transports du combustible implique en pratique des unités localisées et assez réduites, donc un investissement plus lourd. Les unités de cogénération (électricité + chaleur domestique) maximisent l'extraction d'énergie de la biomasse, et amènent à un coût du kWh de 0.02 à 0.09 $, installation comprise. Particularité unique, si on lui associe la capture et la séquestration (géologique ou biochimique) du carbone produit, la biomasse peut devenir une source d’électricité à production négative de CO2; ceci demande toutefois d'accepter un rendement énergétique moindre et un surcoût économique sensible (comme pour le charbon).
Les problèmes d'une utilisation accrue de la biomasse commencent avec la compétition avec l’agriculture vivrière –les deux types d’utilisation des sols risquant par ailleurs de pâtir du réchauffement climatique. De plus, la mise en culture de surfaces encore inexploitées implique un déstockage initial massif du carbone fixé dans le bois et les sols; ceci aggravera l'évolution climatique Enfin, les sols privés des résidus agricoles risquent de s'appauvrir, rendant problématique une utilisation durable.
Les auteurs citent une estimation de production de 3 à 5 TW, si on décidait d’investir massivement dans la production d’électricité par combustion de la biomasse d’ici 2050.
Observations de SLC
Suivre les propositions de l’OCDE et du GIECC citées par Nature conduirait à une augmentation considérable de la mise en exploitation de la biosphère. Actuellement, sur une production énergétique annuelle totale de la biosphère de 70 Gtep, l’humanité utilise un peu plus de 2 Gtep pour se nourrir, 0,4 Gtep pour la réalisation de matériaux de construction et 1,3 Gtep (dont 1,1 dans les PVD sous forme de bois de feu) pour ses besoins énergétiques, soit un total utilisé par l’homme de 3,8 tep. Dans l’hypothèse de l’OCDE le prélèvement supplémentaire atteindrait 6 Gtep. Dans le cas du GIECC ce serait 10 Gtep. Autrement dit notre prélèvement passerait de 6 à 20% de la production énergétique de la biomasse. Est-ce raisonnable ? Les conséquences environnementales en terme de biodiversité, de déforestation possible sont elles acceptables ?
Si Nature souligne à juste titre les problèmes de compétition entre utilisations alimentaire, de production d’agri-carburants et de production de chaleur et d’électricité il nous semble qu’elle n’insiste pas suffisamment sur certains aspects environnementaux très préoccupants d’un développement considérable des utilisations non alimentaires de la biomasse :
1. La combustion contribue à la pollution atmosphérique par l'émission de particules (HAP), qui ont peu d'effet sur le climat mais un impact très négatif sur la santé.
2. Risques accrus de déforestation si la production et la vente du bois sont sources de profits importants
3. Certaines pratiques agricoles sont lourdement émettrices de gaz à effet de serre. Pour le CO2, il s'agit surtout de la production d'engrais, pour le méthane, des processus de fermentation, et pour le NO2, d'une dégradation des engrais azotés. Le bilan écologique de l'utilisation de la biomasse n'est donc pas nécessairement positif.
4. Une extension considérable de l’agro-business représente une lourde menace pour la préservation de la biodiversité.
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Éolien
En croissance très rapide du fait des subventions (+ 25% par an sur les 5 dernières années, les fabricants d’éoliennes ont peine à suivre), l’éolien avait 94GW installés en janvier 2008, mais avec un taux de production de 20%. Le coût d’installation est de 1,8 millions de dollars par MW sur le continent et 2,4 à 3 millions de dollars offshore, ce qui donne un coût de 0,05 à 0,09$/kWh. La capacité mondiale est de 72TW si 2,5 millions de grandes éoliennes sont installées sur 13% des sites, ceux où le vent souffle régulièrement à plus de 25km/h. Car les éoliennes dépendent du vent dont l’intermittence est le problème majeur de cette source d’énergie. De ce fait, la conduite des réseaux électriques deviendrait très difficile si la capacité d’électricité d’origine éolienne dépassait les 20% de la capacité totale. Les bons sites très ventés sont généralement éloignés des zones d’utilisation du courant et la densité d’énergie au m2 de sol est faible. Une grande utilisation d’énergie éolienne ne serait pas sans conséquences sur le régime des vents et donc sur le climat. Si on procède à une implantation massive d’éoliennes dans les grandes plaines de Chine et des Etats-Unis, la capacité de production pourrait atteindre le TW.
Observations de SLC
SLC constate que Nature partage son analyse concernant les limitations dues à l’intermittence et à la difficile prédictabilité de l’éolien : 20% de la puissance installée et un taux de disponibilité (facteur de charge )inférieur à 30%, soit une contribution à la production d’électricité limitée à 6% environ (SLC avait même porté cette limite à 9%).
L’investissement par MWh produit est notablement supérieur pour l’éolien à celui pour le nucléaire ou l’hydraulique.
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Géothermie
Le flux d’énergie de l’intérieur de la terre vers la surface est faible ; l’énergie géothermique n’est utilisable que dans des régions disposants de sources chaudes. Seuls 5 pays produisent plus de 15% de leur électricité par géothermie. Très variable selon les conditions locales, le coût peut descendre à 0,05 $/kWh. Le taux de production est de 75% ; la géothermie est bien adaptée à la production d’électricité en base; la chaleur résiduelle est utilisable pour du chauffage. Avec les technologies actuelles, on pourrait exploiter 70GW. Il pourrait être possible d’atteindre le TW avec des améliorations très importantes utilisant l’injection d’eau dans des forages sophistiqués qui bénéficieraient de l’expérience des pétroliers. Mais de telles installations risquent de faire partir dans l’atmosphère du CO2 du sous-sol et de polluer les aquifères.
Observations de SLC
SLC partage l’analyse de Nature. Une capacité de production de 1 TW paraît assez utopique.
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Solaire
Pour la production d’électricité, l'énergie solaire peut être utilisé par un procédé soit thermodynamique, soit photovoltaïque, le mode principal. La puissance solaire est très grande. Les rendements actuels sont largement supérieurs a ceux de la photosynthèse (10% de la surface du Sahara fourniraient l'équivalent de la consommation électrique mondiale) et s'améliorent encore,. Mais c’est une énergie très intermittente, du fait des nuits, mais aussi des nuages, et dont le rendement à la surface du globe décroît rapidement quand on s’éloigne des zones tropicales. Le coût est de 0,25 à 0,4 $/kWh en photovoltaïque et 0,17 $/kWh en thermique. Le solaire thermodynamique peut aussi être utilisé là où il n’y a pas de réseau électrique. Des installations thermiques stockent l’énergie sous forme de sels fondus, une technologie qui pourrait servir comme stockage d’énergie d’autre origine. Le solaire photovoltaïque peut être un bon candidat pour l’énergie renouvelable du futur si le coût de production des cellules diminue notablement comme on peut l’espérer, et si on développe de nouveaux réseaux électriques à courant continu pour transporter l’électricité depuis les régions désertiques de production vers le pays utilisateurs éloignés. La rareté de certains matériaux entrant dans la fabrication des cellules peut être un frein au développement de cette filière.
Observations de SLC
Comme Nature, SLC pense que la production d’électricité solaire, sans dispositif de stockage et reliée au réseau ne pourra avoir une contribution significative que dans la mesure où elle sera fortement subventionnée. Par contre, nous pensons que Nature ne souligne pas assez l’intérêt du solaire électrique couplé à un stockage par batteries, en absence de réseau. Cette approche nous semble très importante dans de nombreux districts ruraux de PVD.
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Océans
Les océans présentent deux sources d’énergie utilisables : les marées, y compris les courants de marée, qui représentent une puissance totale de 3 TW dont peut-être 1TW serait accessible, et les vagues dont on pourrait peut-être récupérer 1 à 10 TW. En ce qui concerne les marées, peu de sites s’y prêtent vraiment. En service depuis 40 ans, l’usine marémotrice de la Rance reste la plus grande installation de ce type avec ses 240 MW. Le coût d’installation des barrages pour récupérer l’énergie des marées, comparable à celui de l’hydroélectrique fluvial amène à un coût de l’électricité de 0,2 à 0,4 $/kWh, une partie du coût venant des matériaux utilisés qui doivent résister aux conditions marines. Aucune installation à grande échelle ne se profile pour faire baisser ces coûts. Les marées sont parfaitement prédictibles ; les vagues sont variables mais plus prédictibles que le vent. Dans les régions côtières bien adaptées, cette énergie peut être utilisée pour la production d’électricité. Mais à l’échelle mondiale, ceci restera marginal.
Observations de SLC
Nature omet les possibilités offertes par les courants thermiques comme le Gulf Stream au large de la Floride. D’une façon générale, toutefois, il est, effectivement, peu réaliste de penser que l’énergie des mers puisse contribuer très significativement à la production électrique mondiale.
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Récapitulation
Nous récapitulons ci-après les prévisions de puissance et de production d’énergie électrique annuelle qu’on peut tirer de l’article de Nature
Nous retenons les valeurs qui semblent avoir les préférences de Nature:
La production d’électricité non carbonée pourrait donc atteindre plus de 2,5 fois la production totale de 2005, soit une augmentation de 2,5%/an. Il semblerait donc possible de se passer des énergies fossiles pour faire face en grande partie aux besoins.. Nous doutons fortement, toutefois qu’une production de plus de 23.000 TWh puisse être fournie par la biomasse sans dégâts écologiques considérables et avec un bilan CO2 suffisamment bon. Et cela d’autant plus que la concurrence entre la production d’électricité et d’agro carburants sera sans doute sévère.
Il nous semble qu’il serait plus raisonnable de limiter la puissance des centrales électriques utilisant la biomasse à 1 à 1,5 TW. De son
côté la puissance nucléaire pourrait atteindre sans problème majeur, sauf,
éventuellement, son acceptabilité sociale, 2,5 TW.
Nature signale la possibilité d’utiliser la technique de capture-stockage du CO2. Elle souligne la difficulté d’avoir à stocker des milliards de tonnes de CO2 chaque année. Il est clair que des progrès plus rapides sur cette technique changerait profondément la donne.
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Excellent document de travail qui permet d'y voir clair, et qui est accessible au grand nombre tout en demeurant rigoureux: la synthèse n'est pas facile à opérer.
Rédigé par : briot gerard | 02 septembre 2008 à 16h42
A propos de l'hydroélectricité en milieu tropical...
J'ai eu l'opportunité d'étudier dans le cadre de mes activités professionnelles l'impact du lac de Petit Saut en Guyane, qui nous a été "vendu" au nom de la lutte contre l'effet de serre, la totalité du courant provenant auparavant de centrales thermiques.
Ce complexe devait assurer l'autosuffisance énergétique de la Guyane, voire permettre d'exporter de l'énergie. Il a fallu maintenir et même développer les installations préexistantes...
On a noyé 310km2 de forêt primaire, ce qui génère des millions de tonnes de méthane. Il n'y avait pas de solution alternative, le bois étant fort peu exploitable économiquement. de plus, faire venir des centaines d'engins pour le couper et le transporter aurait créé un effet d'entraînement dommageable pour le reste de la forêt, une fois le chantier achevé. En outre, la combustion des branches et parties inutiles aurait généré cendres hautement polluantes, fumées et... CO2
Bref, pour un prix énorme (220.000.000 d'euros pour 100.000 personnes concernées et peu d'activité économique - euphémisme) on a développé une infrastructure polluante, insuffisante, inadaptée.
Dans ces conditions, un miniréacteur du genre de ceux qui équipent les sous-marins ou porte avions n'aurait-il pas été plus adapté?
Rédigé par : Benjamin | 02 septembre 2008 à 20h10
Il est excellent qu'un journal comme Nature, qui est très lu dans les milieux scientifiques, publie un tel article. Il serait encore mieux que les médias s'en fassent l'écho.
Ce qui manque à cet article, c'est une évaluation par régions. En effet, les énergies renouvelables ne sont que peu transportables, et on voit difficilement comment un marché mondial pourrait s'organiser, même pour l'électricité.
D'autre part,il manque une évaluation des bilans énergétiques réels. Car il faut de l'énergie pour mettre en oeuvre les énergies.
Les possibilités de la biomasse me paraissent exagérées. D'autre part,la biomasse me parait pouvoir mieux utilisée à produire de la chaleur que de l'électricité
Les possibilités de la géothermie me paraissent encore très hypothétiques.Il sera difficile d'exploiter la chaleur des roches profondes, parce que les sites vont différer géologiquement:il y en aura peut-être beaucoup moins d'élus que de candidats;
Rédigé par : BMD | 03 septembre 2008 à 17h38
Eolien (et photovoltaïque )
Les conséquences de L'intermittence de l'éolien (et du photovoltaïque) sur la gestion du réseau électrique sont soulignées dans l'article.
Cela a également pour conséquence la mise en place de moyens de production capables d'assurer l'équilibre production/consommation.
Si la part d'intermittence dépasse ce que l'hydraulique est capable de compenser, seuls des moyens carbonés y parviennent.
Il faut donc limiter l'éolien à ce que la production hydraulique de proximité est capable de compenser.
Rédigé par : Alain Duparquet | 04 septembre 2008 à 07h57
A propos du nucléaire, l'article écrit :
"la faisabilité technique des réacteurs surgénérateurs refroidis au Sodium est démontrée." Cela est exact même si superphoenix a aussi montré qu'au delà de la faisabilité, la possibilité de produire de l'électricité d'une façon continue était moins évidente. Par contre, ce qui n'est pas démontré et constitue, probablement le plus important obstacle au développement de cette filière, c'est la sûreté de telles installations.
En effet, le sodium est un métal extrêmement corrosif qui s'enflamme au contact de tout corps contenant de l'eau. Chacun se souvient de l'expérience faite lors de ses cours de chimie du lycée ! Si le confinement avec l'air extérieur venait à être rompu et que les centaines de tonnes de sodium très chaud venaient à s'enflammer, il serait tout aussi impossible d'éteindre ce feu qu'il fut impossible d'éteindre le feu de graphite de Tchernobyl...
Est-ce à dire que la filière des surgénérateurs est vouée à l'abandon ? Pas nécessairement, d'autres solutions sont possibles, en particulier celles faisant appel au plomb comme fluide de refroidissement.
Derrière l'étiquette globalisante "nucléaire" se trouve bien des technologies différentes. Il me semblerait utile de faire le tour de toutes ces filières potentielles, de l'EPR à la "Z machine" en passant par les 6 filières de la génération IV et les réacteurs hybrides.
La France, qui dispose d'un parc suffisant et qui devrait pouvoir être exploité pour une vingtaine d'année encore pourrait, devrait, jouer un rôle pilote en développant la recherche dans ces domaines. Certes il y a déja ITER , mais qui constitue un projet à trés long terme, peut être stérile. D'autres voies sont à explorer, encore faut-il que celle des EPR qui ne sont que la poursuite de la technologie eau pressurisée ne viennent pas absorber tous les crédits et toutes les compétences, au nom d'une rentabilité financière à court terme.
L'EPR risque d'être le "minitel" de demain: une technologie dont la généralisation bloque le progrés.
Rédigé par : Jean-Pierre Gaillet | 04 septembre 2008 à 08h59
A propos du photovoltaïque :
Tout comme pour mon commentaire concernant les énergies nucléaires, il me semble important de parler des diverses filières photovoltaïques.
Il ne faudrait pas faire ce qu'avait fait une récente revue du CEA, consacré à ce sujet, et qui ne traitait que des cellules au silicium et des cellules dites "organiques". Tout simplement parce que c'était les seuls domaines ou des chercheurs du CEA travaillaient
En effet, une nouvelle filière est apparue depuis peu et commence à être exploitée industriellement : celle des couches minces ( tellure de cadmium, diséléniure de cuivre et d'indium) : les résultats actuels permettent la production directe de panneaux d'un mètre carré voir plus, avec des rendement d'environ 10%. le résultat est un coût en euro/W divisé par 2 ou 3 par rapport à la filière "silicium".
Une exposition a lieu en ce moment à Valence, en Espagne, et le responsable de l'expo signe un article dans "La Recherche" de ce mois qui insiste sur le bouleversement que cette technologie va introduire.
Rédigé par : Jean-Pierre Gaillet | 04 septembre 2008 à 09h13
A propos de la géothermie :
Il est vrai que la géothermie utilisée comme "matière première" de la production d'électricité est limitée par des considérations géologiquse. Il est bon toutefois de rappeler que pour notre pays, une petite centrale vient de voir le jour en Alsace et que tout au long du Rhône, des sites potentiels abondent.
Par contre si l'on envisage la géothermie comme moyen de produire de la chaleur pour des usages industriels ou pour le chauffage urbain, les possibilités sont beaucoup plus importantes, notamment dans le bassin parisien. Plusieurs communes (dont la mienne ) utilisent des puits pour alimenter le chauffage d'immeubles collectifs. Cette possibilité est loin d'être exploitée à 100%. Encore faut-il que les gestionnaires d'immeubles ne raisonnent pas à partir des seuls critères de rentabilité financière à court terme : Un chaudière à gaz coûte moins cher qu'un forage et ce sont les locataires qui paient le gaz !
Rédigé par : Jean-Pierre Gaillet | 04 septembre 2008 à 09h23
@Jean-Pierre Gaillet,
A ce que je crois savoir, le facteur de charge moyen du photovoltaïque en France est-à-peine supérieur à 10 %, soit moins que celui de l'éolien. Il fluctue par contre beaucoup moins rapidement. Est-il nécessaire dans son cas de le régulariser avec des turbines à gaz, comme l'éolien, ou peut-on utiliser d'autre types de centrales, hors hydraulique? Il me semble que dans le cas du solaire,la recherche porte beaucoup trop sur l'amélioration du rendement, et pas assez sur sa régularisation, qui reste un point de blocage.
Rédigé par : BMD | 04 septembre 2008 à 10h02
Cette synthèse très riche en information met le poids sur les aspects techniques et économiques. Sans que soit négligé l'aspect humain / médiatique, il faudrait le mettre bien plus en valeur. Un exemple : la contradiction écologique des barrages hydrauliques en montagne, utiles du point de vue énergétique mais modifiant l'aspect paysager et l'équilibre écologique local (voir aussi la contribution de Benjamin sur le barrage en Guyane).
L'impact le plus fort de l'opinion publique concerne bien sûr le nucléaire. Je me rappelle très bien, gamin dans les années 1950 qui ai vu l'exposition "Atoms for Peace", qu'il y avait un enthousiasme assez général pour les bienfaits de l'énergie "atomique" allant jusqu'à proposer des cuisinières atomiques ! Ceci a beaucoup changé depuis.
Une raison de fond est le danger "occulte" de la radioactivité : elle ne fait pas tousser, elle n'irrite pas les yeux et pourtant elle peut tuer (comme le monoxyde de carbone, d'ailleurs). Et malheureusement, le nucléaire a tué à Hiroshima et Nagasaki. Dans cette situation, il aurait fallu toujours communiquer clairement, avec toute la transparence nécessaire, pour que le grand public soit informé. Malheureusement, l'armement et l'industrie nucléaires n'ont pas joué ce jeu mais ont souvent, bien trop souvent, caché des évènements dangereux ; évènements qui d'ailleurs n'étaient pas d'un ordre de grandeur plus dangereux que d'autres évènements causés par l'homme. Je ne saurais le chiffrer, mais je pense que même l'accident de Tchernobyl est du même ordre de grandeur en pertes humaines que les accidents miniers et la mort due à la pollution par le charbon. Et ces "cachotteries" ont été faites lors de pollutions radioactives en Europe (France, Grande-Bretagne....) comme aux Etats-Unis et en URSS. Une fois sorties de leur cachette (et ceci arrive inévitablement un jour ou l'autre, même si c'est des lustres plus tard comme les pollutions sur les sites militaires américains), ces cachotteries induisent une méfiance violente chez le public et ceci est, à mon avis, une raison majeure pour le rejet du nucléaire. Même les deux derniers évènements de pollution mineure à Tricastin et en Belgique auraient dû être traités plus rapidement et pas avec quelques jours de délai. Le secret, les hésitations, les retards de communciation sont l'ennemi numéro un du nucléaire !
Et dans cette situation, il est très difficile d'avoir des avis vraiment objectifs - les opinions se sont trop polarisées entre pro- et antinucléaires. Il faudra faire un effort d'information très important dans les médias et auprès des décideurs politiques, en développant les aspects positifs et négatifs et en expliquant le rôle délétère des couacs du passé.
Rédigé par : Dieter Gold | 04 septembre 2008 à 10h08
@Dieter Gold,
Le manque de transparence sur le nucléaire a un rôle dans la méfiance du public, mais il faut remarquer que dans le cas du charbon,la méfiance n'a pas à s'exercer parce qu'il n'y a pas d'informations du tout!
Vous vous interrogez sur la comparaison Tchernobyl Charbon. Côté Tchernobyl, les estimations varient de quelques centaines à quelques centaines de milliers de morts,beaucoup plus en fonction de convictions que d'analyses étayées.Mais les valeurs les plus élevées ciculent sans arrêt en boucle sur Internet et dans les médias. En ce qui concerne le charbon, les estimations ne sont pas non plus très faciles à faire. Comme pour Tchernobyl, il y a les dommages de manière évidente liés au charbon, accidents, silicose etc.Pour les accidents,les estimations varient de 5000 à 20000 par an, dont la moitié en Chine. Pour la silicose et autres maladies professionnelles, cela représente sans doute 10 fois plus. Mais il faut ajouter la mortalité due à la pollution atmosphérique créée par les centrales à charbon. Des estimations publiées par The Lancet indiquent de l'ordre de 30 morts par TWh électrique pour l'Europe.L'extrapolation à l'échelle mondiale donne environ 250 000 morts par an. L'ensemble de toutes ces causes donne donc de l'ordre de 400 à 500 000 morts par an, soit en une seule année l'équivalent des valeurs les plus délirantes citées pour Tchernobyl.
Si l'on prend le cas de l'Allemagne,la mortalité due au charbon est probablement de l'ordre de 10 000 par an, soit plus en une seule journée que la mortalité totale supposée des centrales nucléaires depuis leur construction. Et il est significatif que l'on s'y préoccupe des leucémies soi-disant provoquées chez les enfants par les centrales nucléaires, mais jamais des maladies provoquées chez ces mêmes enfants par les centrales à charbon!
Et il y a bien sûr le problème de la radioactivité émises par les centrales à charbon, dont les médias ne parlent pas non plus.
Il n'y a donc une très grande opacité en ce qui concerne le charbon, et cela beaucoup plus en Europe qu'aux Etats-Unis, où çà commence à remuer.Pourquoi?
Rédigé par : BMD | 04 septembre 2008 à 12h43