Un article de Jacques Treiner, Président de Sauvons le Climat Ile de France, paru le 31 aout dans « Libération ».
Dans un Rebonds du 7 août, Denis Beaupin conteste les positions de Claude Allègre (Libération du 17 juillet), et, sur la question de l’énergie, réaffirme les conceptions majoritaires dans beaucoup de mouvements écologistes (mais pas dans tous, comme on va le voir) : non à l’énergie nucléaire, non à l’enfouissement du CO2, oui aux renouvelables, oui à la décroissance de notre empreinte écologique. Prendre au sérieux les conséquences du réchauffement climatique - ce que ne fait certes pas l’ancien ministre - c’est proposer un scénario quantitatif global qui, partant de la structure actuelle de la consommation énergétique et en respectant l’impératif de fournir de quoi faire fonctionner la société dans son ensemble à un moment donné, aboutisse à terme à une économie non émettrice de gaz à effet de serre (GES). Or, les propositions de Denis Beaupin ne remplissent pas, et de loin, cette exigence. Voyons pourquoi.
La consommation d’énergie primaire de l’humanité se décompose en environ 78 % de fossiles, 6 % de nucléaire, 6 % d’hydroélectricité et 10 % de biomasse, l’éolien et le solaire quelques dixièmes de pour cent. Prenons le cas d’une technologie parvenue à maturité : l’éolien. Les 121 GW (gigawatts) de puissance installée dans le monde ne produisent de l’énergie que le quart du temps (pas de production si pas assez ou trop de vent). Les taux de croissance de l’éolien sont très importants, mais même dans les pays comme l’Allemagne, le Danemark ou l’Espagne, où cette technologie est beaucoup plus développée que la moyenne mondiale, la puissance actuelle ne correspond qu’à une ampoule de 100 W par personne sur l’année. La Wind Energy Association envisage pour l’Europe une puissance installée de 300 GW en 2030, soit 4,6 fois plus qu’aujourd’hui. Pour le photovoltaïque ou la géothermie, l’ordre de grandeur est encore plus petit.
Cette estimation, pourtant haute, montre qu’on sera loin de remplacer ainsi les combustibles fossiles. Le problème majeur des «nouveaux renouvelables», solaire et éolien, est l’intermittence. Si une unité ne fonctionne que le quart du temps à sa puissance nominale, les trois autres quarts doivent être fournis par une autre source. Le Danemark, où 17 % de l’énergie primaire est d’origine éolienne, est le premier émetteur de CO2par habitant en Europe, car cet éolien est couplé, pour assurer la continuité de la fourniture d’électricité, à des sources fossiles. En Allemagne, la puissance éolienne prévue en 2020 ne fournira pas plus d’énergie que celle de deux centrales nucléaires.
L’image bucolique de la maison particulière, alimentée
par quelques panneaux solaires et une éolienne dans le fond du jardin, est
sympathique, mais elle rend aveugle à la dimension du problème global. Il suffit de considérer un projet comme le parc off-shore des Deux Iles
(Yeu-Noirmoutier), qui avec 120 éoliennes réparties sur 70 km2,
fournira en énergie l’équivalent d’environ un huitième d’une centrale nucléaire
(pour un coût du kWh trois fois supérieur…). Conclusion : dans l’avenir
prévisible, les nouveaux renouvelables ne pourront donc être que subsidiaires.
Nécessaires, indispensables, mais subsidiaires. N’oublions pas que la
population mondiale sera d’environ 9 milliards d’individus en 2050 et que
la demande mondiale d’énergie aura doublé.
Un tiers des
émissions de gaz carbonique vient de la production d’électricité par des
combustibles fossiles. On ne peut éviter que ceux-ci soient dominants pendant
encore longtemps (la Chine a construit ces dernières années l’équivalent d’une
centrale à charbon de 1 GW chaque semaine). Il est donc essentiel
d’équiper les centrales de dispositifs de captage-stockage du CO2,
technique prometteuse même si elle n’a pas encore atteint un stade industriel.
Mais nous disposons d’autres moyens pour produire de l’électricité avec faible
rejet de gaz carbonique : les énergies renouvelables et l’énergie
nucléaire. Certains écologistes, et non
des moindres, ont amorcé des changements d’opinion. Il y a cinq ans, James
Lovelock, l’écologiste britannique créateur de l’hypothèse «Gaïa», lançait un
appel dans The
Independent : «Je suis moi-même écologiste et j’implore mes amis
engagés dans ces mouvements d’abandonner leur opposition butée à l’énergie
nucléaire.» Plus récemment, Patrick Moore,
un des fondateurs de Greenpeace, a lancé «Green spirit» et affirmé devant le
Congrès américain : «L’énergie nucléaire est la seule source d’énergie non émettrice de gaz à
effet de serre qui puisse efficacement remplacer les combustibles fossiles et
satisfaire à la demande globale d’énergie.» En
février, quatre figures emblématiques du mouvement écologique britannique ont
appelé à «reconsidérer
la question de l’énergie nucléaire. Il y a des questions importantes à traiter,
telles que les déchets radioactifs, mais elles ne sont pas aussi préoccupantes
qu’une élévation de 6° C de la température du climat.»
L’énergie
nucléaire est aujourd’hui la seule capable de fournir continûment des quantités
importantes d’électricité. A long terme, cela suppose de développer le nucléaire
dit de «quatrième génération». C’est ce à quoi travaille le Forum Génération IV
(Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Canada, Corée du Sud, Etats-Unis, France,
Japon, Royaume-Uni et Suisse). Toutes les sources d’énergie seront
nécessaires : la plus grande catastrophe d’origine industrielle des temps
modernes, celle de Bhopal en Inde, n’invalide pas plus l’industrie chimique que
Tchernobyl (Ukraine) n’invalide l’industrie nucléaire civile ou que la rupture
d’un barrage n’invalide l’hydroélectricité.
Toutes les
pistes doivent être rationnellement explorées, pour «sortir des GES» : que
les économies d’énergie soient favorisées en priorité ; que plus une seule
centrale électrique à charbon ne fonctionne sans assurer le captage-stockage du
CO2 ; que, partout où cela est possible, les énergies
renouvelables et nucléaire se substituent aux combustibles fossiles ; et
que, tout en promouvant l’efficacité énergétique, l’on utilise une électricité
«non carbonée» partout où elle est substituable aux combustibles fossiles
(transport, habitat, industrie).
La
consommation d’énergie primaire de l’humanité se décompose en environ 78 % de
fossiles, 6 % de nucléaire, 6 % d’hydroélectricité et 10 % de biomasse,
l’éolien et le solaire quelques dixièmes de pour cent. Prenons le cas d’une
technologie parvenue à maturité : l’éolien. Les 121 GW (gigawatts) de puissance
installée dans le monde ne produisent de l’énergie que le quart du temps (pas
de production si pas assez ou trop de vent). Les taux de croissance de l’éolien
sont très importants, mais même dans les pays comme l’Allemagne, le Danemark ou
l’Espagne, où cette technologie est beaucoup plus développée que la moyenne
mondiale, la puissance actuelle ne correspond qu’à une ampoule de 100 W
par personne sur l’année. La Wind Energy Association envisage pour l’Europe une
puissance installée de 300 GW en 2030, soit 4,6 fois plus
qu’aujourd’hui. Pour le photovoltaïque ou la géothermie, l’ordre de grandeur
est encore plus petit.
Cette
estimation, pourtant haute, montre qu’on sera loin de remplacer ainsi les
combustibles fossiles. Le problème majeur des «nouveaux renouvelables», solaire
et éolien, est l’intermittence. Si une unité ne fonctionne que le quart du
temps à sa puissance nominale, les trois autres quarts doivent être fournis par
une autre source. Le Danemark, où 17 % de l’énergie primaire est d’origine éolienne,
est le premier émetteur de CO2par habitant en Europe, car cet éolien
est couplé, pour assurer la continuité de la fourniture d’électricité, à des
sources fossiles. En Allemagne, la puissance éolienne prévue en 2020 ne
fournira pas plus d’énergie que celle de deux centrales nucléaires.
L’image bucolique de la maison particulière, alimentée
par quelques panneaux solaires et une éolienne dans le fond du jardin, est
sympathique, mais elle rend aveugle à la dimension du problème global. Il suffit de considérer un projet comme le parc off-shore des Deux Iles
(Yeu-Noirmoutier), qui avec 120 éoliennes réparties sur 70 km2,
fournira en énergie l’équivalent d’environ un huitième d’une centrale nucléaire
(pour un coût du kWh trois fois supérieur…). Conclusion : dans l’avenir
prévisible, les nouveaux renouvelables ne pourront donc être que subsidiaires.
Nécessaires, indispensables, mais subsidiaires. N’oublions pas que la
population mondiale sera d’environ 9 milliards d’individus en 2050 et que
la demande mondiale d’énergie aura doublé.
Un tiers des
émissions de gaz carbonique vient de la production d’électricité par des
combustibles fossiles. On ne peut éviter que ceux-ci soient dominants pendant
encore longtemps (la Chine a construit ces dernières années l’équivalent d’une
centrale à charbon de 1 GW chaque semaine). Il est donc essentiel
d’équiper les centrales de dispositifs de captage-stockage du CO2,
technique prometteuse même si elle n’a pas encore atteint un stade industriel.
Mais nous disposons d’autres moyens pour produire de l’électricité avec faible
rejet de gaz carbonique : les énergies renouvelables et l’énergie
nucléaire. Certains écologistes, et non
des moindres, ont amorcé des changements d’opinion. Il y a cinq ans, James
Lovelock, l’écologiste britannique créateur de l’hypothèse «Gaïa», lançait un
appel dans The
Independent : «Je suis moi-même écologiste et j’implore mes amis
engagés dans ces mouvements d’abandonner leur opposition butée à l’énergie
nucléaire.» Plus récemment, Patrick Moore,
un des fondateurs de Greenpeace, a lancé «Green spirit» et affirmé devant le
Congrès américain : «L’énergie nucléaire est la seule source d’énergie non émettrice de gaz à
effet de serre qui puisse efficacement remplacer les combustibles fossiles et
satisfaire à la demande globale d’énergie.» En
février, quatre figures emblématiques du mouvement écologique britannique ont
appelé à «reconsidérer
la question de l’énergie nucléaire. Il y a des questions importantes à traiter,
telles que les déchets radioactifs, mais elles ne sont pas aussi préoccupantes
qu’une élévation de 6° C de la température du climat.»
L’énergie
nucléaire est aujourd’hui la seule capable de fournir continûment des quantités
importantes d’électricité. A long terme, cela suppose de développer le nucléaire
dit de «quatrième génération». C’est ce à quoi travaille le Forum Génération IV
(Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Canada, Corée du Sud, Etats-Unis, France,
Japon, Royaume-Uni et Suisse). Toutes les sources d’énergie seront
nécessaires : la plus grande catastrophe d’origine industrielle des temps
modernes, celle de Bhopal en Inde, n’invalide pas plus l’industrie chimique que
Tchernobyl (Ukraine) n’invalide l’industrie nucléaire civile ou que la rupture
d’un barrage n’invalide l’hydroélectricité.
Toutes les
pistes doivent être rationnellement explorées, pour «sortir des GES» : que
les économies d’énergie soient favorisées en priorité ; que plus une seule
centrale électrique à charbon ne fonctionne sans assurer le captage-stockage du
CO2 ; que, partout où cela est possible, les énergies
renouvelables et nucléaire se substituent aux combustibles fossiles ; et
que, tout en promouvant l’efficacité énergétique, l’on utilise une électricité
«non carbonée» partout où elle est substituable aux combustibles fossiles
(transport, habitat, industrie).
Effectivement la tendance en terme de pratique actuelle et à venir est d'utiliser à plein toutes les sources d'énergies disponibles.L'économie d'énergie étant en fait un plus permettant de faire durer cette pleine utilisation.
Jacques Treiner demande de raisonner global ; et il raisonne en terme énergétique ; il doit savoir que posséder plusieurs maisons et un avion privé fait partie du problème et que l'écologie forme un tout ; la manière dont nous utilisons,produisons et consommons l'énergie n'étant qu'un élément certes très révélateur d'un ensemble sociétal global; l'écologie étant l'étude de notre relation au monde et aux autres. Dire : il faut développer ou ne pas développer l'énergie nucléaire , maintient le problème dans une dimension purement technique : ce n'est pas un raisonnement global.
Le raisonnement global n'est pas technique mais politique : il établit un diagnostic sociétal global et en prospective élabore un choix de société durable pour l'avenir.
Et là on met le doigt où ça fait mal parce que ce raisonnement global oblige à observer et critiquer le système dans sa globalité ce qui conduit logiquement à la perception de sa non durabilité (avec ou sans nucléaire) et à l'impérieuse nécessité de s'organiser radicalement autrement ; par exemple supprimer la bourse , la spéculation etc par exemple vider 2/3 des villes de leur population et reconstruire des espaces (modernes ) de vie permettant autonomie alimentaire, énergétique , par exemple ,en premier lieu changer notre régime politique de concurrence et alternance de partis et troquer cette politique de gestion contre une politique de projet etc etc ...inimaginable ! impensable !
Yves Cochet a dit :" il faut penser l'impensable" ..On en est loin!!!Très loin !Quand je vois que même des gens de Sauvons le climat raisonnent de travers! Le président en plus . Désespérant.
Rédigé par : Di Girolamo | 04 septembre 2009 à 22h05
@Di Girolamo, en fait,toute sympathique que soit votre vision de la société future vous semblez oublier complètement la dimension sociétale des "turpitudes" que vous dénoncez. Elles se sont développées au cours du temps, et répondent à des "besoins" des sociétés telles qu'elles fonctionnent.
D'autre part,la contrainte énergétique apparaît dans votre discours comme un paramètre secondaire,irréel, alors que c'est elle qui détermine les possibilités d'action matérielle, et donc d'organisation, aussi bien des sociétés actuelles que de la société que vous décrivez.
Rédigé par : B.Durand | 05 septembre 2009 à 10h27
@B.Durand
Ce qui s'est développé au cours des temps a une cohérence logique et même si cela n'a pas été pensé ,programmé et voté démocratiquement , cette logique constitue un choix politique implicite.
Force est de constater que maintenant cette logique forme un noeud structurant ,un système dont les effets sont désastreux et à y regarder posémment comme un enfant ou un martien en visite , il est très étonnant de voir toute l'énergie déployée (on y reviens à l'énergie) pour répondre à des besoins futiles qui empilés ,démographie oblige, sont intenables dans le temps et en tout cas , pas possible à répartir à l'ensemble des habitants de cette planète ; l'énergie telle qu'elle est actuellement produite et utilisée correspond à une société et cette société n'est pas la norme universelle et on peut en changer ; si le réalisme c'est de faire avec le monde tel qu'il est alors le réalisme est borné ,stupide ; je le soupçonne surtout d'être aveugle ;un aveuglement issu de la position sociale de ceux qui le professe et qui préserve de très près leurs intérêts.
Nucléaire pas nucléaire n'est pas la bonne question et brouille l'esprit ; la bonne question est : quelle société pouvons nous inventer,organiser , pour durer ?
Rédigé par : Di Girolamo | 09 septembre 2009 à 18h38
Bonjour,
* Hydropower Storage May be the Key to Sustainable Energy
Par François Lempérière, Polytechnicien, Expert des énergies vraiment renouvelables
http://www.hydrocoop.org/Hydropower_storage_may_be_the_key_to_sustainable_energy_07.2009_energy.pdf
* Synthèse en français :
Cinq fois plus d’énergie et moins d’effet de serre (avec ou sans nucléaire)
http://www.hydrocoop.org/cinq_fois.doc
* Combien d'éoliennes pour alimenter le monde entier ? Réponse ici :
http://www.electron-economy.org/article-36475104.html
Bien cordialement,
Rédigé par : Olivier - ObjectifTerre | 25 septembre 2009 à 23h42
Contrairement à Di Girolamo je trouve que Jacques Treiner raisonne parfaitement juste. Mais JT est dans le réel. Di Girolamo, lui, fait de la philosophie. Son discours abscons fait l'impasse sur les vrais problèmes.
Un détail à l'attention de JT: l'UE est membre du GIV depuis sa création en 2000. La Chine et la Russie l'ont rejoint en novembre 2006.
Et une remarque sur les vertus écologiques de l'éolien: 1 kWh d'éolien demande 8 fois plus de béton et 12 fois plus d'acier que 1 kWh de nucléaire.
Et une question: saura-t-on "déconstruire" les massifs de béton sur lesquels sont ancrés les mats des éoliennes? Le coût de cette déconstruction est-il inclus dans le coût du kWh éolien? NON.
Bonjour l'écologie éolienne.
JF
Rédigé par : Jacques Frot | 30 septembre 2009 à 21h20