Alors que la situation à Fukushima se stabilise progressivement sans que les évolutions cataclysmiques parfois annoncées se soient produites(1) de nombreux enseignements peuvent commencer à être tirés du drame.
Les retours d’expérience sur la sûreté des réacteurs porteront sans aucun doute sur la résistance aux risques d’inondation, à la possibilité pour les centrales de survivre à la perte des réseaux et des moyens d’accès terrestres ainsi qu’à un traitement amélioré des risques présentés par les piscines. Ce travail sera fait et bien fait par l’ASN, l’IRSN et EDF. Le but à atteindre devrait être d’éviter tout rejet important de radioactivité, même dans le cas d’une fusion du cœur d’un réacteur, de manière à ne pas avoir à procéder à l’évacuation, toujours traumatisante, des populations proches de la centrale.
Il faut aussi tirer des enseignements sur la façon dont, d’une manière générale, la situation a été traitée par les médias.
Nous constatons et regrettons que, sauf exceptions méritoires où l’on donnait la parole à des personnalités véritablement compétentes, l'information a été très peu transparente, souvent manipulée et très rarement éclairante.
Le manque de transparence n’a pas été le fait des autorités japonaises qui ont, aussi bien sur la site de TEPCO que sur le site de l’autorité de sûreté japonaise la NISA(2) fourni un suivi pluri-quotidien de la situation. Contrairement à ce qui a souvent été suggéré, les japonais ne mentent pas, mais ils sont réservés et prudents.
En particulier, ils ne cachent pas les problèmes qu'ils rencontrent, les hautes activités qu'ils mesurent (et qui sont, avant tout, liées au site même et à son environnement immédiat, prouvant que la majeure partie des rejets de radio-éléments a concerné avant tout les bâtiments réacteurs et l'espace du site). Ils ont annoncé les rejets d'eau (faiblement contaminée), qu'ils allaient faire dans le Pacifique et reconnaissent leurs erreurs (par exemple sur la détection d'Iode 134 dans l'eau contaminée).Ils ont avoué la fuite d'eaux très radioactives, qui à partir des bâtiments du réacteur 2 et au travers de fissures dans le béton, fuyaient vers l'océan...Cette fuite a été colmatée.
Il y a une différence majeure dans la manière de traiter cette information de base entre les médias Français et Allemand et les médias Anglo-saxons. Alors que ces derniers livrent les faits à leur auditoire et lecteurs avec ce qu'il faut d'explications pour la compréhension, en France l'information est trop souvent orientée et déformée par des journalistes rarement compétents et souvent de conviction antinucléaire. La volonté d’utiliser les évènements pour remettre en cause la politique nucléaire de la France a été particulièrement marquée sur les chaînes publiques.
La CRIIRAD, organisation militante clairement antinucléaire, aux moyens et publications scientifiques très limités, est ainsi mise sur le même pied que l'IRSN (qui comprend parfaitement ce qui s’est passé et se passe à Fukushima Daiichi). Greenpeace, organisation qui n’a aucune compétence sur l’énergie nucléaire, est également présentée comme un "expert", et les médias lui offrent des tribunes en garantissant ainsi son sérieux.
Si le Retour d'Expérience de la catastrophe de Fukushima sur les réacteurs, et aussi sur la gestion de crise, sera fait, il est beaucoup moins sûr qu'il soit mené sur le rôle des médias français pendant la crise : ont-ils éclairés les auditeurs et spectateurs ou les ont-il stressés ? Se sont-ils plus à alimenter les peurs ? Etaient-ils complices volontaires ou naïfs des groupes et partis antinucléaires ? Sont-ils conscients que, ce faisant, ils auront une lourde responsabilité dans l'accélération du réchauffement climatique que pourrait entraîner un ralentissement des mises en chantier de réacteurs nucléaires.
Enfin, comment ne pas ressentir un sentiment de honte devant l'exploitation de la situation au Japon qui consiste à assurer un service minimum sur les ravages du tsunami dans tout le Nord Est du Japon (plus de 25000 morts et des dégâts inimaginables) et à concentrer les tirs sur le nucléaire?
(1) Le passage au niveau 7 aurait probablement dû être décidé plus tôt car il ne marque aucune évolution récente et est accompagné par une évaluation des rejets à 10% de ceux de Tchernobyl.
(2) Voir, par exemple le site de la NISA: http://www.nisa.meti.go.jp/english/
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