Le titre ci-dessus est celui de l’éditorial d’Enerpresse du 10 avril, suite à la communication par Mr Eric Besson des résultats de l’appel d’offres d’éolien offshore sur 5 sites atlantiques : on ne pouvait choisir meilleur titre !
Les 4 lots attribués (le cinquième, au Tréport, a été annulé, les prétentions financières du seul concurrent, GDF-Suez, jugées exagérées) ont dégagé des puissances installées faibles en regard des espérances gouvernementales (1910 MW au total, alors que la fourchette visée était de 1800 à 3000 MW). De plus, les offres de vente, qu’EDF sera obligée d’accepter, « ont toutes dépassé » les plafonds fixés, par la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) pour le compte du ministre, entre 175 et 200 €/MWh selon les sites (hors prix de raccordement au réseau RTE, non connu à ce stade) : de fait, il a fallu procéder à « une modification du cahier des charges qui a supprimé le caractère éliminatoire du prix plafond », c’est-à-dire déroger ! Le consommateur qui, en fin de course, va devoir payer pour ces tarifs peut légitimement se demander à quoi sert un cahier des charges gouvernemental ? Au-delà de cette question impertinente, on notera toutefois que les 7 milliards d’euros prévus pour ces 4 sites représentent un investissement unitaire de 3665 €/kW (non compris le raccordement ?) bien supérieur aux 3333 €/kW d’un EPR, et ce pour une production très inférieure (6 au lieu de 13 TWh/an).
Les valeurs des prix offerts par les compétiteurs, dûment entérinés par l’Etat, sont soigneusement cachées, ce qui est scandaleux s’agissant de contrats influençant la facture des consommateurs et d’une activité qui ne souffrira d’aucune concurrence. Nous pouvons cependant nous en faire une idée à partir de l’estimation donnée par le ministre (oralement seulement) de l’impact de la production de ces éoliennes sur la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE), acquittée par les consommateurs, soit 1,2 milliards € par an lorsqu’elles seront en pleine exploitation : en supposant le facteur de charge de ces éoliennes marines à 3000 h/an, ce qui est une valeur vraisemblable, cela conduit à une production annuelle de 5,73 TWh. Ramené aux mêmes 1,2 milliards € de compensation par la CSPE, le surcoût se monterait alors à 209 €/MWh. Il correspondrait à une offre aux alentours de 268 €/MWh, puisqu’il faut y ajouter le « coût évité » d’appel à d’autres sources d’énergie, estimé par la CRE à 59 €/MWh. C’est bien au-dessus du maximum théoriquement imposé par la CRE et deux fois plus que le tarif d’obligation d’achat de l’éolien offshore qui avait été fixé, le 10 juillet 2006, à 130 €/MWh !
Démonstration est faite que le résultat de cet appel d’offres est un désastre (même si l’attribution de ces quatre lots à des industriels français rend la pilule moins amère, du moins apparemment). Compte tenu du surcoût qui devra être supporté à travers la CSPE, chacun des 10.000 emplois promis (selon le ministre) coûtera 120.000 € par an à la nation, et sur 20 ans. On imagine aisément qu’un meilleur usage pour l’emploi pourrait être trouvé pour la même somme ...
La triste réalité est que le lobby renouvelable a encore une fois gagné : il n’a eu de cesse de clamer sa préférence pour la procédure d’obligation d’achat à des tarifs fixés par arrêtés, du moins lorsque ceux-ci étaient avantageux (ce qui fut longtemps le cas pour le photovoltaïque, et l’est de moins en moins dans l’Europe entière). Mais dès que le gouvernement choisit la procédure d’appel d’offres, comme par hasard, les offres déposées par les candidats – pour une production qu’EDF devra intégralement acheter au prix retenu -- surpassent systématiquement les tarifs d’obligation d’achat existants :
- on l’a déjà vu en 2005, sur un appel d’offres éolien déclaré « infructueux » par la CRE ;
- trois appels d’offres successifs (« CRE 1 », « CRE 2 » et « CRE 3 ») portant sur de la biomasse ont dégagé des prix moyens nettement supérieurs aux tarifs d’obligation d’achat en vigueur ;
- et dernièrement, Mr Besson vient de révéler que le prix moyen issu d’un appel d’offres « simplifié » pour les installations photovoltaïques de 100 à 250 kW s’établissait à 229 €/MWh, alors que le tarif T5 fixé par l’arrêté du 4 mars 2011, sur la base des annonces répétées de baisse des prix des panneaux photovoltaïques, est maintenant en dessous de 110 €/MWh.
A supposer que les 6000 MW offshore ambitionnés, au titre du Grenelle et de la Programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité 2009, soient atteints en 2020, et qu’ils soient rémunérés dans les conditions issues de ce premier appel d’offres, c’est à une majoration supplémentaire de la CSPE d’au moins 1,6 milliard €/an qu’il faut s’attendre, soit un total de 9,6 milliards €/an (la CSPE est d’ores et déjà estimée à quelque 8 milliards par an) dès 2020, et ce pendant 20 ans ! Faut-il rappeler que ce sont les clients astreints à la CSPE (c’est-à-dire tous les consommateurs domestiques et petites entreprises) qui feront les frais des largesses ainsi offertes à de grands groupes, sans que les questions essentielles de l’intermittence de la production éolienne et de sa faible utilité en termes de réduction des gaz à effet de serre soient seulement abordées ?
Tant que perdurera l’obligation d’achat dans des conditions déraisonnables, on encouragera les effets d’aubaine (la bulle du PV n’est toujours pas dégonflée en France) et les investisseurs-spéculateurs se permettront de surenchérir dans les appels d’offres lancés pour honorer les engagements d’un Grenelle de l’environnement, qui semble avoir totalement ignoré les conséquences économiques de ses propositions.
« Sauvons le Climat » n’a pu appuyer ses calculs sur des données officielles… tenues confidentielles par la Loi. Ce manque d’information du citoyen est inacceptable. Il serait en effet normal que les pouvoirs publics garantissent l’élémentaire transparence due à des citoyens, tenus de payer leurs factures d’électricité, et qui aimeraient savoir ce que leur coûte la politique de soutien à l’éolien (et à toute autre forme d’énergie).
« Sauvons le Climat » poursuivra ses investigations et se réserve de revenir sur les fondements et modalités de notre politique de soutien à l’éolien.
Le prix que vous prenez pour l'EPR de Flamanville est un peu bas. Ce sera sans doute autour de 7G€ comme les champs d'éoliennes en mer. Mais lui sera là quand on le sifflera, et n'aura pas besoin d'autant de maintenance que les éoliennes en mer.
Mais effectivement, le plus scandaleux est que les résultats en termes de prix ne sont toujours pas publics. Alors même que c'est financé par un impôt et que tout le monde devrait avoir le droit de savoir ce qui est fait de son argent.
Une des premières choses à faire ce serait de publier ces chiffres. On pourrait aussi exiger qu'aucune subvention n'aille à des moyens de production qui coûtent plus de 100€/MWh.
Rédigé par : Proteos | 12 avril 2012 à 10h08
Je trouve le cout évité estimé par la CRE très improbable. Sachant que le coup du nucléaire est de 42€, il faudrait que ce coût corresponde pour une grand part à des énergie nettement plus chère que le nucléaire. Or le nucléaire étant la très grande majorité de la production française, c'est forcément majoritairement du nucléaire qui sera déplacé.
En fait, un autre facteur joue qui rend l'affirmation délirante. Si le coût pondéré du nucléaire est 42€, c'est un coût qui intègre en majorité des coûts fixes, sur une durée de vie de 30 ans. Le coût marginal du nucléaire, le seul légitime à prendre en compte dans ce type de calcul puisque la diminution de consommation n'est qu'à la marge, est infiniment plus faible. Sans chiffre précis, je dirais juste qu'il est probablement sensiblement en dessous de 5€/MWh, et encore, le coût du combustible, le seul coût économisé entrant pour bien moins de 10% du coût du nucléaire.
Par ailleurs, les écologiste n'ont pas totalement tort sur le fait que le transport sur de grande distance de l'électricité génère des pertes, c'est un gros inconvénient de l'éolien. A chaque fois que la production approchera les 2GW maximum prévu, elle sera supérieure à la consommation de toute la zone alentour, ce qui va obligé à transporter le courant au loin, avec des pertes significatives. Et votre analyse du parc anglais de Robin Rigg le montre bien, un parc sous un régime de vent unique se comporte dans 2 modes, production soit nulle, soit proche du maximum. Dans le cas où la production est nulle, il faut mettre à fond les moyens de secours. Lorsqu'elle est proche du maximum, il faut exporter l'électricité très loin. Les 2 sont inefficaces, les 2 forment la majorité du fonctionnement du parc.
Le renforcement nécessaire des lignes du réseau est aussi un très gros poste de dépense complémentaire, pas chiffré ici.
N'oublions pas finalement que la vitesse de variation très rapide de la production éolienne va obliger les moyens complémentaire à fonctionner dans un mode suivi de charge qui induit des coût supplémentaires importants, encore non pris en charge.
Rédigé par : jmdesp | 12 avril 2012 à 10h34
Une fois de plus nous vérifions qu'il faut développer la filiére nuclaire en Françe tout le reste étant "pipi de chat" et trés cher au Kw.
signé:Un réaliste
Rédigé par : uneréaliste | 14 avril 2012 à 12h03
La CRE a publié son avis presqu'un mois après les décisions des ministres:
http://www.cre.fr/documents/deliberations/avis/eoliennes-en-mer/consulter-la-deliberation
donc résultat des courses:
* taux de charge ~40%
* subvention de ~162€/MWh & prix de base de 66.5€/MWh
* ce qui donne donc un prix total de ~228€/MWh
Rédigé par : Proteos | 14 mai 2012 à 14h25