Ces négociations auront toutefois permis de vérifier que désormais la partie va essentiellement se jouer entre les Etats-Unis et la Chine qui sont apparus pragmatiquement d’accord à la fois pour agir, ce qui est un immense progrès, et pour refuser les contraintes du type de celles qu’affectionne l’Europe dont la passivité fut d’ailleurs remarquable.
On accuse la Chine d’être le plus grand pollueur de la planète et d’être responsable de l’échec de la conférence. C’est vrai qu’avec 1,4 milliards d’habitants le Chine est le pays qui émet le plus de CO2. Mais si, en toute justice, on se réfère à la quantité de CO2 par tête, les chinois émettent 4,25 tonnes de CO2 par tête, mais les Américains 19, les Allemands 10,2 , les Français 5,96 , les Indiens 1.1. Le but à atteindre pour tous, aux environ de 2050 est de 1,2 tonnes par tête. Ces données sont essentielles et on ne saurait exiger que les Chinois réduisent leurs émissions de la même façon que les Américains et les Européens. La seule manière d’aboutir à un accord général est de prendre en compte ces données avec justice.
Méfions-nous cependant d’un regard scotché sur l’actualité pour apprécier ce qui vient de se passer !
A ceux qui sont sensibles aux arguments de ces « sceptiques » rappelons quelques vérités acceptées par tous :
- La présence naturelle de gaz à effet de serre (et au premier chef du CO2) dans l'atmosphère fait que la température moyenne de la planète est de 15 degrés alors qu'en leur absence elle ne serait que de moins 18 degrés (ce fait est reconnu par tous les « climato-sceptiques » à commencer par les plus célèbres en France comme le Pr.Vincent Courtillot)
- Depuis 1800, la concentration du CO2 dans l'atmosphère a augmenté de plus de 30% et son rythme d'augmentation s’accélére Le travail des climatologues ne consiste pas à décrire une corrélation entre climat et gaz à effet de serre mais à décortiquer les processus en jeu. Par quel miracle l’adjonction de ces gaz si importants pour réchauffer la terre et y permettre la vie n’aurait-elle pas une influence sur le climat, alors que la modélisation de ses effets donne des résultats en accord avec le réchauffement observé ?
- Depuis 1900 la température moyenne du globe a augmenté de un degré environ. Pourquoi ce phçnomène ne se développerait-il pas dans le futur?
Nous ne pensons donc pas que le scepticisme que certains continueront d’afficher - et nous ne doutons pas nécessairement de leur bonne foi - puisse justifier de prendre le risque de ne rien faire. Nous avons ici un cas d'école où doit s'appliquer le principe dit de précaution.
Une augmentation de température supérieure à deux degrés en moyenne mondiale peut avoir des conséquences très sérieuses et hors du contrôle de l’humanité : augmentation sensible du niveau des océans ; relâchement de milliards de tonnes de méthane par le permafrost ou l’océan, conduisant à un accroissement brutal de l’effet de serre ; diminution de la capacité d’absorption du CO2 par l’océan ou les forêts. Nul ne peut exclure que se produisent alors ces phénomènes qui se traduiront par des problèmes majeurs d’adaptation pour l'humanité.
Oui, il est plus que temps que nous agissions avec sérieux avant qu'il soit trop tard.
- Illusion que de croire que la réduction de la consommation mondiale d'énergie suffira à atteindre ces pourcentages de réduction. S'il est vrai que la sobriété énergétique doit être activement recherchée, penser que les pays émergents pourraient ne pas augmenter – même modérément - leur consommation énergétique d'ici 2020 est bien illusoire, quand ce n'est pas volontairement trompeur.
- Illusion de croire que les « nouvelles » énergies renouvelables (éolien et solaire en tête) pourront fournir plus de 10 à 15 % de l'énergie aussi longtemps que le problème du stockage de l'énergie ne sera pas résolu, ce qui ne sera certainement pas le cas avant 2020. Il est possible que de grands progrès soient faits dans ces domaines d'ici 2050 mais il est illusoire et scandaleux de laisser entendre que cet espoir dispense de remplacer dès maintenant les centrales à charbon et à gaz émettrices de CO2 par des centrales électriques sans émission de carbone.
- Illusion de croire que la capture et stockage du CO2 puisse être généralisée avant 2020. Mais vrai que le développement de cette technique doit devenir une forte priorité.
- Illusion de penser que les pays émergents et en développement pourront augmenter leur production d'électricité sans augmenter leurs émissions de CO2 s'ils ne recourent pas à la production hydroélectrique de barrage.
- Illusion de croire que les pays développés et émergents pourront réduire drastiquement leurs émissions de CO2 dans la production d'électricité sans recourir également massivement au nucléaire. Ici les semeurs d'illusion rejoignent les semeurs de peur viscérale du nucléaire.
- Illusion de considérer que l’ « économie verte » puisse créer des emplois sans tenir compte de son coût de financement ni de la forte compétition dans une économie mondialisée. En réduisant le pouvoir d’achat des ménages ces dépenses risquent en effet de provoquer plus de destructions d’emplois que de créations. Pour guider une stratégie de réduction des émissions il est donc essentiel de tenir compte du coût des mesures à prendre en se référant à celui du carbone évité. Continuer à ne pas le faire conduirait à un échec certain, nos moyens de lutte étant limités.
La réduction des émissions nécessaire pour stabiliser la concentration atmosphérique des GES ne sera à l’évidence pas atteinte si les semeurs d'illusions et de peurs réussissent à imposer leurs conceptions. Ils auront sacrifié l'avenir commun à leurs idéologies ou à leurs intérêts. Ils seront à la fois « responsables et coupables » aux yeux de nos enfants et petits enfants.
Quand les actions finiront par remplacer les déclarations, quand les technocrates se dispenseront d’interférer sur les options technologiques et instaureront des systèmes efficaces de valorisation du carbone, alors, enfin, les efforts individuels des citoyens, la créativité des chercheurs alliés au dynamisme des entrepreneurs pourra donner sa pleine mesure et nous pourrons espérer traverser le gué dans lequel nous nous trouvons… si la nature nous en laisse le temps !
Le réalisme va s’imposer et il va falloir se méfier des semeurs d'illusions :
Illusion que de croire que
...
Illusion que de croire que
...
La première illusion est de croire que l'on va pouvoir diminuer les émissions de CO2 sans changer drastiquement notre mode de vie et notre façon de voir le monde.
Jetez un oeil sur cette conférence de JM JANCOVICI (le plein s'il vous plait)
Conférence JANCOVICI et positionnez vous vers 1 : 27 : 16
Voir également ce qu'il dit , de façon fort honnête , sur le rôle des productions hydroélectrique et nucléaire.
C'est un peu facile pour l'Europe et la France de se glorifier de -x% d'émissions (alors que la Chine fera +y%) quand nous délocalisons à tout va toute notre production industrielle !
Rédigé par : Jacques- | 19 décembre 2009 à 21h23
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En boucle depuis ce matin notre Chantal nationale qui s'en prend à la Chine et l'Inde !
Dans quelque temps elle avalisera qq autoroute "conforme au Grenelle" , bonne source s'il en est de CO2.
Sauf que , pour la Construction , on fera des économie de CO2 national.
Puisque les poutres des ponts métalliques seront achetées ... chez MITTAL !
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Rédigé par : CA | 20 décembre 2009 à 10h09
Je suis en général d'accord avec votre commentaire de Copenhague sauf sur un point : parmi les illusions que vous dénoncez, la nécessité du développement massif du nucléaire dans les pays développés et émergents me semble elle-même une illusion. Le nucléaire qui est très utile en France (avec toutes ses contraintes et risques) n'est pas généralisable massivement pour des raisons de ressource en combustible, et des raisons politiques et environnementales.
Cordialement.
Rédigé par : Francis MASSART | 20 décembre 2009 à 13h19
Chronique très intéressante comme toujours, mais je suis vraiment surpris par les chiffres que vous donnez sur les émissions par habitant (et par an ?) pour les différents pays.
Le Francais moyen n'émet certainement pas 18 Tonnes de CO2 par an.
Les chiffres "officiels" peuvent être trouvés par exemple sur
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_countries_by_carbon_dioxide_emissions_per_capita
On y trouve, pour la dernière année disponible (2006 ou 2007)
Chine : 4,6
USA: 19,1
Allemagne: 9,7
France: 5,8
Inde : 1,2
Si ces chiffres sont exacts, les émissions du Français moyen ne sont pas très différentes de celles du Chinois moyen, contrairement à ce que votre chronique indique.
Rédigé par : Francois-Marie Bréon | 20 décembre 2009 à 14h47
Il y avait effectivement une erreur de chiffres, les données ne provenaient pas du bon tableau. Nous présentons nos excuses aux lecteurs de cette note. Maintenant, c'est corrigé.
Rédigé par : SLC | 20 décembre 2009 à 18h27
Bravo ; certes la bataille est finie; mais SLC n'attend pas trois semaines pour nous donner son point de vue.
Bien sûr je souscris à beaucoup de ce qui est dit, yc sur les climato-sceptiques, qui sévissent au coeur des organisations les mieux intentionnées.
Cependant, je pense pour ma part que les commentaires français sur Copenhague, et celui-ci en particulier, sont exagérément négatifs, et de ce fait erronés.
Certes, le processus Onusien est à bout de souffle.
Mais nous étions rentrés à Copenhague avec un triple objectif :
1) convenir des conditions de prolongation du traité de Kyoto
2) faire rentrer les Etats-Unis dans un dispostif de réduction des émissions (Kyoto, ou autre)
3) obtenir de la part des BRICs (ou des BICs : Brésil, Inde, Chine) un engagement de limitation de leurs émissions.
C'est un échec total sur 1) (mais nul doute que les signataires vont poursuivre sur une base volontaire) ; et Obama a raison de noter que le caractère contraignant de 1) jusqu'à présent n'avait pas empêché les dépassements, sans aucune sanction.
En revanche, c'est une réussite sur 2) et 3). Elle est limitée, elle est partielle, elle est non contraignante. Mais c'est une résussite sur deux objectifs sur trois.
Il fallait être bien naïf pour penser qu'on sortirait de Copenhagure avec les EU signant le traité de Kyoto, et la Chine et l'Inde acceptant des limitations contraignantes de leurs objectifs d'émission. Les objectifs 1) et 3) étaient conjointement inaccessibles, et incompatibles avec 2).
Cependant les objectifs 2) et 3 ont été atteints, et on a eu, grace aux EU (et l'Europe dont la France sont passés à côté du sujet) une définition du cap à suivre : des engagements de limitation des émissions par pays .
Le fait qu'il n'y ait pas de mécanisme formel de vérification n'a aucune importance : les données macroéconomiques permettront, comme elles le font depuis trente ans, de savoir où en est chacun.
En revanche, chacun devra dire où il va , chacun a admis la nécessité d'un effort "tel que requis par les scientifiques" , chacun devra déclarer ses engagements, et on pourra vérifier ses résultats.
Désolé de cette vision non négative; à vrai dire le seul élément négatif fut qu'aucun représentant européen n'était présent lors de la réunion où la déclaration finale s'est esquissée (ni le Président suédois de l'Union, ni le Président danois de la conférence, ni le futur président de l'Union Van Rompuy).
A noter aussi que les efforts diplomatiques français ont été un fiasco, mais ça n'est pas surprenant : ils visaient une mauvaise cible.
En revanche (on s'en rend compte notamment en lisant le script de sa conférence de presse), Obama maitrisait le sujet parfaitement, et a obtenu le maximum qui était possible.
Cela étant le traité de Kyoto est en miette; tout est à reconstruire; mais il y a des bases.
Rédigé par : Dominique Vignon | 20 décembre 2009 à 21h20
Pour les résultats que vous pensez avoir été obtenu on n'avait pas besoin de Copenhague. Obama avait déjà annoncé -17% par rapport à 2005 et la Chine avait déjà annoncé qu'elle améliorerait son efficacité énergétique, sans parler de l'Europe avec ses 3*20 en 2*20.
Rédigé par : Libéral | 20 décembre 2009 à 21h56
"""Mais si, en toute justice, on se réfère à la quantité de CO2 par tête, les chinois émettent 4,25 tonnes de CO2 par tête, mais les Américains 19, les Allemands 10,2 , les Français 5,96 , les Indiens 1.1."""
Mais comme la majorité du CO2 produit par les Chinois sert à fabriquer des objets manufacturés en grande partie inutiles que NOUS, occidentaux fondamentalement gaspilleurs, achetons, le rapport en notre défaveur est encore plus significatif.
Rédigé par : bernard borghésio-ruff | 20 décembre 2009 à 22h25
Certes. Cet argument est largement utilisé par les chinois. Mais il est à double tranchant car la réponse pourrait être de limiter les importations en provenance de Chine en imposant une taxe carbone sur leurs produits.
Rédigé par : Libéral | 20 décembre 2009 à 22h39
Les Chiffres de Francois-Marie Bréon sont les chiffres officiels puisque issus de l'Agence Internationale de l'Energie.
Vous trouverez dans ce lien un fichier Excel fort intéressant : voir l'onglet SECTPOP où l'on voit les répartitions respectives des chiffres de Chine et de France.
Les chiffres étant exacts, les émissions rapportées au Français moyen ne sont pas très différentes de celles de Chine par contre le Chinois à titre individuel est beaucoup moins émissif que le Français.
Rédigé par : Jacques- | 21 décembre 2009 à 20h50