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30 août 2010

Commentaires

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Le budget initial d'ITER semblait compatible avec le budget d'Euratom. Ce n'est évidemment plus le cas après une augmentation de 300%! S'il est, malheureusement, habituel que les coûts finaux des projets importants excèdent les prévisions initiales de quelques dizaines de % (AIRBUS 380 ; DREAMLINER de Boeing, LHC, EPR...) une augmentation de 300% est exceptionnelle sinon unique. Le coût initial a-t-il été volontairement sous-estimé? Où bien la gestion du projet a-t-elle été calamiteuse? Quelle assurance avons nous que le coût ne fasse pas à nouveau l'objet d'une nouvelle inflation?
Je pense qu'un audit sérieux, scientifique, technique et économique de l'évolution du projet devrait être réalisé avant toute nouvelle décision financière. On pourrait demander aux prix Nobel de Physique (par exemple) de désigner, avec l'aide des Académies des Sciences, un panel de scientifiques chargé de reprendre la justification du projet. La gestion du projet elle-même devrait être examinée par des industriels habitués aux grands chantiers.

Le pamphlet de nos amis souligne, à juste titre, que la difficulté d'obtenir un plasma susceptible de produire plus d'énergie qu'il n'en consomme, serait loin d'être la seule, ni même la principale difficulté à surmonter pour dompter l'énergie de fusion nucléaire. Il est impératif d'étudier les effets de l'irradiation sur les matériaux grâce à des faisceaux d'ions de haute énergie dont les effets destructeurs sont beaucoup plus importants que ceux des neutrons de fusion? Ce type d'études est d'ailleurs prévu dans le projet IFMIF(International Fusion Materials Irradiation Facility (http://www.frascati.enea.it/ifmif/), qui devrait comporter un accélérateur produisant un faisceau de 250 mA pour une énergie de quelques dizaines de MeV. Un premier accélérateur prototype (EVEDA) est en construction au Japon. Ce projet est un complément à ITER et la localisation d'EVEDA a été nécessaire pour obtenir la participation du Japon à l’ensemble du programme.
Il est aussi nécessaire de mettre au point les systèmes d'extraction de chaleur produites par des réactions nucléaires obtenues en grand nombre, dans un volume restreint, ce qui pourrait être fait également grâce à des accélérateurs de forte puissance.
Ne pourrait-on pas, toujours avec des accélérateurs, montrer dans quelle mesure la régénération du tritium serait possible?
Un comité d'audit pourrait se saisir de ces questions et proposer un programme permettant de progresser considérablement dans la voie de fusion magnétique tout en restant dans un cadre financier acceptable.

ITER : faut-il continuer ?

Beaucoup trop loin d’avoir les compétences scientifiques me permettant de répondre à cette question, je m’en pose une autre sur laquelle les scientifiques de SLC voudront peut-être m’éclairer : Y a-t-il eu dans le passé d’autres efforts de recherche fondamentale abandonnés sans résultats après des décennies de travail ?

En Terminale (1950), notre prof de physique nous disait en substance que l’électricité nucléaire c’était pour très bientôt : il avait raison ; parlant de la fusion contrôlée il ne l’imaginait pas avant l’an 2000, donc 50 ans plus tard, ce qui, pour des adolescents, se perdait dans la nuit des temps futurs.
En 2000, précisément 50 ans après mon prof de physique, j’ai entendu un conférencier (CNRS ou CEA ?) à Cadarache nous dire (sic) « dans 50 ans si on met le paquet et si tout se passe bien la fusion sera maîtrisée et aboutie industriellement. Mettre le paquet = beaucoup d’argent ; si tout se passe bien = si pas de problèmes imprévus et insurmontables ». Bref : c’était il y a 10 ans et toujours dans 50 ans.

Il est des projets qui, dans le passé, n’ont pas abouti ou pas complètement mais ont laissé des acquis scientifiques et technologiques majeurs : Concorde, la Conquête de la Lune, puis de l’espace... Bravo.

Les recherches sur la fusion ont-elles déjà produit des acquis significatifs et utilisables dans d’autres domaines? Lesquels ? D’autres « sous-produits » à venir sont-ils raisonnablement possibles, envisageables ? Si la réponse est OUI on peut imaginer de continuer. Si la réponse est pessimiste….

Aujourd’hui, les hommes attendent de la fusion contrôlée une solution définitive à leurs problèmes d’énergie. Les RNR sont, potentiellement (et là on sait que ça marche), une solution définitive ou, pour le moins, tellement durable que c’est tout comme (il n’est pas absurde de spéculer sur la disparition de notre espèce avant l’épuisement des ressources U+Th même sans parler de l’eau de mer à laquelle je ne crois pas).

Aujourd’hui plus de 1 Ghab n’ont pas accès à l’électricité ; les mêmes ou à peu près sont en déficit d’eau potable alors qu’ont sait en fabriquer mais il y faut de l’énergie…et de l’argent. La fission peut et sait faire tout cela sans saloper l’atmosphère. Elle participerait à la paix du monde : nécessaire même si ce n’est pas suffisant, tant s’en faut.

Bref : compte tenu de ce que je sais, je suis contre la poursuite de ITER. Mais je peux me tromper car j’en ignore plus que je n’en sais.

Merci à ceux qui voudront bien m’éclairer.

Jacques Frot

Plaidoyer pour ITER

La décision d'arrêter ou de poursuivre ITER, a une composante politique, vision à long terme, qui n'est pas de même nature que les considérations de coût et de faisabilité, bien qu'elles lui soient naturellement liées.
Ce projet a vu le jour grâce à un "consensus international", si aujourd'hui, le financement de son surcoût risque d'assécher certains budgets de recherche, n'est-ce pas son financement qu'il faudrait revoir, plutôt que de ne penser qu'en terme d'arrêt ou de poursuite du projet ?
Les arguments développé dans l'article de "Libération" sont notamment "budgétaires". Si nous avons su débloquer 100 milliards pour la station internationale que représentent 15 milliards ? Le budget de la France en 2010, d'après la feuille d'information envoyée avec nos déclarations d'impôt, est pour l'enseignement et la recherche de 85,4 M€, pour celui de la défense de 37,1 M€ et pour celui de l'écologie et développement durable de 10 M€, sans compter celui de l'union européenne qui est de 18,2 M€. Ce projet est concerné par ces quatre postes budgétaires.
Iter est un projet de réacteur "expérimental", alors donnons lui le temps d'expérimenter !

Sur la page de l'article de "Libération",
http://www.liberation.fr/societe/0101651202-nucleaire-arretons-iter-ce-reacteur-hors-de-prix-et-inutilisable
je vous invite à parcourir les réactions des lecteurs
en voici une qui a retenu mon attention
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Pourquoi?
ce genre de remarque totalement gratuite et qui n'ajoute rien au débat qui pourrait être intéressant. Je suis physicien et je vois, même dans mon domaine non strictement relié à ITER, passer un nombre élevé de contrats pour des études reliées aux problèmes (d'ailleurs soulevés dans cet article) de matériaux susceptibles de tenir la contrainte imposée par les opérations d'une machine pareille. On pourrait d'ailleurs ajouter que comme ITER est un gros projet international, sa simple localisation en France attire un nombre impressionnant de scientifiques de beaucoup de pays. Cet aspect n'est pas abordé dans cet article for incomplet. Et puis ITER n'est pas une machine industrielle mais expérimentale et, c'est intéressant, aussi bien sur un plan fondamental que sur un plan technique, ce qui est plutôt rare (à savoir développer des techniques totalement innovantes pour une application donnée, ce qui donnera de toutes manières tout plein d'autres applications tout aussi innovantes). ITER doit coûter une centaine de milliards d'euros sur 50 ans soit 2 milliards par an et la France y participe à hauteur je crois de 20% (tout en ayant la chance d'avoir le réacteur sur place). La seule déduction de TVA sur la restauration a fait perdre 4 milliards de francs à l'Etat, soit 10 fois moins que le budget français alloué à ITER. Alors, franchement....on se demande un peu de quoi on parle!
Jeudi 12 août à 17h04

Bonsoir,

Le Haut Conseil de la Science et de la Technologie a exprimé le 4 avril 2007 un avis selon lequel, "il est illusoire de penser qu’il [ITER] peut apporter une solution aux problèmes énergétiques à un terme prévisible". C'est un premier point, que beaucoup partagent y compris chez les promoteurs de la fusion, mais ce n'est pas l'essentiel.

Le coût d'ITER est un autre aspect des choses, mais ce n'est pas non plus le plus important. Quelques mots cependant là-dessus avant de passer à l'essentiel.
Pour décider si un projet est cher ou pas, il faut des éléments de comparaison. Si l'on choisit par exemple une journée de guerre en Irak, soit environ 1 milliard d'euros, ITER c'est peanut, c'est l'affaire de quelques jours.
Mais les choses ne se passent pas ainsi, puisqu'il est question de réorienter des budgets du "Seventh Framework Program" FP7 pour combler le triplement du budget d'ITER. Donc ITER est très cher. C'est même le plus cher de tous les projets internationaux d'équipement scientifique. A ma connaissance, celui qui vient en second, parmi les Très Grandes Infrastructures de Recherche (TGIR) auxquelles la France participe, c'est le CERN. La contribution française y est d'environ 100 millions d'euros par an, et on peut s’accorder pour dire que le CERN a amplement rempli son contrat en tant qu’instrument de recherche fondamentale. Pour ITER, avant réévaluation du budget, la France était engagée pour 925 millions d'euros sur 10 ans, dont la moitié aux collectivités territoriales. Le budget a triplé, où prend-on les fonds manquants ? Trois milliards sur 10 ans, cela fait 300 millions par an. Pourquoi la ministre parle-t-elle dans Le Monde de 62 millions d'euros ??

Pour information, voici quelques chiffres concernant les TGIR financés par la France (taper "roadmap TGIR" sur Google pour avoir le rapport complet) :
JET (prédécesseur d'ITER, situé en Angleterre) (page 23) : 70 millions d’euros annuels (fonctionnement)
TORE SUPRA (complément de JET, situé à Cadarache) (page 24) : 18 millions d’euros annuels
ESRF (rayonnement synchrotron Grenoble) (page 25) : 80 millions d’euros annuels dont 20 pour la France
SOLEIL (équivalent de l'ESRF situé à Orsay) : 54 millions d’euros annuels pour la construction
CERN (page 19) : budget annuel 660 millions d’euros dont 107 pour la France
GANIL (accélérateur d'ions lourds pour la physique nucléaire) (page 22) : 8 millions d’euros annuels (fonctionnement)
ILL (source de neutrons de référence mondiale, Grenoble) : 78,5 millions d’euros annuels dont 26 pour la France
Neurospin, un des plus gros équipements de biologie, a un coût de construction de 52 millions d'euros, 21 d'équipement, 14,5 de budget annuel.
Astrid (réacteur GenIV) : 660 millions d'euros sur 10 ans

On voit qu'ITER sort complètement du cadre.
La question, maintenant c'est : est-ce justifié ?
C'est aux instances d'évaluation d'en décider. Or il se trouve qu'ITER a échappé à toutes les instances d'évaluation habituelles : le CNRS n'a jamais discuté de la pertinence du projet et de son format, et même au niveau européen, l'arrogance du lobby de la fusion est telle que l'IRDAC (Industrial research and developpement advisory committee auprès de la Commission européenne) n'a jamais réussi à obtenir un exposé sur le sujet où il aurait pu faire ses remarques, ce qui a été possible dans tous les autres domaines où la Commission intervient dans le cadre de la recherche et du développement. Les seules réunions ont été des réunions de travail interne à la communauté ITER.

Comment une telle situation a-t-elle pu se développer ? Tout simplement parce qu'ITER a été décidé en 1985 lors d'une rencontre entre Reagan et Gorbatchev (Mitterrand était aussi dans les parages), comme symbole devant marquer la détente Est-Ouest, et non lors d'une réunion scientifique internationale. Un comité scientifique peut-il évaluer la détente ?! Il en a été de même avec l'ISS, au sujet de laquelle la communauté scientifique concernée a été jusqu'à protester contre cet équipement inadapté à leurs besoins.

Venons-en à l’essentiel.
Le R de ITER est trompeur, nous le savons tous, sauf le grand public et les journalistes : ITER n'est pas un réacteur, c'est une machine destinée à étudier le comportement d'un plasma à 100 millions de degrés. En fin de vie, il est prévu d'introduire un peu de tritium pour faire de la fusion. Pourquoi en fin de vie ? Parce que la réaction de fusion libère ce fameux neutron extrêmement énergétique, non confiné par le champ magnétique, qui induit des réactions nucléaires dans la paroi, lesquelles dégradent ses propriétés mécaniques. Les parois d'ITER ne tiendront donc pas longtemps. Personne aujourd’hui ne sait résoudre ce problème de matériaux qui est là depuis ... longtemps.
Cette question est si importante qu'il est prévu de construire une machine, IFMIF, uniquement pour cela. Coût de la machine ? Le rapport sur les TGIR donne un coût total de construction de 150 millions d'euros pour les études préparatoires (IFMIF/EVEDA), soit 100 fois moins qu'ITER !, et 1 million d'euros pour IFMIF. Or, si on ne trouve pas de matériaux résistant aux neutrons, il n'y aura jamais de réacteur de fusion. Pourquoi, alors, ne pas avoir commencé par là, d'autant que, pour le coup, c'est donné, n'est-ce pas ?! Eh bien, cette question, Yves Pomeau l'a posée en 1997 dans un très bon article de la Recherche, et elle n'a jamais reçu de réponse.
Ma réponse, mais je dois avoir mauvais esprit, s'exprime en terme de prestige : si vous travaillez sur le plasma, vous pouvez faire de la com' sur "le Soleil dans votre cuisine" (même si on ne sait pas construire la casserole, comme disait PG de Gennes). Mais comment expliquer à des politiques que vous avez besoin de sous, même si c'est beaucoup moins, pour travailler sur des matériaux qui tiennent un flux de neutrons de 14 MeV ?
- Quatorze quoi ?

Pour terminer, je me permets de citer quelques phrases d'un article publié dans Le Monde en octobre 2005 (Balibar, Pomeau et moi) :
"Si l’on s’accorde souvent à se plaindre de la lourdeur bureaucratique et des effets pervers du centralisme français sur la dynamique de la recherche, on pointe rarement du doigt un des effets les plus manifestes de ses défauts, la prime qui va à tout projet plus ou moins grandiose facile à identifier par les extérieurs à la science (dont les politiques) et à défendre par la structure bureaucratique. L’exemple d’ITER est tout à fait significatif à cet égard. La part bureaucratique et financière du projet est exposée avec force détails dans la grande presse qui n’insiste guère, en revanche, sur les aspects scientifiques concrets et sur les grandes, énormes incertitudes qui pèsent encore sur la génération d’énergie commerciale à partir de la fusion d’atomes."
Et aussi :
"Si la communauté internationale a vraiment les moyens de se lancer dans la fusion thermonucléaire contrôlée, il nous semble que deux problèmes doivent être préalablement résolus, un problème de matériaux et un problème de production de tritium. Avant de construire le moteur révolutionnaire d’une voiture de course, il vaut mieux s’assurer qu’on aura des pneus pour la faire rouler"
Cordialement,

Jacques Treiner

PS. ITER ferait un très bon sujet pour une thèse de sociologie des sciences.

Point de vue d’un physicien qui a longtemps travaillé sur la fusion (surtout inertielle) et commis un bouquin sur la question : les déconvenues de Prométhée, éditions Atlantica (2001).

La fusion (toute nue) est une entreprise de R et D dont on n’attend pas de résultats significatifs pour la production d’électricité avant la seconde moitié du siècle. L’impact à moyen terme sur l’évolution du climat est de ce fait nul (mon seul point d’accord avec les écolos).
En matière de fusion, sauf miracle toujours espéré mais jamais 
venu, il n'y a pas d'échappatoire au gigantisme et le prix à payer, simplement pour voir si une voie est viable est élevé à proportion.
Il convient de garder à l’esprit cette réalité incontournable.

Les malheurs 
d'ITER
Il est clair qu'ITER 
est né sous une mauvaise étoile. Extrait des Déconvenues :
« Les contestations et les remises en causes viennent aussi de l’intérieur. C’est ainsi que le projet I.T.E.R., sous sa forme initiale de 1998, a rencontré des oppositions au sein même de la communauté des chercheurs impliqués dans la fusion magnétique. La société américaine de physique a rendu publics les éléments du débat (Physics to Day, Juin 1996) avant même que la phase de dessin soit terminée. Les arguments contre présentés par A-M. Sessler (Berkeley) et T-H. Stix (Princeton) rejoignent sur le fond les remarques faites a posteriori par P-H Rebut. Selon eux, il reste trop de problèmes à résoudre à la fois et trop d’impasses : cela va du fonctionnement du divertor à la maîtrise des instabilités en passant par les dommages aux parois ou le contrôle de la densité. Comment de plus insérer des concepts nouveaux alors que le dessin de la machine est très conventionnel ? A l’inverse, M-N. Rosenbluth, considéré par beaucoup comme le « pape » sinon le gourou de la physique des plasmas et de la fusion, partisan du projet, insiste sur l’obligation de passer à la taille du réacteur, certaines questions ne pouvant être résolues qu’en vraie grandeur.
En fait, le véritable objet de la discussion est la stratégie qu’il convient d’adopter compte tenu de la limitation des crédits que les gouvernements sont disposés à accorder. Il s’agit de concilier, à contrainte budgétaire donnée, une obligation de résultats avec l’innovation. Extrapoler des techniques éprouvées rassure, mais est-ce bien favorable aux idées nouvelles ? »
Le premier projet (qui devait fournir de 
l'électricité au réseau), élaboré au bout d’une douzaine d’années d’études, a été retoqué en 1998 parce que… trop cher ($ 10 milliards !). On a donné 3 ans aux équipes pour proposer une machine pour la moitié du prix, ce qu’elles ont fait en révisant les objectifs à la baisse.
Question à laquelle personne ne peut répondre avant d’avoir fait la manip : un gain de 10 pendant 400 s. vaut-il 15 milliards ?
ITER, même édulcoré, reste une énorme machine qui s’accompagne d’une lourde bureaucratie (j'avais intitulé "itérosaure" un § du bouquin). La gestion de la phase de construction me paraît calamiteuse : l’équipe de direction contrôle-t-elle efficacement les coûts ? il est permis d’en douter. En quelques mois, la date planifiée pour le premier plasma a reculé de 2016 à 2019. Et quand un projet traîne, les dépenses s’envolent.
Cerise sur le gâteau, depuis les élections régionales de 2010 en PACA, Europe-Ecologie a subordonné sa participation à la coalition de second tour avec les socialistes à un gel des subventions pour ITER au-delà des crédits déjà engagés. Du coup, la région demande à l’Etat de prendre le relais. On peut imaginer que des « verts » ayant accédé aux gouvernements des principaux pays d’Europe obtiendraient l’arrêt d’ITER comme ils feraient abandonner le programme EPR et fermer des centrales nucléaires vieillissantes (Fessenheim, Cattenom…).

Une autre voie
La réaction de fusion deutérium-tritium produit des neutrons de 14 M.e.V. qui emportent la majeure partie de l’énergie. Dans un réacteur à fusion pure cette énergie est récupérée par un fluide caloporteur. Accessoirement les neutrons, agissant sur du lithium, régénèrent le tritium. On peut faire beaucoup plus avec ces neutrons. La proposition d’un hybride fusion-fission est déjà ancienne La plus lointaine référence à de tels hybrides se trouve dans les Mémoires d’Andrei D. Sakharov p. 165 de l’édition française (Seuil, 1990). Sakharov y fait allusion à sa proposition de 1951 d’utiliser les neutrons de fusion pour fabriquer des éléments fissiles. Les hybrides ont fait l’objet d’études approfondies au cours des années 1970, C.F. p. ex. L. M. Lidsky, "Fission-fusion systems : hybrid, symbiotic and augean", Nuclear Fusion 15 (1975) 151-173 ; H. Bethe, Physics Today, Mai 1979, voir aussi P-H. Rebut, in La fusion nucléaire : de la recherche fondamentale à la production d’énergie ? Rapport de l’Académie des Sciences EDP-Sciences (2007). Une telle possibilité n’était pas vraiment populaire à la fin du XX e siècle car elle détruit a priori l’argument selon lequel la fusion est une énergie nucléaire « propre » par l’absence de déchets hautement radioactifs : produits de fission et autres transuraniens.
Une couverture fissile (sous critique !) confère à la partie fusion d’un hybride le rôle dévolu à la source de neutrons par spallation des ADS (Accelerator Driven Systems). Le gain en énergie par rapport à la fusion pure est au moins de 10. En effet, une fusion fournit 20 M.e.V. et si le neutron produit une fission, celle-ci libère 200 M.e.V. en jouant sur la multiplication, on peut augmenter ce gain. Les neutrons de fusion et leurs descendants par fission peuvent aussi entrer dans tous les processus nucléaires servant à la génération d’éléments fissiles ou à l’élimination des déchets. Dans cette perspective, le gigantisme de la partie fusion se trouve sérieusement limité : un tokamak à peine plus gros que le JET, un tore compact (M. Kotschenreuther, P.M. Valanju, S.M. Mahajan, E.A. Schneider, Fusion Engineering and Design, 84 (2009) 83) ou un système inertiel au niveau du mégajoule seulement (https://lasers.llnl.gov/about/missions/energy_for_the_future/life). Des études sont menées dans ces trois directions aux U.S.A.
La fusion pourrait entrer ainsi, modestement, dans le nucléaire de quatrième génération. Cela avancerait de plusieurs décennies le passage au stade industriel. Mais les obstacles sont nombreux surtout en Europe : politiciens ignorants et craintifs, communautés de la fusion et des réacteurs à fission sans aucun contact et chacune gardienne de son pré carré…
Une analyse récente des problèmes relatifs aux hybrides fusion-fission (Jeffrey P. Freidberg & Andrew C. Kadak, Nature Physics 5 (2009) 370) envisage une mise en service progressive au cours du XXI e siècle de telles installations : d’abord comme incinérateurs, puis pour fabriquer des éléments fissiles enfin pour fournir de l’électricité au réseau. Et pour atteindre ces objectifs des efforts particuliers devraient être consacrés à la technologie nucléaire et à l’ingénierie de la partie fusion.

JL Bobin

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