« Ce Pacte écologique pour l'emploi repose sur 5 piliers dont celui de la création nette d'1 million d'emplois par "la transition écologique", d'ici 2020 », telle en est la présentation donnée (16-01-2012) par Enerzine, media qui renvoie à un « chiffrage détaillé » du programme présenté par Eva Joly et les Verts1, dont il donne des extraits.
S’agissant des emplois renouvelables, un vivier de « +141 000 emplois directs et indirects », Enerzine reproduit intégralement le texte d’Eva Joly2, texte que nous nous proposons de commenter de façon factuelle, sans nous appesantir sur les bien trop vagues « précisions méthodologiques » liminaires :
1) « Le développement de la part des énergies renouvelables est fortement créateur d'emplois. Les énergies renouvelables sont en effet des énergies produites localement, contrairement au pétrole et au gaz importés. Les énergies renouvelables ont aussi un mode de production plus intensif en travail que les énergies fossiles. »
Trois phrases courtes :
- une incantation sur de supposées créations d’emplois, sans prise en compte de l’impact sur l’économie du développement à marche forcée de moyens de production très onéreux, en remplacement de moyens de production compétitifs !
- une contre-vérité : que le vent, le soleil ou la biomasse ne soient exploitables que localement, nul ne le conteste, mais en déduire que ça puisse automatiquement créer des emplois locaux est mensonger puisque :
- aucune éolienne métropolitaine3 n’a été fabriquée en France (hormis quelques, vieux, modèles Jeumont) !
- aucun panneau solaire4 ou presque n’est fabriqué hors de Chine, Allemagne ou USA, ces deux derniers pays étant d’ailleurs à la peine comme l’a souligné « Libération », corrigeant … Cécile Duflot5.
Or ces composants constituent l’essentiel de la « chaîne de valeur » de la production d’électricité verte (jusqu’à 75% pour les aérogénérateurs terrestres).
- et une banalité (le mode de production renouvelable engendre plus d’emplois, du fait de la « gratuité » de son flux, que les fossiles ou le nucléaire) interprétée à contre-sens : est-ce un atout ? Nous aurions tendance à y voir plutôt un handicap car ce sont des emplois qui coûtent cher au pays, comme H. Prévot l’a déjà montré, macro-économiquement, dans un précédent communiqué de « Sauvons le Climat »6.
2) « Le développement des énergies renouvelables permettrait la création de plus de 110000 emplois directs et indirects d'ici 2020. En détail, la filière solaire permettrait la création de 80000 emplois pour une puissance installée de 20 gigawatt (soit 20 fois la puissance du parc solaire installé à fin la 2010). La filière éolienne pourrait créer 40000 emplois pour une puissance installée de 30 gigawatt (soit 6 fois le parc actuel). La filière bois pourrait créer 15000 emplois directs et indirects et le biogaz 6000. »
Donner un chiffre global, puis le décomposer par secteurs sans l’amorce d’une justification7, ne prouve rien ! Pour notre part, nous préférons nous en tenir aux réalités concrètes, au travers de quelques rares informations quanti-fiées disponibles : l’éolien assure-t-il des emplois en France durant les 15 années d’exploitation durant lesquelles les investisseurs bénéficient des très juteux tarifs d’obligation d’achat par les opérateurs historiques (EDF et ELD) ? Trois réponses, à titre d’exemple, avec des éoliennes toutes importées :
- à Salles-Curan, EDF-ENavaitannoncé, pour son parc de 29 machines de 3 MW, « une dizaine d’emplois à son ouverture »8 ;
- pour le « Pays Belmontais » (en Aveyron également), Total et RWE avaient promis « une vingtaine d’emplois en phase d’opération » (30 x 3 MW)9 ;
- pour Akfenir (Maroc, « plus de 100 MW), Alstom a prévu l’embauche de près de 45 personnes pour travailler sur le site [combien de temps ?] et 16 autres personnes pour assurer l’exploitation et la maintenance »10.
Supposées réalisées, ces promesses ne représentent guère que 150 emplois locaux permanents par gigawatt installé, soit 4500 emplois au lieu des « 40000 emplois pour une puissance installée de 30 gigawatt » vantés (sans jeu de mots) par E. Joly, dans un secteur où la télémaintenance est reine (et assurée depuis les pays constructeurs11) !
Quant au photovoltaïque, tout le monde convient que sa maintenance est des plus réduites, se limitant à un dépoussiérage annuel et un remplacement d’onduleur tous les 10 ans.
3) « En matière d'énergie renouvelable, la France doit suivre la voie tracée par l'Allemagne dont 10% de l'énergie totale est aujourd'hui d'origine renouvelable et a ainsi créé une filière qui emploie 5 fois plus de salariés qu'il y a 10 ans. »
Cette dernière affirmation, censée conforter le « cercle vertueux » auquel nous invite la candidate, a fait l’objet d’un récent communiqué de SLC12: elle fait fi des graves atteintes à l’environnement que le choix de ce pays inflige(ra) au climat, en brûlant massivement lignite, charbon et gaz pour assouvir ses besoins énergétiques globaux (78,2% en 2010) et pour produire son électricité (63,2% en 2009), sans espoir que les nuages de CO2, SO2 et autres oxydes d’azote s’arrêtent à l’aplomb du Rhin, ou du Danube !
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Accessoirement, cette déclaration pour l’emploi intervient au moment où l’un des acteurs les plus en vue du green business, fondateur de la SIIF (« Société Internationale d’Investissements Financiers », ancêtre d’EDF-Energies Nouvelles, se retire de celle-ci avec un magot de 600 M€13, en rejoignant un autre (fondateur de « la Compagnie du Vent », récemment éjecté de GDF-Suez14) assis sur une pelote (275 M€, montant contesté) moitié moindre mais bien plus haut qu’un « pauvre » ayant vendu son parc Erelia au même GDF pour 120 M€ seulement15, ou telle autre miséreuse16 dont le pactole plafonnerait à 100 M€ !
Ces notables faisaient partie du premier « cercle … vertueux », comme il se doit ! Relevons cependant qu’ils se sont apparemment plus … employés à conforter leur propre situation qu’à créer des emplois, fussent-ils moins bien rémunérés … A moins qu’ils aient eu seulement beaucoup plus de chance, surfant sur une vague verte entretenue, si ce n’est créée, par les subventions durables de l’obligation d’achat et son corollaire, la CSPE (de fait, de 2009 à 2011, les surcoûts17 de l’éolien ont représenté près d’un milliard, ceux du PV aussi, pris sur nos factures d’électricité)…
Question à Eva Joly : a-t-on jamais vu, dans le « lobby nucléaire », d’aussi colossales fortunes personnelles édifiées en aussi peu de temps ?
1Programme accessible sur http://evajoly2012.fr/files/2012/01/1-million-def-web.pdf
2 Corrigeantseulement une coquille, Eva Joly ayant confondu gigawatt et mégawatt éoliens !
3 Dans les pays exposés aux cyclones (dont nos DOM), le français Vergnet est leader mondial, depuis peu concurrencé par Alizeo.
4 En France : SilPro n’a jamais vu le jour, le projet d’usine de Blanquefort de First Solar et EDF-EN est reporté sine die, l’isérois Photowatt est en redressement judiciaire depuis novembre 2011, et Tenesol, filiale de Total, ne fait qu’assembler des panneaux solaires ...
5 http://www.liberation.fr/politiques/01012382355-cecile-duflot-tombe-dans-le-panneau-solaire
7 En mai 2010, le lobby éolien (SER, Greenpeace, ADEME, LPO, etc.) entreprit de « défendre l’énergie éolienne […]créatrice d’emplois », avec force placards dans la presse nationale, sur la base d’une étude de Capgemini Consulting. En fait, Enerzine (02-04-2010) avait fait état des «entreprises s’étant positionnées sur chaque composant»,expliquant que« dans le cadre de la mission […] confiée par le SER-FEE et l'ADEME à Capgemini Consulting, 150 entreprises ont fait part de leur intérêt pour la fabrication de l'un des onze grands composants d'une éolienne. Ces entreprises, TPE comme grands groupes, sont issues de secteurs industriels très variés, avec une grande diversité de savoir-faire potentiellement transposables à l'éolien. »
8 Enerpresse du 27-09-2005.
9 Enerpresse du 08-12-2005.
10 Enerpresse du 19-04-2010.
11 Lesquels ne sont pas épargnés par la conjoncture, tels le danois Vestas, leader mondial, sur le point de licencier quelque 4000 personnes (Batiactu du 16-01-2012), après avoir supprimé 3000 postes en 2010.
13 La Tribune et Les Echos du 13-01-2012.
14 Enerpresse du 18-10-2011.
15 « Eolien : le vent de la fortune », L’Express du 31-10-2007.
16 « Fortunes professionnelles. 17 Bretons dans le top 500 », letelegramme.com du 10-07-2009 citant le dossier Challenges de la veille.
17 Les comptes-rendus des délibérations de la Commission de Régulation de l’Energie (www.cre.fr) pour fixer, en octobre de chaque année, la CSPE de l’année suivante, permettent d’évaluer les volumes d’achats obligés et les surcoûts en résultant. Pour EDF seule (hors DOM, Corse, ELD et Mayotte), on peut calculer les montants suivants, hors cogénération, hydraulique, biomasse etc. :
Surcoûts annuels (M€) |
2009 |
2010 |
2011 |
Total sur |
Prévu |
réalisé |
réalisé |
prévu |
ces 3 ans |
pour 2012 |
|
Eolien |
304 |
321 |
373 |
998 |
454 |
Photovoltaïque |
47 |
185 |
813 |
1045 |
1299 |
Une analyse claire et objective. Cependant, en fonction du temps, la réalité des choses sur place imposera un choix mixte optimal.
Rédigé par : M. Asghar | 27 janvier 2012 à 21h22
Un choix mixte optimal : qu'est-ce qu'un choix optimal ?
Celui qui est le plus rentable pour ceux qui financent, le plus fiable pour les utilisateurs, le plus acceptable par la société, celui qui séduit le plus grand nombre d'électeurs, qui génère le plus d'emplois, qui assure le mieux notre indépendance énergétique, qui préserve le mieux nos paysages, qui permet au mieux de réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?
Il est malaisé de concilier ces impératifs divergents. Et l'idéologie l'emporte trop souvent sur la raison.
Rédigé par : JP | 28 janvier 2012 à 13h19
J'espère que Hollande est destinataire de cette excellente mise au point. Car, après tout, au dosage près, il propose aux Français une démarche très analogue à celle d'EELV - la "transition énergétique" il appelle ça - et, jusqu'à preuve du contraire, se revendique l'allié d'Éva Joly. Ca promet !
André Pellen
Rédigé par : PELLEN | 29 janvier 2012 à 09h24
Bonjour
En recherchant les entreprises en difficultés pour les inviter à une réunion sur un projet de loi "droit de préemption des salariés sur leur entreprise en cession", je me suis rendu compte que de nombreuses entreprises des énergies renouvelables sont en faillite ou grande difficulté : photowatt, alyseo, everlands windtechnics, des entreprises de maintenance de l'éolien, des constructions ossatures bois...
Rédigé par : Sylvie Mayer | 29 janvier 2012 à 17h55
Bonjour,
On est loin d'un choix de conciliation. C 'est bien cela qui m'inquiète. Je croise les doigts pour 2012...
Un peu de vert, mais de manière intelligente!
Rédigé par : Electricité | 30 janvier 2012 à 11h05
Quant au photovoltaïque, tout le monde convient que sa maintenance est des plus réduites, se limitant à un dépoussiérage annuel et un remplacement d’onduleur tous les 10 ans.
A graver dans le marbre car c'est quand même un sacré avantage de cette énergie.
- aucun panneau solaire ou presque n’est fabriqué hors de Chine, Allemagne ou USA,
Que l'auteur de l'article veuille bien nous indiquer qui en Allemagne fabrique tout seul ses panneaux (et non se contente de monter des modules asiatiques)
Rédigé par : Jacques- | 03 février 2012 à 11h18
Il faut prendre en compte tous les aspects du développement des énergies renouvelables et agir de manière intelligente en créant des emplois.
Rédigé par : Alex Jardin | 16 avril 2012 à 17h58