Sauvons Le Climat - 20 janvier 2012
Le 5 janvier dernier, le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) et sa branche France Energie Eolienne (FEE) ont annoncé un nouveau record de puissance de production avec 4636 MW et une couverture jusqu’à 8% des besoins électriques français ce jour là1.
Sauvons le Climat ne peut que se féliciter de ces résultats en ligne avec les engagements du Grenelle de l'environnement, même si dans ce programme l’éolien accuse un certain retard par rapport aux autres renouvelables.
Mais tout est relatif :
En termes de puissance, il est normal que les records soient constamment battus, la puissance éolienne installée en France étant en croissance constante de plus de 1000 MW par an2.
Et la comparaison de ces 4636 MW éoliens avec la puissance de 5 réacteurs nucléaires (de 900 MW, les plus anciens) est plus spécieuse : elle passe sous silence le fait que lesdits réacteurs ont une disponibilité de l’ordre de 80 % (les indisponibilités étant dues à la maintenance et aux rechargements en combustible), quand le parc éolien français dans son ensemble affiche un facteur de charge annuel de 22 % en raison de l’irrégularité des vents.
En termes de taux de couverture des besoins hexagonaux (en fait 6% sur la journée), cette production éolienne record est à rapporter à une production totale très faible pour la saison, en raison des températures clémentes. D’où un ratio beaucoup plus favorable que par temps froid3.
Et de façon plus gênante, les études montrent de nettes corrélations entre grands froids et absence de vent, en raison des conditions anticycloniques dont ces éléments sont la traduction visible. C’est donc malheureusement quand la demande est la plus forte que la production éolienne est la plus faible4.
L’ajustement aux besoins :
Une autre donnée très intéressante figure dans le communiqué du SER : « Le dispositif IPES (pour l’insertion de la production éolienne et photovoltaïque sur le système) mis en place par RTE permet de prévoir chaque jour et de manière satisfaisante la production éolienne sur le territoire et d’y adapter les besoins restants. »5
La mention de cette phrase est la reconnaissance de la part du SER et de FEE que c’est bien le nucléaire et le reste du parc de production qui s’adaptent à la production éolienne, et non l’inverse. Cela démonte totalement l’argumentation selon laquelle les énergies nouvelles ne bénéficieraient d’aucune priorité sur le réseau, et seraient ainsi freinées dans leur contribution à notre « mix » énergétique.
Le stockage de l’énergie :
Au-delà de la satisfaction ressentie devant ces chiffres, il y a la question cruciale de l’intermittence. Tant que la production des énergies nouvelles reste marginale par rapport au nucléaire et à l’hydraulique, l’adaptation aux besoins est techniquement possible et il faut se féliciter de leur contribution. Même si en période de faible demande, c’est un non-sens économique6.
Mais avec l’augmentation régulière des productions éoliennes et photovoltaïques, leur priorité d’accès au réseau sera de plus en plus difficile et coûteuse à gérer7.
Il y a aujourd’hui un énorme décalage entre le développement à marche forcée de ces ressources intermittentes et celui du stockage de l'énergie qui est son complément indissociable.
D’un côté, des taux d’équipement en croissance exponentielle, et de l’autre, des projets (stockage diffus sous forme chimique dans les batteries de nos futurs véhicules électriques, sous forme thermique dans des cumulus de grande capacité), de la Recherche et Développement et des installations pilotes8. Mais rien de transposable aujourd’hui à l’échelle industrielle9.
La seule technique de stockage mature est celle des STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) consistant à remonter de l’eau entre deux retenues. Pour pallier l’intermittence de ressources représentant 50 % du parc nucléaire français, il faudrait construire une vingtaine de STEP de type Grand’Maison10. Mais les sites disponibles sont rarissimes, les coûts importants, le délai de construction d’au moins 10 ans (après enquêtes publiques, contestations diverses, acquisitions foncières…)
Presque tout reste à faire dans ce domaine. Aucune solution n’est bon marché.
Et le transport de l’électricité...
Quant au prix, aujourd’hui le chiffrage de l'électricité « verte » et le calcul de la CSPE ne tiennent compte que de ses coûts de production, pas de ceux du stockage qui doit lui être associé. Pas davantage du coût des nouvelles lignes à haute tension à construire pour écouler la production des parcs éoliens de la façade atlantique vers les zones de forte consommation.
Le moment venu, il faudra bien s'y intéresser. La facture sera alourdie d'autant.
Décidément, le prix de l’électricité n’est pas près de se stabiliser…
1 http://www.enr.fr/docs/2012102823_CPSERFEENouveaurecorddeproductionolien.pdf
2 Pour 5660 MW installés au 31.12.2010, il y avait à cette date 3740 MW en attente de raccordement.
3 Par exemple, la puissance maximale de décembre 2011 a été de 80 gigawatts , à comparer au record de 95 gigawatts de décembre 2010, période de grands froids. Rapportés à 95 gigawatts au lieu des 76,6 gigawatts enregistrés ce 5 janvier, ce record éolien n’aurait pas justifié ce triomphalisme !
4 Etude de Hubert Flocard pour SLC : http://www.sauvonsleclimat.org/etudeshtml/eolien-et-temperature-11-2010-a-02-2011/35-fparticles/833-eolien-et-temperature-11-2010-a-02-2011.html
6 Le cout de fonctionnement d’une centrale nucléaire comportant essentiellement des charges fixes, l’ajustement de la puissance par le nucléaire signifie que s’ajoute au coût des kWh éoliens celui de kWh nucléaires non produits…
7 Au Danemark, la production éolienne est arrêtée en période de faible demande pour laisser produire les centrales à cogénération.
8 Plateforme MYRTE en Corse http://www.legrenelle-environnement.fr/ENERGIES-Realisation-d-une-plate.html
9 Et faute de débouché immédiat de ces indispensables efforts d’investigation, les pays bien équipés en renouvelables n’ont d’autre solution que le recours aux combustibles fossiles pour ajuster la production. D’où la ruée, partout dans le monde, vers le gaz naturel ou de schistes !
10 Avec retenue supérieure de 220 hectares stockant 157 millions de m3 d’eau…
La macro-énergie nucléaire et les énergies renouvelables intermettentes vont progresser en frontant l'une contre l'autre pour créer enfin une matrice valable d'énergies pour l'avenir.
Rédigé par : M. Asghar | 20 janvier 2012 à 14h03
Bonsoir,
Je voudrais savoir si vous avez étudié l'intérêt que pourrait représenter la solution de stockage de McPhy (http://www.mcphy.com/fr/index.php). Je sais que c'est une start-up (franco-française comme son nom ne l'indique pas), avec seulement des 1ers modules en exploitation, mais combien en faudrait-il ? Est-ce que ça répondrait un peu, moyennement, beaucoup à intégrer des EnR ?
Rédigé par : E.Lacroix | 21 janvier 2012 à 19h41
On le trouve effectivement ici : mcphy
@E. Lacroix
Intéressant ; sauf que l'on a tellement été déçu sur ce sujet par des idées sans lendemain...
Si d'application effective le premier module présenté peut s'inscrire dans des installations photovoltaïques de base (celles autour de 1000 m2)On pourrait alors subordonner les aides à l'acquisition de tels modules.
Rédigé par : Jacques- | 26 janvier 2012 à 09h01
@Jacques
Oui, les idées sans lendemain, on connaît. Et ce n'est pas non plus une idée miracle.
Par contre, c'est intéressant parce que c'est une percée dans le stockage d'énergie et sur des capacités non négligeables. Il y a clairement un modèle de business en couplant ces modules à des énergies intermittentes. Il peut s'agir simplement de produire de l'hydrogène avec une bonne rentabilité économique.
Rédigé par : E. Lacroix | 26 janvier 2012 à 11h39
La partie sur le Danemark qui couperait sa production éolienne est intéressante, il y a des sources ? L'Allemagne a coupé aussi un peu, ça a été assez anecdotique en volume de production, mais pas forcément autant au niveau de chaque parc (càd ce sont certains parcs spécifiques qui ont été touchés par la majorité du phénomène).
Et ça montre que toute augmentation de la capacité de production de l'Allemagne au delà du seuil actuel, va générer beaucoup plus de coupures.
Un autre cas est le Portugal, la part de l'éolien y a approché en 2010 la limite technique des 20%, et un pic de production à quasi 100% de la demande, je voudrais bien voir de très près le bilan 2011, je m'attends à ce qu'il démontre par l'exemple les obstacles pratiques majeur à dépasser ce seuil, et les conséquences sur la rentabilité de l'éolien. Le gouvernement portugais en tout cas vient d'annuler les derniers appels d'offre éoliens.
Toutefois, le plus intéressant en utilisation de l'électricité excédentaire semble être les projets d'Audi sur les véhicules au méthane, produit à partir de l'électricité en trop. Mais ce type de projet est surtout intéressant avec de l'électricité très économique, ce que n'est pas l'électricité éolienne.
Rédigé par : jmdesp | 12 avril 2012 à 14h08