SLC - 7 février 2012
L’Allemagne est LE modèle, on nous en rebat les oreilles sans que, souvent, nous ayons la possibilité d’en juger sur pièces. Dans le domaine de l’énergie et du climat, on sait l’Allemagne, comme la France, dépourvue de pétrole. Du moins les Allemands ont-ils des idées (et … du lignite) et la verdeur de leurs convictions, bien connue, s’est incarnée dans un mix énergétique faisant la part belle aux énergies renouvelables.
En sait-on bien l’importance ? Jugeons en, au 31 décembre 2011 :
- Eole souffle sur plus de 20.000 aérogénérateurs dont la puissance nominale - c’est-à-dire maximale - atteint 29.075 MW (dont 2.007 MW ont été mis en service l’an dernier)[1] ;
- Hélios darde ses rayons sur plus d’un million d’installations photovoltaïques - appartenant à des industriels ou à des particuliers propriétaires de leur pavillon - cumulant une « puissance de crête » de l’ordre[2] de 24.700 MWc.
Ainsi, les 4 réseaux allemands (Elia, EnBW-Netz, RWE-Netz et Tennet) transitant, du nord au sud et d’est en ouest, les flux d’électricité requis par une consommation annuelle voisine de la nôtre (de l’ordre de 520 TWh) sont tenus[3] de bénéficier d’énergies dites « gratuites » (car sans combustible fossile ou nucléaire) à hauteur de ~54 GW. Or ces énergies sont intermittentes : en moyenne, sur les 8.760 heures que compte chaque année, l’éolien ne donne sa pleine puissance que pendant 1.600 heures[4], le solaire encore moins, de l’ordre de 800 heures. Au total, ces deux énergies ne sont susceptibles de produire que 63 TWh/an (pertes en ligne à déduire), à peine 11% des besoins de nos voisins. Et elles sont « fatales », produisant quand Eole et Hélios peuvent, et non pas quand Egon et Hermann le souhaiteraient !
La réalité des lois physiques commence à percer, de part et d’autre du Rhin. En Allemagne[5], « le développement de cette énergie [éolienne] inquiète certains acteurs du marché » et Thorsten Herdan, un responsable de la fédération des machines-outils VDMA avertit qu’« une poursuite des installations éoliennes sans transformation en parallèle de l’infrastructure, qu’il s’agisse des réseaux électriques ou de capacités de stockage, serait une mascarade » . Or ni les réseaux, ni les stockages ne sont disponibles, et ils ne le seront pas avant longtemps, le temps de tirer quelques milliers de km de lignes THT et d’industrialiser d’hypothétiques solutions-miracles pour stocker l’énergie …
D’autres prennent moins de gants, tels le grand hebdomadaire allemand « Der Spiegel » qui, sur 3 pages bien documentées[6], dénonce la « foi aveugle des Allemands dans le solaire », sous tous les points de vue : financier (on aurait dépassé les 100 milliards de subvention), environnemental (« Pour éviter une tonne de CO2, on peut dépenser 5 € dans l’isolation d’un toit existant, investir 20 € dans une centrale à gaz neuve ou gaspiller 500 € dans une nouvelle installation solaire ») et même industriel. Sans parler d’esthétique …
Alors, méditant aussi sur les spectaculaires revirements auxquels procèd(èr)ent d’autres voisins européens :
- tout récent moratoire espagnol sur toutes les énergies renouvelables[7],
- coupes (autour de -50% …) dans les tarifs solaires britanniques annoncées pour avril prochain[8],
- révision italienne au travers de l’imminent quatrième « conto energia 2013-2015 »[9],
- taxation des revenus solaires, suite à « l’embrasement du marché tchèque »[10]
- « adaptation » des tarifs solaire et éolien suisses au 1er mars 2012, à la baisse[11].
pouvez-vous, Mesdames et Messieurs les candidats, réfléchir à 2 fois avant de copier nos germains cousins ?
[1]Données BWE et DEWI, relayées par Enerpresse du 30-01-2012.
[2]Le BSW-Solar (juin 2011) donnait 17.193 MW à fin 2010 et Enerpresse du 16-01-2011 fait écho à ladite fédération allemande des entreprises du secteur révélant l’installation de 7.500 MWc supplémentaires pour cette seule année 2011. Ce « c » caractérise la « puissance de crête », c’est-à-dire la capacité maximale d’un capteur solaire correctement orienté et juste au zénith de l’astre solaire (c’est-à-dire à midi pile).
[3]Loi « Erneuerbare Energien Gesetz », sur les énergies renouvelables, récemment amendée à effet du 1er janvier 2012.
[4]Cf. « Wind Power. A Victim of Policy and Politics ? » (IFRI, october 2010).
[5]Mais la récente « sortie » de l’Union Française de l’Electricité vaut vraiment la lecture.
[7]Real Decreto-ley 1-2012, signé par le roi Juan Carlos le 27-01-2012.
[8]Enerpresse du 24-01-2012.
[9]Enerpresse du 16-01-2012.
[10]… et avec effet rétroactif (Enerpresse du 09-09-2011), suivant l’exemple espagnol (Real Decreto 14-2010) !
[11]Enerpresse du 08-02-2012.
Ceci dit, les soirs de pointe, si j'ai bien compris, nous importons notre électricité essentiellement d'Allemagne. Comment cela se fait il? Ont ils une si puissante installation de centrales à gaz et au charbon???
Rédigé par : pierre Aguer | 08 février 2012 à 09h25
"ces deux énergies ne sont susceptibles de produire que 63 TWh/an (pertes en ligne à déduire), [à peine] 11% des besoins de nos voisins" !
C'est un parti-pris, à la limite de la mauvaise foi... Diriez-vous que nous avons [à peine] 10% de chômeurs !
Rédigé par : Jean | 08 février 2012 à 11h35
je répète ma question qui n'était pas assez claire. Comment font les allemands, chez qui il fait froid comme chez nous (même s'ils ont moins de chauffage électrique), chez qui sept centrales nucléaires ont été fermées, comment font ils donc pour avoir de l'électricité à revendre? Je ne sous entends rien, je n'insinue rien, je cherche à comprendre
Rédigé par : Pierre Aguer | 08 février 2012 à 17h19
Bonjour Pierre,
On apprend ce matin que les centrales allemandes ont repris du service. Mais mis à part cela, leurs centrales fossiles ont de la réserve, comme le montre la comparaison suivante :
Le 4 janvier, pic de consommation à 38 GW, avec :
12 GW de nucléaire
12,2 GW de charbon
5,6 GW de houille
2,7 GW de gaz
2,6 GW d'hydro
Le 7 février, pic de consommation à 54 GW avec :
12 GW de nucléaire
17 GW de charbon
12,3 GW de houille
7,6 GW de gaz
3,2 d'hydro
Amicalement,
Jacques Treiner
Rédigé par : Jacques Treiner | 09 février 2012 à 10h18
@Pierre D'après Audrey Garric : "Berlin a seulement activé deux centrales à gaz, qualifiées de "réserves froides" ainsi que d'anciennes centrales à charbon, considérées comme non rentables en temps normal." http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/02/10/le-nucleaire-est-il-vraiment-un-atout-en-periode-de-grand-froid_1641073_3244.html
Rédigé par : Charlescharle24 | 11 février 2012 à 16h30
La note 6 "[6]Document sur le site SLC, traduit en français." n'indique pas la source de l'information. Normalement une source est référencée avec un auteur, un titre d'article et une date, ou éventuellement un lien internet. Un vague document sans nom et sans date, c'est une référence fantôme.
Rédigé par : Charlescharle24 | 11 février 2012 à 16h38
Le document est "Allemagne : la foi aveugle dans l'énergie solaire".
Il n'a rien de fantôme :
http://www.sauvonsleclimat.org/extraits-pressehtml/allemagne-la-foi-aveugle-dans-lenergie-solaire/35-fparticles/1010-allemagne-la-foi-aveugle-dans-lenergie-solaire.html
Rédigé par : Roger BORDERIE | 11 février 2012 à 16h50
Le lien qui manquait à la note 6 a été inséré
Rédigé par : Jean Poitou | 11 février 2012 à 16h57
@Pierre
Ceci dit, les soirs de pointe, si j'ai bien compris, nous importons...
Par ces temps ci il est bon d'avoir toujours accessibles les liens vers le très bon site web de RTE consommation et production
Où l'on voit que ces temps ci (et pas seulement) nous importons , les jours ouvrables , du matin au soir
Rédigé par : Jacques- | 12 février 2012 à 08h13
"Le lien qui manquait à la note 6 a été inséré" --> Merci.
Rédigé par : Charlescharle24 | 17 février 2012 à 18h59