Texte d'un article de Hervé Nifenecker et François Poizat publié sur la Chaîne Energie de l'Expansion
EDF : vache à lait ou poule
aux œufs d’or ?
Hervé Nifenecker et
François Poizat
Une augmentation significative des
tarifs réglementés de l’électricité se profile à l’horizon ;
EDF, la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) et certains
parlementaires l’ont laissé entendre. Paradoxalement, en
apparence, cette augmentation est largement la conséquence d’une
dérégulation dont la principale justification donnée par les
thuriféraires de la libéralisation était, justement, la baisse des
prix au bénéfice des consommateurs que la libre concurrence ne
manquerait pas d’entraîner. Pour comprendre cette évolution, il
faut prendre en compte les niveaux européen et franco-français. Il
peut être utile de rappeler auparavant comment s’établissait le
système de prix de l’électricité dans le régime de monopole
public.
La pratique des technocrates gaulliens
Dès 1945, le but assigné à EDF était
de permettre à tous les Français de bénéficier des bienfaits de
la « Fée électricité » à un coût accessible
et dans des conditions de fiabilité acceptables. De là découlait
deux traits caractéristiques : fixation par l’Etat de tarifs
correspondant aux objectifs de modération et de solidarité,
programme intensif d’investissement dans la production et, aussi,
dans la distribution. L’Etat, unique actionnaire, n’exigeait pas
de voir rémunérer son capital, mais ne souhaitait pas non plus
subventionner l’entreprise. La fixation des tarifs résultait donc
d’accords entre la direction d’EDF et l’Etat représenté par
la direction de l’énergie du Ministère de l’industrie (DGEMP
jusqu’en 2007), officialisés par le Ministre. La stabilité de la
direction d’EDF (Marcel Boiteux en fut directeur de 1967 à 1979,
puis président de 1979 à 1987), la motivation d’un personnel
correctement payé et fier de son entreprise, la satisfaction des
consommateurs amenèrent certains commentateurs à considérer qu’EDF
était un « Etat dans l’Etat ». En réalité,
les grands choix stratégiques restaient le privilège du politique
comme on le vit lors du virage nucléaire en 1973, à la suite du
premier choc pétrolier. EDF se comporta comme un exécutant de
qualité exceptionnelle des choix gouvernementaux.
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